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Le télétravail post-covid : illusions et opportunités (Damien Delevallée, Quintet Conseil)

News Tank RH - Paris - Analyse n°195696 - Publié le
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©  Quintet Conseil.
Delevallée Damien - ©  Quintet Conseil.

Ceux qui voulaient tourner la page du télétravail le 11/05/2020 en sont pour leurs frais : la menace de la Covid-19 s’installe durablement et, logiquement, les incitations au télétravail sont à nouveau de mise. La crise sanitaire ne fait en réalité qu’accélérer, certes de manière spectaculaire, une tendance de fond rendue possible à la fois par les dernières évolutions législatives, l’émergence des problématiques environnementales et une prise de conscience progressive des limites des modèles traditionnels d’organisation du travail.

Post-confinement, cette tendance est néanmoins confrontée à des réticences, des entreprises et des salariés, qui ont parfois pâti de cette organisation sur une durée aussi longue. Réticences attisées par la diversité des situations au sein de l’entreprise selon l’activité des salariés - salariés au chômage partiel, salariés maintenus à leur poste et salariés en télétravail - qui a (re)mise en exergue l’hétérogénéité des statuts sociaux.

Mais ces difficultés ne doivent pas masquer une réalité : quelles que soient les contraintes à venir (sanitaires, environnementales…), non seulement le travail à distance sera demain une composante majeure des organisations de travail, le plus souvent dans le cadre d’un « mix » à inventer au sein de chaque entreprise, mais il sera également un enjeu d’attractivité pour les entreprises. Bien au-delà des sujets d’organisation matérielle, cette réalité nécessite donc une réflexion, à la fois sur l’organisation du travail et les modes de management, sur une nouvelle régulation de la charge de travail et sur le maintien du collectif de travail… au-delà même des seuls télétravailleurs.

Une analyse de Damien Delevallée Consultant @ Quintet Conseil
, associé du cabinet Quintet Conseil • Cabinet de conseil en stratégie sociale, formation et raison d’être• Création : octobre 2020 (par Antoine Foucher, Pauline Calmès, Damien Delevallée, Alain Druelles et Bertrand Lamberti, cinq… .


Le télétravail doit se réinventer dans chaque entreprise

Bien que certains risques identifiés pendant le confinement puissent sembler transverses (risques psychosociaux, de connexion permanente, de déconstruction du collectif…), un nouvel encadrement législatif n’est pas la solution.

Le cadre actuel, en particulier depuis les ordonnances de 2017, permet une grande souplesse dans la mise en œuvre du travail à distance. Il faut s’en réjouir pour deux raisons au moins :

  • D’abord, il a permis une réactivité exceptionnelle pour maintenir une activité économique dès les premiers jours du confinement, alors qu’il a fallu recourir à trois lois d’urgences et des dizaines d’ordonnances et de décrets pour adapter les autres champs du droit du travail.
  • Ensuite, aucune réglementation nationale ne peut régir, sans les rigidifier, des questions aussi propres à chaque entreprise - voire à chaque salarié - que le type de postes éligibles au télétravail, la part télétravail/travail dans l’entreprise, ou encore la nécessité d’équiper tel télétravailleur d’un siège ergonomique alors qu’il sera plus profitable à un autre de bénéficier d’un écran plus large.

À cet égard, on voit mal quel pourrait être l’apport normatif d’un nouvel accord national interprofessionnel, d’autant plus que les grands principes du droit du travail ne sont pas suspendus pendant le télétravail, et permettent à eux seuls de limiter ces risques. Cette volonté de normalisation ne peut s’expliquer que par la défiance récurrente à l’encontre du dialogue social de terrain, pourtant le mieux à même de dégager les solutions opérationnelles les plus adaptées.

De fait, nombre d’entreprises ont commencé à négocier, sans attendre, l’organisation du travail à distance. Et pour imaginer les meilleures mesures à prendre, elles ont tout à gagner à s’appuyer sur l’expérience hors du commun de télétravail imposé qu’elles ont eu à gérer au printemps.

Le télétravail, révélateur de la qualité d’organisation du travail et opportunité pour l’améliorer

L’improvisation a régné dans nombre d’entreprises le 16/03/2020, lorsqu’il s’est agi de placer en télétravail des salariés qui, certes éligibles, ne l’avaient jamais pratiqué. Même les entreprises plus habituées ce type de pratiques ont dû s’adapter à un effet d’échelle (et de durée) sans précédent.

À cet égard, le télétravail a parfois joué le rôle de révélateur d’une forme d’obsolescence de modèles d’organisation du travail excessivement fondés sur le contrôle du temps de travail ou le micro-management. Du côté des salariés, le syndrome du présentéisme, courant dans nos pays latins, a été stoppé net, parfois compensé par d’autres pratiques (tout aussi néfastes), telles que l’hyperactivité et/ou l’hyperconnexion.

  • Les difficultés rencontrées sont extraordinairement protéiformes et se posent également dès lors qu’il s’agit d’organiser un développement du télétravail pérenne :
    • elles dépendent non seulement de la taille de l’entreprise,
    • elles dépendent des services qui la composent, des métiers des salariés concernés,
    • mais elles dépendent également de leur expérience ou de leur niveau d’autonomie.

Pour mettre en œuvre un télétravail à la fois économiquement performant et épanouissant pour les salariés, les entreprises ne devront donc pas seulement définir un nombre de jours éligibles ou calculer le nombre de mètres carrés économisés en locaux : elles doivent nécessairement s’interroger sur la manière dont le travail est organisé et contrôlé, bref, elles devront aussi engager une réflexion sur les modes de management. Pour les plus réticentes, il faut y voir une opportunité majeure d’ajuster une organisation qui était déjà en partie inadaptée avant la crise. 

(re)définir le télétravail, c’est repenser l’espace et repenser le temps du travail

Éclatement des lieux de travail versus maintien du collectif

L’espace de travail n’est donc plus unique  : on travaillera demain dans les locaux de l’entreprise, chez soi, dans de nouveaux lieux de travail (espaces de co-working notamment). La plupart du temps, c’est une combinaison de ces différentes solutions qui fera le quotidien de nombreux salariés.

Le défi majeur posé par l’éclatement des lieux de travail est le maintien du collectif de travail : le maintien d’une partie « présentielle », bien dosée, en fonction des activités et des personnes, permet d’y répondre. Mais quelle est la bonne dose de télétravail ?

Pour y répondre, il faut… inverser la question ! Puisque l’objectif prioritaire est le maintien du collectif de travail, plutôt que de s’interroger sur le degré de liberté accordé au salarié, il faut surtout se demander quels sont les moments (quotidiens, hebdomadaires, mensuels…) indispensables à la vie d’équipe.

Une fois ces moments préservés dans les locaux de l’entreprise, le reste du temps devient un enjeu d’organisation personnelle pour mettre en œuvre les missions confiées, et plus une question de lieu de travail à proprement parler.

En tout état de cause, pour être durable, cet équilibre doit être pensé à la bonne échelle, c’est-à-dire souvent au niveau de l’unité de travail, et qu’il tienne compte des aspirations des personnes concernées, de leurs compétences et de leur niveau d’autonomie.

Le rôle déterminant des managers de proximité

À cet égard, le rôle des managers de proximité sera, comme souvent, déterminant. Ils doivent donc être accompagnés, non par des règles rigides, mais en déterminant les bons critères à appliquer pour gérer la situation de leur équipe.

La définition de la part de télétravail n’est pas le seul moyen de lutter contre une forme de travail individualisé voire isolé. Le fait de (re)définir le projet de l’entreprise, sa raison d’être, de telle sorte que chacun puisse s’inscrire dans un projet commun, constitue un levier puissant de cohésion. Son corollaire est la définition claire de la contribution de chacun à ce projet, y compris en permettant au salarié d’interagir sur l’organisation du travail qui lui permettra de réaliser au mieux cette contribution.

Inclure l’ensemble de l’entreprise dans la réflexion sur l’organisation du travail

Cette réflexion plus globale a aussi le mérite d’y inclure les autres travailleurs. Car le collectif de travail doit s’envisager au-delà de chaque équipe, sauf à accentuer le fossé parfois important apparu pendant le confinement, qui peut mettre à mal, de manière durable, la cohésion globale au sein de l’entreprise. Si un télétravail bien équilibré améliore la qualité de vie au travail pour les « cols blancs », la question légitime d’une amélioration à apporter pour les « cols bleus » ne manquera pas de se poser : comment maintenir le collectif de travail dans cette nouvelle situation, et quelles réponses peut-on y apporter ?

Les augmentations de salaires, outre qu’elles ne sont pas à l’ordre du jour, réduisent le sujet de la nécessaire reconnaissance à apporter à ces professions. C’est davantage du côté d’une amélioration des conditions de travail et de la construction des parcours professionnels des « cols bleus » qu’il faut également chercher les réponses.

Effacement de l’horaire de travail versus régulation de la charge de travail

Le temps de travail est lui aussi (à nouveau) bouleversé par ces évolutions. Plus que jamais, se pose la question du choix de la mesure du travail bien fait.

Est-ce le temps passé au travail ?

La réponse est dans la question, même si la mesure du temps de travail conserve sa pertinence dans bon nombre d’emplois, y compris éligibles au télétravail (services de maintenance à distance, par exemple).

Pour tous les autres, il est temps d’organiser concrètement, au plus près des salariés, le transfert progressif de la notion de gestion du temps à celle - plus exigeante - de la gestion de la charge de travail. Cette réflexion est indispensable car c’est elle qui permettra de redessiner les temps de vies professionnelle et personnelle, alors que le lieu de travail ne permet plus, en lui-même, cette distinction.

La notion de charge de travail est familière des entreprises : elle existe déjà pour les salariés (télétravailleurs ou non) en forfait jours. Elle a désormais vocation à s’étendre à d’autres types de salariés et interroge, en filigrane, la question même de l’évolution des relations de travail, dans la recherche d’un rapport plus équilibré entre employeur et salariés.

 

Damien Delevallée


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Parcours

Quintet Conseil
Consultant
Ministère du Travail et de l’Emploi
Conseiller en charge des relations du travail
UIMM
Directeur Droit du Travail
Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM-ADASE)
Chef de service juridique

Établissement & diplôme

Université Panthéon Assas (Paris II)
DESS Droit et pratique des relations de travail
Université Panthéon Assas (Paris II)
Licence/Maîtrise Droit du Travail
Université Lille II
DEUG Droit

Fiche n° 30460, créée le 11/05/2018 à 15:43 - MàJ le 28/06/2022 à 14:59

Quintet Conseil

Cabinet de conseil en stratégie sociale, formation et raison d’être
Création  : octobre 2020 (par Antoine Foucher, Pauline Calmès, Damien Delevallée, Alain Druelles et Bertrand Lamberti, cinq anciens membres du cabinet de l’ex-ministre du Travail, Muriel Pénicaud).
Missions : Accompagner les entreprises dans leur démarche de conjuguaison de business et de bien commun sur cinq champs :
- La stratégie sociale
- La raison d’être
- Les compétences
- Les relocalisations
- La stratégie de communication
Président : Antoine Foucher
Contact : François Coën
Tél.  : 06 77 82 56 94


Catégorie : Etudes / Conseils


Adresse du siège

66 rue Saint-Dominique
75007 Paris France


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Fiche n° 10548, créée le 06/10/2020 à 01:14 - MàJ le 17/09/2024 à 17:53

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Delevallée Damien - ©  Quintet Conseil.