« Réforme du Code du Travail : paradoxalement favorable à l’arbitrage » (F.Cassereau et T.Clay/CNAT)
« La barémisation des indemnités en cas de licenciement pour rupture abusive du contrat de travail, et l’instauration d’un plancher et d’un plafond devraient, paradoxalement, être favorables à l’arbitrage car la mission des arbitres se trouve davantage encadrée », déclarent Frédérique Cassereau
Avocat / Associée @ Hoche Avocats • Maître de Conférences à l’Ecole de droit de Sciencespo @ Sciences Po Paris
, avocate associée du cabinet Hoche, secrétaire générale adjointe du CNAT
Centre national d’arbitrage du travail
, et Thomas Clay
Avocat @ Barreau de Paris • Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne @ Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne • Vice-Président @ Centre national d’arbitrage du travail (CNAT)
, professeur de droit à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1) et vice-président du CNAT, le 26/10/2017 à News Tank.
« Certains continuent à croire à la prétendue compétence exclusive du Conseil de Prud’hommes car l’article L. 1411-4 du Code du Travail indique que “le Conseil de Prud’hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande” et que 'toute convention contraire est réputée non écrite', alors que tel n’est plus le cas depuis 1979 ». La loi Boulin du 18/01/1979 a « expressément consacré la validité du compromis d’arbitrage conclu après la fin du contrat de travail ». « La seule nouveauté est que les parties ont désormais la possibilité de recourir au CNAT qui est un centre d’arbitrage spécialisé qui a professionnalisé l’arbitrage pour résoudre les conflits du travail. »
« L’arbitrage en droit du travail concerne plutôt des cadres supérieurs et les cadres dirigeants. Mais le CNAT souhaite l’ouvrir à d’autres catégories socio-professionnelles. Il propose une liste indicative d’arbitres spécialisés en droit social et en arbitrage. Pour un contentieux ne dépassant pas 200 000 €, il faut compter 2 500 € pour un arbitre unique et 6 000 € s’il y a 3 arbitres. »
« La jurisprudence a rendu le dispositif attractif en donnant la possibilité d’intégrer une clause compromissoire dans le contrat de travail. Le salarié bénéficie d’une option de compétences qui lui permet de renoncer ou de résister à l’arbitrage en cas de litige et de saisir le Conseil de Prud’hommes ou d’accepter d’y être attrait. C’est une faveur qui n’existe pas pour l’employeur qui, lui, n’aura pas le choix dès lors qu’il a accepté la clause compromissoire. »
L’analyse de Frédérique Cassereau, avocate associée du cabinet Hoche, secrétaire générale adjointe du CNAT, et de Thomas Clay, professeur de droit à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1) et vice-président du CNAT.
Frédérique Cassereau, avocate associée du cabinet Hoche, secrétaire générale adjointe du CNAT, et Thomas Clay, professeur de droit à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1) et vice-président du CNAT
En quoi consiste l’arbitrage en droit du travail ?
Contrairement à ce que l’on croit, l’arbitrage en droit du travail existe depuis très longtemps. Dès la loi Boulin du 18/01/1979, a été expressément consacrée la validité du compromis d’arbitrage conclu après la fin du contrat de travail. Ensuite, la jurisprudence a rendu le dispositif attractif en donnant la possibilité d’intégrer une clause compromissoire dans le contrat de travail, d’abord en matière internationale en 1999, puis en matière interne depuis 2011. Plus récemment, la clause compromissoire a été élargie à tous les contrats par la Loi relative à la Justice du 21ème siècle avec la modification de l’article 2061 du Code Civil.
Toutefois, pour protéger la partie faible, qu’il soit consommateur ou salarié, celle-ci lui est inopposable une fois le litige né. Cela signifie que le salarié bénéficie d’une option de compétences qui lui permet de renoncer ou de résister à l’arbitrage en cas de litige et de saisir le Conseil de Prud’hommes ou d’accepter d’y être attrait. C’est une faveur que lui fait le droit positif, qui n’existe pas pour l’employeur qui, lui, n’aura pas le choix dès lors qu’il a accepté la clause compromissoire.
Quel est le niveau d’utilisation en France de l’arbitrage en droit du travail ?
Difficile d’évaluer la pratique de l’arbitrage en droit du travail car il est par nature confidentiel. »Il est difficile d’évaluer la pratique de l’arbitrage en droit du travail car il est par nature confidentiel. Nous ne connaissons que les sentences qui sont contestées, et elles sont très peu nombreuses. Ce que l’on peut quand même relever c’est que, pour l’instant, cela concerne plutôt des cadres supérieurs et les cadres dirigeants.
Mais le CNAT souhaite l’ouvrir à d’autres catégories socio-professionnelles. Nous constatons un développement exponentiel de l’arbitrage en général. Il devrait trouver naturellement à s’épanouir pour résoudre les litiges du travail et notamment dans les situations de para-subordination qui sont de plus en plus nombreuses entre employeurs et salariés, par exemple dans les milieux sportifs et artistiques où le degré d’autonomie est fort.
Quel est l’intérêt d’opter pour un arbitrage en droit du travail ?
Il existe au moins 4 avantages :
• le choix de son juge, avec des profils adaptés au litige et complémentaires entre eux s’ils sont plusieurs ;
• la rapidité de la décision définitive : entre deux et trois mois contre parfois trois ans pour le Conseil de Prud’hommes en cas d’Appel;
• la confidentialité ;
• une garantie d’indépendance.
Quels sont les freins actuels ?
Ils sont de deux ordres : ils tiennent à une réserve psychologique et à une méconnaissance du mécanisme.
Certains continuent à croire à la prétendue compétence exclusive du Conseil de Prud’hommes car l’article L. 1411-4 du Code du Travail indique que “le Conseil de Prud’hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande” et que 'toute convention contraire est réputée non écrite', alors que tel n’est plus le cas depuis 1979. La seule nouveauté est que les parties ont désormais la possibilité de recourir au CNAT qui est un centre d’arbitrage spécialisé qui a professionnalisé l’arbitrage pour résoudre les conflits du travail.
Qui sont les arbitres ?
Les arbitres sont librement choisis par les parties. Le CNAT propose une liste indicative d’arbitres spécialisés en droit social et en arbitrage. La France est la principale place au monde en matière d’arbitrage et tous les grands arbitres se trouvent à Paris.
En pratique, le plus souvent, chaque partie choisit un arbitre, et les deux arbitres choisissent ensemble un président, avec l’accord des parties. La composition du tribunal arbitral est ensuite validée par le CNAT qui administre la procédure mais ne rend pas la décision.
Quel est le coût d’une procédure d’arbitrage ?
Il existe un barème parfaitement accessible sur notre site internet qui permet aux parties de connaître avec précision le coût d’un arbitrage. Si vous le consultez, vous pourrez constater qu’il est beaucoup moins élevé qu’on le dit.
Ainsi, par exemple, pour un contentieux ne dépassant pas 200 000 € :
• il faut compter 2 500 € pour un arbitre unique
• 6 000 € s’il y a 3 arbitres.
Pour un contentieux entre 200 000 et 500 000 euros :
• il en coûtera 10 000 € pour un arbitre unique
• 24 000 euros € pour 3 arbitres.
Enfin, pour un contentieux d’une valeur supérieure à 500 000 € :
• les frais seront indexés sur le montant du litige, à hauteur de 3 % en cas d’arbitre unique
• 5 % en cas de tribunal arbitral collégial à 3 arbitres.
La répartition du versement de la provision d’arbitrage (au début de la procédure) est mise à la charge de l’employeur au 2/3 et 1/3 pour l’employé. Mais au final, c’est le tribunal arbitral qui fixera la répartition définitive des frais de l’arbitrage, comme tout juge.
Peut-on faire appel ?
Oui, en matière interne. C’est aux parties que cette décision revient lorsqu’elles concluent leur convention d’arbitrage L’appel sera porté devant la Cour d’appel qui rejugera l’affaire. En pratique, il n’y a peu d’appels. En revanche, un recours en annulation est toujours possible car les parties ne peuvent y renoncer. C’est une forme d’appel plus restreint, porté devant la Cour d’appel aussi.
Que va devenir l’arbitrage après la réforme du Conseil de Prud’hommes ?
La barémisation des indemnités en cas de licenciement pour rupture abusive du contrat de travail, et l’instauration d’un plancher et d’un plafond devraient, paradoxalement être favorable à l’arbitrage car la mission des arbitres se trouve davantage encadrée. Rappelons que l’arbitre juge en droit, comme le juge, et applique la même règle de droit. Simplement, il le fait plus vite, de manière confidentielle, sans cristalliser les antagonismes, et avec la même sécurité juridique. Bref, il faudrait être fou pour s’en passer.
Frédérique Cassereau
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Parcours
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Fiche n° 25540, créée le 08/09/2017 à 15:26 - MàJ le 06/02/2018 à 09:17
Thomas Clay
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Parcours
Avocat
Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne
Vice-Président
Administrateur provisoire
Conseiller personnel de Thierry Mandon
Professeur de droit
Président
Doyen de la Faculté de droit et de science politique
Établissement & diplôme
Agrégé des Facultés de droit (section : droit privé & sciences criminelles)
Docteur en droit
Formation
Fiche n° 26623, créée le 24/10/2017 à 10:11 - MàJ le 18/12/2020 à 07:46
Centre national d’arbitrage du travail (CNAT)
. Objectif : permettre aux employeurs, salariés, organisations syndicales qu’un différend juridique lié aux relations de travail oppose, de le régler par voie d’arbitrage.
. Création : 2015
. Fondateurs : Me Hubert Flichy, président; Pr. Thomas Clay, vice-président; Me Henri José Legrand, vice-président
• Missions :
. organisation des arbitrages
. promotions de l’arbitrage en droit du travail
. formations sur l’arbitrage
• Contact : Maître Benoit Girardin, secrétaire général
• Tél. : 01 53 77 24 31
Catégorie : Associations / Fondations
Adresse du siège
8 avenue Bertie Albrecht75008 Paris France
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Fiche n° 5973, créée le 24/10/2017 à 02:14 - MàJ le 26/10/2017 à 10:46
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