Bienveillance : « Il faut faire un effort sur le plan managérial » (Dr Philippe Rodet)
« Ce qui est important, c’est de faire un effort sur le plan managérial. Nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons plus nous comporter autrement », déclare Philippe Rodet
Auteur @ « La bienveillance, source d’espérance » (Editions Eyrolles) • Auteur @ « La bienveillance, un remède à la crise » (Editions Eyrolles) • Auteur @ « Vous pouvez vivre mieux » (Editions…
, médecin-urgentiste, fondateur du cabinet « Bien-être et Entreprise », le 20/12/2018 à News Tank.
« Permettre à des collaborateurs de donner leur avis est essentiel. Donner de l’autonomie permet de diminuer le niveau de stress car il y a de la liberté d’action et cela améliore la confiance. Et la confiance est un vecteur d’émotions positives. Elle diminue les effets du stress et développe la créativité. »
« La grande distribution, le BTP, le secteur pharmaceutique, le monde du luxe : il n’y a pratiquement pas de domaines qui ne sont pas concernés par le management bienveillant. Avant, il s’agissait de structures privées. Aujourd’hui, même le public s’intéresse au sujet. »
« La station de ski Val Thorens a formé les managers de ses établissements hôteliers, de ses remontées mécaniques à des comportements bienveillants. Les résultats sont très intéressants. Ils révèlent que suite à la formation des managers, les collaborateurs se comportaient mieux avec les clients. »
« La bienveillance, c’est agir pour le bien de l’autre. Il faut dire “bonjour”, 'merci », encourager et parfois être capable de reconnaître qu’on a été maladroit. (…) Nous intervenons sur plusieurs angles pour faire évoluer les comportements de certains managers et les rendre bienveillants. Le cocktail qui s’avère le plus efficace nécessite 3 phases :
• une sensibilisation,
• une incitation,
et des rappels."
En mars 2019, Philippe Rodet publiera un guide pratique chez Eyrolles, à destination des dirigeants et DRH qui expliquera de manière concrète la mise en œuvre de la bienveillance dans une entreprise ou sur un territoire.
Philippe Rodet, médecin-urgentiste, fondateur du cabinet « Bien-être et Entreprise » répond à News Tank
Pourquoi les dirigeants font-ils appel à vous en matière de management bienveillant ?
C’est la prise de conscience d’un double phénomène.
• Le constat d’un niveau de stress significatif, qui augmente
• et d’un taux d’engagement est faible, qui régresse.
J’ai commencé à aborder la bienveillance en 2009, puis j’ai rédigé des tribunes sur le management bienveillant en 2011. Ce sujet me semble essentiel pour 2 raisons :
• À l’échelle de notre pays, le pourcentage de collaborateurs stressés augmente. Nous sommes passés de 40 % à 64 %.
• En parallèle, le pourcentage de collaborateurs très motivés chute :
- 28 % en 2018
- contre 42 % en 2008.
Comment accompagnez-vous les cadres dirigeants vers la bienveillance ?
Nous intervenons sur plusieurs angles pour faire évoluer les comportements de certains managers et les rendre bienveillants. Le cocktail qui s’avère le plus efficace nécessite 3 phases :
• une sensibilisation ;
• une incitation ;
• et des rappels.
Nous faisons un mix entre une sensibilisation sous forme de conférences interactives riches en émotions et dans la foulée, nous proposons des éléments d’incitations. Comme il s’agit de faire évoluer des comportements, la démarche est plus difficile. Sans incitations, le pourcentage de succès est trop faible.
Par incitations, j’entends :
• des échanges de mails, après trois semaines, afin de faire le point sur les actions mises en place ;
• une réunion ou une table ronde trois mois plus tard en demandant au manager ce qu’il a mis en œuvre.
Pour faire bouger davantage les lignes, nous ajoutons de petits rappels à la phase de sensibilisation et d’incitation, par exemple sous forme d’une newsletter, qui sera envoyée tous les 3 mois aux managers, dans laquelle nous abordons le sujet.
Existe-t-il des secteurs d’activité particulièrement demandeurs d’accompagnement en matière de bienveillance ?
Aujourd’hui, même le secteur public s’intéresse au sujet. »La grande distribution, le BTP, le secteur pharmaceutique, le monde du luxe : en fait il n’y a pratiquement pas de domaine qui ne soit pas concerné par le management bienveillant. Avant, il s’agissait de structures privées. Aujourd’hui, même le secteur public s’intéresse au sujet.
SNCF Optim Services, par exemple, a une attitude audacieuse en matière de comportement bienveillant. Elle a décidé de promouvoir des comportements bienveillants en 2018 dans un sens managérial, mais aussi non managérial. La Poste est aussi très sensible à cette thématique.
Certaines collectivités s’investissent également sur le sujet. La station de ski de Val Thorens a formé les managers de ses établissements hôteliers, de ses remontées mécaniques à des comportements bienveillants. Les résultats sont très intéressants. Ils révèlent, que suite à la formation des managers, les collaborateurs se comportaient mieux avec les clients. En 6 jours le niveau de stress des touristes s’est effondré et leur niveau de plaisir a augmenté. Alors que toutes les études montrent que, dans la grande majorité des cas, le stress ne baisse pas pendant les vacances.
Depuis 2014, nous avons déployé aussi un management bienveillant au sein du Groupe Casino de façon intense en formant 5 000 managers dans le groupe. Fin 2017, une enquête de BVA montrait
• un pourcentage de collaborateurs stressés chez Casino inférieur à celui d’autres groupes
• 51 % de salariés très motivés contre 28 % à l’échelle du pays.
Vous avez rédigé de nombreux ouvrages sur le stress. Quel est le lien entre le stress et la bienveillance ?
Quand le stress augmente, à l’échelle de la société, la motivation s’effondre. Le stress déséquilibre deux systèmes nerveux importants de notre organisme : le sympathique et parasympathique. Le sympathique prend le dessus sur le parasympathique. Or, une hormone du parasympathique est indispensable à la motivation.
La souffrance au travail est aussi un des grands maux avec le stress…
La souffrance au travail est indéniable. Il faut, par tous les moyens, y remédier. Mais il y a aussi des personnes qui se réalisent dans leur travail. Si on permet aux collaborateurs de progresser à leur niveau, à leur vitesse, de se réaliser au travail, ils seront plus heureux et réussiront mieux. Notre société génère beaucoup de tensions, il ne faut pas en rajouter, mais essayer de protéger.
Vous avez été médecin-urgentiste au sein de Samu, dans un groupe d’assistance et dans un cadre humanitaire. Que vous apportent ces expériences pour accompagner les entreprises ?
Travailler dans la médecine d’urgence implique une envie très forte d’aider et de sauver. Cette expérience m’a aidée à prendre conscience de la force de l’envie. Ces passages dans la médecine d’urgence et dans des missions humanitaires dans des pays en guerre m’ont aidé à prendre conscience de ce qu’était le stress, de le mesurer, et surtout de me rendre compte de la puissance du désir.
C’est en prenant des gardes au Samu, quand j’étais jeune interne, que j’ai découvert le pouvoir de la bienveillance. Je me souviens d’une sortie un soir pour un accident de voiture. Nous sommes informés qu’une personne est inconsciente. Il s’agissait d’un enfant de 15 ans que nous ne sommes pas arrivés à ranimer. Quand j’ai annoncé le décès à la maman, j’ai essayé d’être le plus bienveillant possible avec beaucoup d’empathie. Deux jours plus tard, j’ai reçu un courrier de sa part, me remerciant de la manière dont je lui avais appris le décès de son fils. Je me suis alors dit que la bienveillance avait un pouvoir considérable au point d’aider à surmonter l’insurmontable.
Dans certains secteurs ou métiers, la bienveillance fait partie des compétences requises, de l’ADN de la fonction comme dans le milieu hospitalier…
Je n’interviens pas dans le secteur hospitalier qui est très difficile. Avant de parler de bienveillance dans ce secteur, il faut trouver un moyen pour financer la santé en France. Le système de santé est de plus en plus coûteux. Et on réduit le coût en faisant travailler les gens de plus en plus. Nous devons d’abord accepter le coût de la santé et ensuite on pourra insuffler des comportements bienveillants.
Pensez-vous qu’il faille adopter une bienveillance par pure stratégie managériale ?
Dire « bonjour », « merci », encourager,… »Si l’on veut que la bienveillance soit efficace, il faut aller chercher au fond de nous ce qui est le plus précieux, autrement dit, cette dimension humaine, sinon ce sera artificiel. Si ce sujet me passionne, c’est parce que je crois à la qualité des relations humaines.
Ce n’est pas idéal d’appliquer seulement une recette. Il faut vraiment aller chercher l’envie de bien se comporter. Des efforts sont nécessaires pour trouver ce qu’il y a de précieux en chacun de nous, même quand on est le plus humain possible.
La bienveillance commence par des choses simples : saluer ses collaborateurs, prendre de leurs nouvelles… La bienveillance, c’est agir pour le bien d’autrui. Aristote disait que« c’est souhaiter le bien de l’autre ». Pour Thomas d’Aquin, c’est « vouloir le bien de l’autre ». Pour Kant, « c’est un devoir de l’humanité ». Pour moi, c’est agir pour le bien de l’autre. Il faut dire « bonjour », « merci », encourager et parfois être capable de reconnaître qu’on a été maladroit.
La bienveillance est-elle réellement perçue comme une source de performance pour les dirigeants ou bien comme une perte de temps ?
La bienveillance est le remède au contexte actuel »Dans la mesure où la bienveillance génère de l’engagement, c’est de la performance que les dirigeants cherchent. Entre 100 collaborateurs qui viennent travailler et 100 qui ont envie de se dépasser et de bien faire, cela ne produira pas le même travail. Certains dirigeants disent : « Il faut du temps et je n’en ai pas. » Mais un DRH d’un grand groupe me disait aussi :« prendre le temps d’expliquer, ce n’est pas perdre du temps, mais en gagner ».
Toutes les entreprises ont intérêt à aller chercher des comportements bienveillants. Quand le stress est élevé, on a moins de créativité, moins de cohésion. La bienveillance est le remède au contexte actuel, quel que soit le domaine. Si on se comporte bien, on attire des clients.
Que pensez-vous des actions QVT destinées à insuffler de la bienveillance avec l’installation d’un baby-foot par exemple ?
Si on ne comporte pas bien sur le plan managérial, vous avez beau installer un baby-foot ou une salle de yoga, ça ne changera rien. Ce qui est important, c’est de faire un effort sur le plan managérial. Nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons plus nous comporter autrement.
Quel est votre avis sur le management à l’horizontale, l’intelligence collective ?
Permettre à des collaborateurs de donner leur avis est essentiel. Donner de l’autonomie permet de diminuer le niveau de stress car il y a de la liberté d’action et cela améliore la confiance. Et la confiance est un vecteur d’émotions positives. Elle diminue les effets du stress et développe la créativité. Il faut même accepter que ces actions ne débouchent pas toujours. Il faut accepter qu’on ne gagne pas à tous les coups, mais qu’on peut gagner très souvent.
Comment expliquez-vous que les DRH et dirigeants ne véhiculent pas cette image de bienveillance auprès des médias et de l’opinion publique ?
On ne montre pas assez de dirigeants exemplaires »Dans certains cas, les comportements des DRH et dirigeants ne sont pas exemplaires et on préfère voir ceux qui ne vont pas bien au lieu de ceux qui vont bien. Alors qu’il existe des comportements exceptionnels. Dans mon prochain livre, la préface sera rédigée par un dirigeant d’un grand groupe, coté en Bourse, qui a plus de 70 000 collaborateurs en France. Quand on demande aux collaborateurs leur avis sur ce président, ils répondent : « il est extrêmement bienveillant ; il n’a jamais un mot déplacé et quand il a trois minutes de retard, il présente ses excuses. » On ne montre pas assez ces dirigeants. La première fois que j’ai rencontré cet homme, il m’a dit : « je travaille dans tel groupe ». C’est bien plus tard, qu’il m’a dit : « je suis le président ». Il faut aussi montrer des dirigeants, qui malgré un travail énorme, se comportent bien si l’on veut qu’il y ait une contagion.
Quel sera le thème de ce prochain livre ?
Il s’agit d’un guide pratique à destination des dirigeants et DRH qui expliquera de manière concrète la mise en œuvre de la bienveillance dans une entreprise ou sur un territoire. Il sera publié en mars 2019, chez Eyrolles.
Brigitte Macron insiste sur l’éducation des enfants à la bienveillance dès le plus jeune âge, sur le modèle danois. Qu’en pensez-vous ?
En août 2018, le recteur de Poitiers m’a contacté pour intervenir devant les 600 dirigeants d’établissement de son rectorat. Nous travaillons à un e-learning sur la bienveillance avec un autre rectorat. L’Éducation nationale devient sensible à ces sujets et là aussi, il y a un enjeu majeur. Si on se comporte bien avec les enfants, on aura plus de chance demain d’avoir des dirigeants qui se comporteront bien avec leurs collaborateurs.
Philippe Rodet
Auteur @ « La bienveillance, source d’espérance » (Editions Eyrolles)
Auteur @ « La bienveillance, un remède à la crise » (Editions Eyrolles)
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Auteur @ « La bienveillance au travail » (Editions Eyrolles)
Auteur @ « Aurélien, c’est papa, je t’aime ! » (Editions Eyrolles)
Co-auteur avec Yves Desjacques @ « Le management bienveillant » (Editions Eyrolles)
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Fondateur / Médecin urgentiste @ Bien-être et Entreprise
Auteur @ « Le Stress - Nouvelles voies » (Editions Eyrolles)
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D.U. Transport aérien et rapatriement sanitaire
Doctorat en Médecine
Fiche n° 30354, créée le 03/05/2018 à 13:22 - MàJ le 10/06/2024 à 10:12
Bien-être et Entreprise
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
106 ter, rue Olivier de SerresBâtiment B
75015 Paris France
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Fiche n° 7048, créée le 03/05/2018 à 01:29 - MàJ le 03/05/2018 à 13:42
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