« La Marine nationale est moins attachée au diplôme qu’à la personnalité du candidat » (Mackara Ouk)
« Parce que la Marine propose des carrières très dynamiques et forme, elle recherche avant tout des personnes qui vont au bout de leurs responsabilités, qui ont envie de progresser, d’évoluer et de montrer leurs talents. Nous sommes moins attachés à un diplôme acquis qu’à une personnalité et aux soft skills que ces personnes détiennent », déclare le Capitaine de vaisseau Mackara Ouk
Chef du service de recrutement @ Marine nationale
, commandant le service de recrutement de la Marine nationale à News Tank, le 14/12/2022.
« Cela fait la troisième année que la Marine atteint son objectif annuel de 4 000 personnes recrutées et en 2022, elle va également l’atteindre. La Marine recrute dans 14 domaines qui vont de l’aéronautique au nucléaire, en passant par la plongée, la mécanique, l’informatique, la boulangerie, la santé. Les 4 000 postes à pourvoir se trouvent dans plus de 80 métiers différents. »
« La grande majorité des profils recrutés a entre 16 et 30 ans en raison d’un impératif de jeunesse : la Marine est un corps de déploiement et de combat. Elle a besoin d’avoir des personnels jeunes qui peuvent être déployés loin et longtemps. Ce qui ne l’empêche pas de recruter quelques profils en dehors de cette cible principale, une trentaine de personnes par an, qui apportent des compétences spécifiques : marketing ou architecture des réseaux par exemple. »
Le Capitaine de vaisseau Mackara Ouk répond aux questions de News Tank
Allez-vous atteindre en 2022 votre objectif annuel de 4 000 personnes recrutées ?
2021 a été la troisième année où la Marine atteint son objectif annuel de 4 000 personnes recrutées. cet objectif sera également atteint en 2022. Nous sommes montés en puissance à partir de 2017 en portant le nombre de postes à pourvoir de 3 600 à 4 000. Nous allons poursuivre cette montée puissance car la Marine nationale s’appuie essentiellement sur ses ressources humaines pour fonctionner et opérer sur toutes les mers du monde.
Dans quels secteurs recherchez-vous des candidats ?
Plus de 80 métiers différents »Ce besoin de compétences se manifeste dans un contexte du marché de l’emploi extrêmement concurrentiel. Tous les secteurs professionnels connaissent des tensions de recrutement, sur les postes les plus qualifiés comme sur les moins qualifiés. La caractéristique de la Marine, c’est qu’elle recrute dans des secteurs d’activité très divers, soit 14 domaines : de l’aéronautique au nucléaire, en passant par la plongée, la mécanique… Parmi les 4 000 postes à pourvoir, il y a plus de 80 métiers différents. Ils comprennent notamment des métiers de soutien de l’homme avec des emplois dans la restauration, la logistique, l’informatique… On illustre souvent cette diversité en rappelant par exemple que sur un bateau, il y a un cuisinier, un infirmier… La caractéristique de ce back office c’est qu’il embarque avec le reste du bâtiment. Il part lui aussi au combat le cas échéant. C’est un back office de première ligne.
Il y a aussi les métiers propres à la navigation comme les chefs de quart et à l’autre bout du spectre, des métiers hautement techniques qui sont les mêmes que ceux que recherche l’industrie. Nous avons ainsi besoin de personnels qui font de la maintenance navale, de la maintenance aéronautique. Nous recherchons des personnes qui travaillent dans le nucléaire et le cyber, ainsi que de nombreux professionnels des secteurs de l’électricité et des télécommunications qui sont très demandés dans tous les secteurs professionnels.
À quelle logique répondent ces besoins de recrutement ?
Ils répondent à une double logique :
- D’une part, la Marine est une armée, hautement technologique qui recrute et forme ses marins elle-même, dans une logique où l’exercice des responsabilités va de pair avec la montée en compétence technique. C’est pour cette raison qu’elle a une logique de flux très forte : elle renouvelle tous les ans, 10 % de ses effectifs. Le premier objectif de la politique de recrutement de la Marine est d’alimenter ce flux pour compenser les départs naturels. Cette logique répond à un impératif de jeunesse. La moyenne d’âge à bord d’un navire de la Marine nationale est inférieure à 30 ans ;
- D’autre part, la Marine est dans une dynamique de remontée en puissance avec l’arrivée de nombreux nouveaux programmes emblématiques comme le remplacement du porte-avions Charles de Gaulle, l’arrivée des SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) 3G (pour 3e génération), les sous-marins de classe Triomphant actuellement en service pour permettre d’assurer la poursuite de la permanence de la dissuasion nucléaire et d’autres grands projets comme les frégates de défense et d’intervention ou les bâtiments ravitailleurs et d’autres projets de moins grande ampleur mais qui concourent à l’efficacité.
La progression des recrutements répond-elle à une stratégie militaire ?
26 000 personnes sous statut militaire recrutées tous les ans par les armées »Les programmes des armées, qu’il s’agisse des RH Ressources Humaines , des programmes militaires ou d’armement sont fixés par la LPM (loi de programmation militaire). Dans la dernière loi (2019-2025), il y a eu un véritable virage : on a remonté en puissance l’outil militaire en général. Ce qui fait qu’aujourd’hui, l’ensemble des armées recrutent au total chaque année 26 000 personnes sous statut militaire. C’est une forte remontée pour les armées qui ont connu une véritable déflation RH en près de 30 ans. Cela fait des armées le premier recruteur de la jeunesse en France.
La grande majorité des profils que nous recrutons ont entre 16 et 30 ans, dans des filières très diverses selon que le jeune veut travailler et évoluer rapidement ou pas. On peut ainsi entrer à 16 ans dans la Marine à l’École des mousses et apprendre par la pratique.
Il y a aussi une offre d’entrée que l’on appelle quartier maître de la flotte qui permet d’entrer avec le bac ou au niveau bac et de faire des métiers d’opérateur avec une prise rapide de responsabilité. On trouve ensuite la colonne vertébrale de la Marine qui est le recrutement par l’École de Maistrance au niveau BTS Brevet de technicien supérieur /Bac+2, qui forme les techniciens et chefs d’équipe de proximité de la Marine. Cet ensemble représente plus de 88 % des recrutements annuels.
Les 12 % restants sont des officiers recrutés à bac +5, eux-aussi dans une grande variété de métiers. Plus de 98 % de notre recrutement se réalise par un engagement sous contrat (durée déterminée renouvelable). Seuls 85 marins officiers sont recrutés sur concours, via l’École navale, pour être officiers de carrière.
Recrutez-vous-en dehors de cette cible de jeunes âgés de 16 à 30 ans ?
Nous avons un impératif de jeunesse qui est dû au fait que la Marine est une marine de déploiement et de combat. Elle a besoin d’avoir des personnels jeunes qui peuvent être déployés loin et longtemps. Ce qui ne nous empêche pas de recruter quelques profils en dehors de cette cible principale, soit une trentaine de personnes par an qui nous apportent des compétences spécifiques. J’ai ainsi recruté au service marketing du service recrutement de la Marine qui traite beaucoup avec les agences media et de publicité un ancien publicitaire d’une cinquantaine d’années doté d’une forte expérience dans le domaine du marketing. Ces recrutements externes peuvent se faire aussi dans l’architecture des réseaux, métiers pour lequel il est compliqué de générer en interne suffisamment de compétences. Pour certains postes d’état-major, nous allons en recruter à l’extérieur.
Quel est le profil des 12 % d’officiers ?
L’offre de recrutement officier est la plus large puisqu’il n’y a pas moins de 16 filières différentes. Ils viennent aussi bien de l’intérieur - la Marine fait beaucoup de promotion interne. Plus de 40 % de nos officiers (cadres) sont d’anciens officiers mariniers (techniciens). On peut rentrer comme officier avec un contrat très court qui permet à des étudiants de faire une année de césure, sous la forme d’un volontariat pour avoir une première expérience professionnelle et aussi ajouter une belle ligne à leur CV Curriculum vitae . On les trouve surtout dans des spécialités liées au travail d’état-major mais aussi à la conduite des opérations, dans le domaine des RH par exemple.
Il y a aussi des officiers sous contrats qui sont des généralistes ou à l’inverse très spécialisés dans le contrôle des aéronefs, la circulation aérienne, le nucléaire, la cyber, par exemple. On trouve aussi le recrutement le plus connu, celui de l’École navale qui se fait par concours CPGE Classe préparatoire aux grandes écoles . Il représente l’ossature de l’encadrement. Ces officiers ont vocation à rester longtemps et à fournir les cadres de carrière de la Marine nationale.
Sur les 4 000 personnes recrutées chaque année, seules 85 entrent par concours »Sur les 4 000 personnes recrutées chaque année par la Marine, seules 85 entrent par concours. Les autres sont sélectionnés sur dossier (sans CV) et par évaluation et signent un contrat. Le grand public réalise peu l’importance de la dimension contractuelle dans la Marine nationale. Il existe deux systèmes : les contrats courts de quatre ans et des contrats long de huit ans. À chaque fois, il y a des possibilités de renouvellement et d’évolution forte. Aujourd’hui, pour les officiers sous contrat dits longs, faire une carrière de 20 ans, c’est tout à fait possible, par renouvellements successifs.
La Marine nationale a la culture de la mobilité interne. J’ai en tête par exemple le parcours d’un marin qui a commencé comme opérateur matelot sur porte-avions (ce qui consiste à déplacer les avions de combat et à les mettre sur le pont d’envol) et qui est devenu électricien. Un peu plus tard, parce qu’il avait une passion pour la photo, il est devenu reporter image. Il travaille aujourd’hui dans la Marine pour produire des reportages et des images.
La Marine recrute surtout des personnalités dites-vous. Pouvez-vous préciser ?
Parce que la Marine propose des carrières très dynamiques et forme, elle recherche avant tout des personnes qui vont au bout de leurs responsabilités, qui ont envie de progresser, d’évoluer et de montrer leurs talents. Nous sommes moins attachés à un diplôme acquis qu’à une personnalité et aux soft skills que ces personnes détiennent.
La Marine recrute sur une série d’entretiens, trois ou quatre entretiens différents en moyenne :
- Un entretien avec un marin qui est un conseiller en recrutement. Il évalue la personnalité du candidat, sa motivation pour l’aider à l’orienter vers l’offre qui lui convient le mieux. Ce premier entretien d’information est complété par un entretien de motivation pour le choix d’une spécialité.
- Un entretien avec un psychologue de la Marine, pour mesurer son aptitude et sa maturité.
- En fonction de la spécialité, il y a des entretiens complémentaires, une série de tests physiques, de tests d’aptitude médicale, des tests en anglais et des tests de personnalité.
Les jeunes filles trouvent-elles leur place au sein de la Marine ?
La Marine essaie de recruter sans distinction d’origine sociale ou géographique et promeut la mixité des genres. Il n’y a aucune discrimination à l’embauche. La vraie difficulté c’est que les femmes doivent pouvoir se projeter dans la Marine donc celle-ci travaille avec différentes institutions comme l’association « Elles bougent ». Nous travaillons aussi en interne pour que les jeunes femmes comprennent le potentiel qu’elles ont, pour qu’elles réussissent à se projeter dans l’exercice de responsabilités tout en parvenant à concilier leur vie personnelle et le développement d’une carrière.
La Marine est socialement très ouverte, et perpétue la tradition de l’égalité et de l’intégration républicaine. On n’y rencontre plus les a priori d’il y a quelques années sur la place des femmes en son sein. Aujourd’hui, il y a deux aspects :
- Le premier, c’est que dans la conciliation vie personnelle/vie professionnelle, l’embarquement, le déploiement parfois de longue durée, loin du port base est une caractéristique qui nous est propre et qui doit être prise en compte.
- La 2e c’est que pour construire un parcours de carrière, pour former un commandant de bateau ou de sous-marin, il y a un certain nombre d’étapes qui sont incontournables et il faut pouvoir y intégrer la parentalité lorsqu’on est une femme, mais aussi pour les hommes, si on le souhaite.
Aujourd’hui la Marine a intégré ces aspects pour permettre à des femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités. Il faut simplement le temps nécessaire d’une carrière. Il faut avoir les candidates d’une part et il faut pouvoir leur construire des parcours de carrière qui leur permettent de franchir les différentes étapes de montée en compétences et en responsabilités. Mais six femmes ont commandé récemment des bâtiments de premier rang comme des frégates de combat ou des bases aéronautiques.
Pour quelle raison la Marine est-elle mal connue en tant qu’employeur ?
La Marine n’est présente que dans 2 grands ports militaires : Brest et Toulon ; elle est forcément moins visible »Elle est mal connue mais elle atteint depuis trois ans ses objectifs de recrutement qui sont ambitieux. La difficulté est géographique : en France, la Marine n’est présente que dans deux grands ports militaires : Brest et Toulon. Elle est forcément moins visible. Il y a moins de gens sur le territoire national qui ont un voisin marin avec lequel ils peuvent discuter, ce qui n’est pas le cas des autres armées. Cet effet de concentration de la Marine dans certains ports fait que dans ces lieux, elle jouit d’une très bonne notoriété, ce qui est moins le cas ailleurs, éloigné des littoraux.
La Marine recrute cependant sur l’ensemble du territoire français en métropole et outremer. 59 bureaux de recrutement sont répartis dans les CIRFA (Centres d’information et de recrutement des forces armées) communs à l’Armée de Terre et à l’Armée de l’Air et de l’Espace, et dans lequel chaque armée a un bureau de recrutement. Tout jeune Français peut s’y rendre pour s’informer sur les métiers et les formations proposées par la Marine en plus de notre site carrière.
La méconnaissance de nos métiers est aussi liée à la méconnaissance de la mer et des enjeux maritimes en France. Les gens associent naturellement Marine et bateau ou les métiers de la navigation, comme ils associent l’Armée de l’Air aux avions. Mais il y a aussi des avions dans la Marine, comme il y a des météorologues, des électriciens, des pompiers, etc. Du coup les gens ont du mal à se représenter la diversité des métiers présents au sein de la Marine. Cela demande un surcroît d’information et d’explication de notre part.
Un bon recrutement passe par une bonne maîtrise de la data dites-vous. C’est-à-dire ?
Il faut savoir ce qui a conduit un candidat à se tourner vers nous. C’est indispensable pour la Marine comme pour tout employeur de mieux cibler les parcours et l’efficacité des différents dispositifs qui conduisent les candidats vers nous. La connaissance de nos viviers, la mesure de l’efficacité de nos dispositifs passent par une bonne maîtrise et une bonne exploitation de nos données.
Sur le site nous enregistrons en moyenne 1,5 million de visites par an. Lorsqu’elles viennent sur notre site, ces personnes consentent à laisser leurs personnelles en demandant des informations ou en déposant des candidatures. Un jeune peut visiter le site à 15 ans pour s’informer sur l’École des Mousses et revenir quelques années plus tard, au cours de leurs études supérieures pour s’informer à nouveau sur nos filières. Le fait d’avoir cette traçabilité nous permet de lui présenter l’évolution de notre offre ou une filière spécifique. La gestion des data vaut de l’or aujourd’hui. La guerre des talents se joue aussi dans la capacité à les exploiter.
Parcours
Chef du service de recrutement
Chef d’état-major FRMARFOR
Commandant de la frégate antiaérienne Frégate Jean Bart
Chef d’état-major, Pôle Ecole Méditerranée
Commandant Frégate antiaérienne Cassard
Chef du bureau planification et relations internationales CECMED
Commandant Frégate La Fayette
Planificateur JFC Naples (NATO)
Commandant Patrouilleur La Rieuse
Établissement & diplôme
diplômé
Fiche n° 48084, créée le 14/12/2022 à 17:14 - MàJ le 14/12/2022 à 17:48