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« Les jeunes sont plus intéressés par le People Management que par la GRH » (F.Bournois / ESCP Europe)

News Tank RH - Paris - Entretien n°112290 - Publié le 13/02/2018 à 14:00
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Frank Bournois - ©  D.R.

« Les jeunes sont demandeurs de l’animation de communautés spécifiques. Ce n’est pas un hasard si certains professionnels RH se font appeler Head of Communities, déclare Frank Bournois, directeur général de l’ESCP Europe à News Tank le 12/02/2018. Les aspects techniques du recrutement et des classifications des emplois les intéressent moins. Ils sont plus intéressés par la dimension management des RH, qu’on appelle People Management que par la GRH traditionnelle. »

« La fonction RH est passée aussi d’une préoccupation de gestion collective sur le moyen/long terme à une gestion segmentée par famille sur le court terme. Nous avons moins de spécialistes dans les entreprises et il risque d’en manquer à un moment car on en forme moins aussi. »

« Les diplômés arrivent généralement à la filière RH plus tard qu’auparavant. Moins de 2 à 3 % d’une promotion d’élèves de l’ESCP Europe se destinent à une carrière RH que ce soit au siège ou au sein d’une unité. »

« Les équipes RH doivent être mélangées et il faut trouver l’alchimie de l’équilibre entre la part de spécialistes et de généralistes. Les ingénieurs qui intègrent la fonction RH ont généralement exercé auparavant des rôles managériaux en étant à la tête de projets ou d’équipes. C’est surtout la dimension managériale qui intéresse la fonction RH. »

« Être stratège pour un DRH implique une dimension de posture et de personnalité : avoir la capacité d’aller à la rencontre des managers pour les écouter, les interroger, les convaincre ou bien les dissuader. »


Frank Bournois, directeur général de l’ESCP Europe

Vous formez les dirigeants de demain, comment les jeunes perçoivent-ils la fonction RH ?

Dans les années 80, la moyenne était de 3,2 employeurs dans une vie professionnelle pour un cadre (…). En 2018, en France, la moyenne est de 7 à 8 employeurs et de 13 à 15 dans le monde anglo-saxon »

L’attachement à l’entreprise a changé. Dans les années 80, la moyenne était de 3,2 employeurs dans une vie professionnelle pour un cadre sorti de l’enseignement supérieur. En 2018, en France, la moyenne est de 7 à 8 employeurs et de 13 à 15 dans le monde anglo-saxon.

• La fonction RH est passée aussi d’une préoccupation de gestion collective sur le moyen/long terme à une gestion segmentée par famille sur le court terme.
• La relation sociale collective, grande affaire des RH des années 1970 à 2000, a une moindre importance.
• Nous avons moins de spécialistes dans les entreprises et ces profils risquent de manquer car nous en formons moins également.
• Les systèmes de GRH sont de plus en plus internationaux : la culture nationale s’efface devant la priorité du groupe à l’échelle mondiale.

Face à tous ces changements, dont la transformation digitale, les jeunes sont demandeurs de l’animation de communautés spécifiques. Ce n’est pas un hasard si certains professionnels RH se font appeler Head of Communities. Ils n’ont pas en tête les process, la dimension administrative bureaucratique classique. Ils ne sont plus dans un mode taylorien avec des règles strictes.

Quelles sont les attentes des jeunes ?

Le baromètre IPSOS BCG-CGE du 23/01/2018 révèle que la rémunération arrive à la 9ème place comme préoccupation. Les jeunes cherchent avant tout l’intérêt du poste. Ils sont plus volontiers prêts à travailler dans l'économie sociale et solidaire même en gagnant 5 % de moins.

Les aspects techniques du recrutement et des classifications des emplois les intéressent moins. Ils sont plus intéressés par la dimension management des RH, qu’on appelle People Management que par la GRH traditionnelle. Ils sont passionnés par les questions de responsabilité sociale et de management alternatif.

Les questions de droit social et de relations avec les syndicats les préoccupent moins. Ce qui les attire c’est le lien, travailler en animation d'équipe, l’appréciation des collaborateurs avec des feedbacks, le fait de gérer les personnalités difficiles. Ils recherchent tout ce qui a trait au sens et ce qui a de l’impact sur la Société.

La dimension théorique les intéresse moins, contrairement à leurs aînés. Ils s’intéressent plus à la psychosociologie des organisations et à tout ce qui est lié au décodage des subtilités du fonctionnement de l’entreprise comme aux jeux de pouvoir… Tout comme la philosophie, l’histoire, le management en perspective d’humanité, les questions de déontologie et d'éthique.

Quelle est la proportion de vos diplômés qui accèdent aux RH ?

Les diplômés arrivent généralement à la filière RH plus tard qu’auparavant. Moins de 2 à 3 % d’une promotion d’élèves de l’ESCP Europe se destinent à une carrière RH que ce soit au siège ou au sein d’une unité. Ils ne sont d’ailleurs pas recrutés comme des spécialistes. Ils pratiquent d’abord les RH dans des actions de management opérationnel et certains vont avoir alors des révélations à travers une expérience humaine passionnante. On peut avoir également un responsable de projet transverse en production ou un responsable d’un projet international qui viendra à la fonction RH si celle-ci est prête à les accepter sans spécialisation RH.

Faut-il des spécialistes dans les RH  ?

Dans les années 80, nous avions de nombreux psychologues du travail dans les RH. En 2018 … quasiment plus.  »

Les équipes RH doivent être mélangées et il faut trouver l’alchimie de l’équilibre entre la part de spécialistes et de généralistes et ceci varie selon le secteur d’activité, la nature des enjeux RH, l’international, la culture de l’entreprise,…Il faut un socle minimum de compétences solides sur les rémunérations, le droit social et aussi des managers opérationnels qui connaissent ou ont une appétence pour la dimension humaine de l’entreprise. Il y a aussi des cycles de mode pour les profils de DRH : dans les années 80, nous avions de nombreux psychologues du travail dans les RH. En 2018, nous n’en avons quasiment plus. 

Que pensez-vous de l’arrivée des ingénieurs dans la fonction RH ?

Les ingénieurs qui intègrent la fonction RH ont exercé auparavant des rôles managériaux à la tête de projets ou d’équipes. »

Les ingénieurs qui intègrent la fonction RH ont généralement exercé auparavant des rôles managériaux en étant à la tête de projets ou d’équipes. Près de 20 % des diplômés de ESCP Europe, par exemple, ont la double compétence Gestion et un diplôme d’ingénieur ou un Master d’une école d’ingénieur. Les directions des RH n’accueillent pas des profils techn(olog)iques parmi les ingénieurs mais des profils qui ont exercé des fonctions de direction d’unité par exemple. Comme je l’ai déjà précisé, c’est surtout la dimension managériale qui intéresse la fonction RH.

Comment expliquez-vous que peu de DRH accèdent à la fonction de dirigeant ?

Depuis 2011, le Prix du Cercle Humania récompense un DRH devenu président. Ce type de nomination n’arrive pas souvent. Mais lorsqu’un DRH devient un chef d’entreprise, il se révèle comme un excellent patron de business unit. Il faut aussi constater que de nombreux spécialistes de la fonction RH ne souhaitent pas devenir des patrons de business. Une autre tendance consiste à embrasser une fonction Communication en plus de celle de DRH. C’est le cas de Caroline Guillaumin qui est directrice des ressources humaines et directrice de la communication de la Société Générale. Cette double compétence permet de renforcer l’engagement des salariés et de travailler l’importance de la culture d’entreprise. 

Pensez-vous que la fonction RH soit stratégique ?

 Anticiper et être à l'écoute des besoins forts et des signaux faibles des managers. »

Évidemment que cette fonction est stratégique pour attirer et conserver les talents ! Vous ne pouvez pas développer des opportunités de marchés, vendre des produits, affronter la concurrence, sans le bon nombre et la bonne qualité de collaborateurs à un moment où les décisions et les changements à opérer sont de plus en plus rapides. Le DRH doit être en phase avec les opérationnels et les dirigeants pour anticiper et alerter, pour discerner si un projet de transformation est faisable en termes de moyens et acceptable par le corps social. La fonction RH ne doit pas louper les grands enjeux de la transformation digitale. Elle doit jouer un rôle de facilitation et de préparation des managers à la transformation numérique. En dehors des aspects administratifs et techniques qui doivent s’automatiser, elle doit anticiper et être à l'écoute des besoins forts et des signaux faibles des managers.

Les DRH sont-ils reconnus comme de bons stratèges ? 

Les directions font preuve d’un a priori de départ sur l’aspect stratège du DRH. Et elles ont tendance à le cantonner dans son rôle : comptabiliser le nombre d’entretiens annuels, répondre aux exigences du bilan social. Mais être stratège implique une dimension de posture et de personnalité : avoir la capacité d’aller à la rencontre des managers pour les écouter, les interroger, les convaincre ou bien les dissuader. 

Les bons stratèges sont connus quand on propose au DRH un rôle business. C’est le cas de Jean-François Pillard, par exemple, ex DRH de Schneider Electric qui a exercé un rôle de stratège dans une branche professionnelle (IUMM) et même au niveau de l'État en étant nommé comme l’un des trois experts sur l’évaluation des mesures prévues par les ordonnances pour le renforcement du dialogue social. 

Quelle place ont les DRH dans l’innovation de leur entreprise ?

Ils doivent contribuer à l’innovation par la culture alors qu’auparavant, ils s’appuyaient sur l’organisation. Leur défi est d’aider leur entreprise à transformer sa culture. Mais cela implique une complicité et une connivence entre le DRH et le DG. 

Parcours

CEIBS (China Europe International Business School)
Doyen et vice-président
Conférence des grandes écoles (CGE)
Président de la commission formation
ESCP Business School (ESCP)
Directeur général
Université Paris 2 - Panthéon-Assas
Directeur CIFFOP et Professeur des Universités
Université Paris-Panthéon-Assas (EPE)
Professeur
Commission d’Evaluation des Formations et Diplômes de Gestion (CEFDG)
Président
ESCP Business School (ESCP)
Directeur de chaire et Professeur
Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN)
responsable des enseignements de défense
Université Jean Moulin - Lyon III
Professeur des universités
Rhône Poulenc Fibres et Polymères
Adjoint au DHR

Établissement & diplôme

Concours de recrutement des professeurs des universités
Agrégé des Facultés de droit (sciences de gestion)
Université Lyon 3
Doctorat en Sciences Gestion
Aston University
MBA
Aston University - UK
MBA in Organisational Psychology

Fiche n° 26312, créée le 09/10/2017 à 19:27 - MàJ le 14/02/2018 à 16:20

ESCP Business School (ESCP)

Création : 1819
Statut : école consulaire de la CCI Paris-IDF
Direction : Frank Bournois (DG)
Campus :
• Paris
• Londres
• Berlin
• Madrid
• Turin
• Varsovie
Chiffres clés  :
• triple accréditation (Equis, AMBA, AACSB),
• 4 000 étudiants et 5 000 cadres-dirigeants,
• 45 000 diplômes (de 200 nationalités, présents dans 150 pays)
Contact : Muriel Martin, service presse
Tél.  : 01 49 23 20 00


Catégorie : Enseignement Supérieur


Adresse du siège

3 rue armand moisant
75015 Paris France


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Fiche n° 5961, créée le 19/10/2017 à 14:42 - MàJ le 15/06/2020 à 15:51

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