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« Une accélération rapide des transformations dans le monde du travail » (Fanny Bachelet, Deloitte)

News Tank RH - Paris - Interview n°398615 - Publié le
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©  Fanny Bachelet
©  Fanny Bachelet

« Les transformations dans le monde du travail connaissent une accélération significative, même si certaines sont déjà à l’œuvre depuis 15 à 20 ans. Elles s’opèrent désormais à un rythme sans précédent, tant en termes de fréquence que d’intensité. Il y a une dizaine d’années, une entreprise faisait face à un ou deux changements stratégiques par an. De nos jours, plus d’une dizaine de transformations majeures s’opèrent chaque année, ce qui bouleverse profondément la manière dont les organisations prennent leurs décisions », déclare Fanny Bachelet Managing partner @Human Capital and Consulting talent leader @ Deloitte
, partner human capital et consulting talent leader chez Deloitte • Réseau international de cabinets pluridisciplinaires• Création : 1845 (Londres) et 1981 pour la filiale française• Missions : audit et assurance, fiscalité et droit, consulting, conseils… France, à News Tank le 27/05/2025.

« Ce rythme effréné rend l’environnement davantage incertain. Les impacts de ces transformations, qu’ils soient technologiques, organisationnels ou humains, se répercutent directement sur les collaborateurs. Les collaborateurs ont cependant besoin de repères pour agir et se projeter. C’est ce qu’on appelle la “stagility”, le paradoxe entre besoin d’agilité et de stabilité. »

Fanny Bachelet répond aux questions de News Tank et s’exprime sur la notion de « Capital Humain », notamment chez Deloitte.


Que représente le « Capital Humain » chez Deloitte ?

« Capital Humain », chez Deloitte, c’est l’ensemble des activités de conseil en ressources humaines et d’accompagnement au changement et qui rassemble plus de 15 000 collaborateurs à l’échelle mondiale. Cela couvre un spectre complet allant de la stratégie RH jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle de politiques RH. Cela comprend :

  • la définition et l’accompagnement des stratégies RH ;
  • les politiques de rémunération et d’avantages sociaux ;
  • les transformations organisationnelles des entreprises ;
  • la transformation de la fonction RH ;
  • l’évolution des pratiques managériales et du leadership ;
  • la conduite du changement stratégique et plus opérationnelle ;
  • la stratégie sociale, notamment dans le cadre de projets de croissance ou de décroissance, de restructurations ou d’acquisitions ;
  • les projets digitaux RH jusqu’à l’implémentation des principaux SIRH Système d’Information des Ressources Humaines mondiaux.

Nous intervenons sur l’ensemble des enjeux liés aux transformations humaines et de la fonction RH : amélioration de son efficacité, gestion des compétences, conformité réglementaire, mais aussi sur des sujets plus innovants. Par exemple, comment accompagner la transformation des métiers à l’ère de l’intelligence artificielle, ou sur des métiers qui évoluent rapidement comme la finance ou la technologie.

Quelles sont les tendances émergentes dans le monde du travail mises en avant dans le rapport Human Capital Trends de Deloitte ?

« Human Capital Trends » est une étude annuelle menée par Deloitte dans plus de 90 pays et auprès de 13 000 personnes, qu’il s’agisse de professionnels des ressources humaines, de dirigeants ou d’opérationnels, afin de comprendre les évolutions autour de ce qu’on appelle les grands enjeux capital humain, à savoir l’ensemble de la richesse humaine de l’entreprise, la manière dont les organisations gèrent la performance humaine.

Cette étude vise à identifier les grandes tendances émergentes en matière de monde du travail (gestion des talents, évolution des attentes des salariés et des employeurs, transformation des modes de travail ou des comportements mais aussi de la culture organisationnelle).

Reconsidérer en profondeur le mode de fonctionnement des organisations »

Les éditions récentes de l’étude montrent à quel point les entreprises ont été confrontées à des bouleversements majeurs ces dernières années, notamment avec le Covid-19. La pandémie a obligé les organisations à reconsidérer en profondeur leurs modes de fonctionnement, en instaurant le télétravail à grande échelle et en mettant à l’épreuve leur résilience. La période post-Covid a recentré les entreprises sur les fondamentaux : la santé des salariés, les modes managériaux plus classiques, ou encore la réponse à des défis économiques tels que l’inflation, avec des enjeux autour du pouvoir d’achat et du partage de la valeur.

Aujourd’hui, les entreprises se trouvent face à un mur. Elles ne peuvent plus se contenter d’attendre que l’environnement se stabilise. Les transformations économiques, sociales, technologiques s’accélèrent :

  • L’IA générative est en train de transformer non seulement des métiers peu qualifiés, mais aussi des métiers qualifiés qui, jusqu’à présent, semblaient à l’abri. C’est une évolution sans précédent, et parfois perçue comme inquiétante ;
  • Le travail hybride s’est imposé dans de nombreuses entreprises, même si certaines tentent un retour au bureau, c’est pour mieux gérer le collectif et l’équité des traitements ;
  • Le contexte géopolitique et économique mondial (comme la guerre en Europe ou les incertitudes politiques américaines) renforce cette instabilité. L’instabilité devient la norme.

La prise de conscience que l’environnement restera incertain, durablement, constitue un véritable point d’inflexion aujourd’hui. Les entreprises ne peuvent plus remettre à plus tard leurs transformations. Elles doivent avancer malgré l’incertitude, prendre des décisions, et dans le même temps, répondre à un double impératif :

  • Offrir de la stabilité et du sens à leurs collaborateurs, qui en ont profondément besoin ;

  • Rester suffisamment agiles et adaptables pour intégrer les mutations technologiques, économiques et sociétales en cours.

Quelles sont les évolutions en matière de développement des compétences et des carrières ? Qu’en est-il de la fonction de manager ?

Une transformation profonde du rôle managérial »

Nous ne connaissons pas encore les contenus exacts des métiers de demain. Et même si l’OCDE Organisation de coopération et de développement économique indique que certaines compétences deviennent obsolètes en deux ans, contre 30 ans auparavant, cela souligne à quel point le paysage professionnel évolue rapidement. Il s’agit d’un changement majeur dans la manière de penser le développement des compétences et l’évolution des carrières, mais aussi l’organisation de l’entreprise qui doit repenser son modèle comme plus ouvert vers l’extérieur.

Face à cette incertitude, l’attention se déplace des compétences techniques vers les compétences comportementales ou « soft skills », qui restent pertinentes quelle que soit l’évolution des métiers : agilité, créativité, esprit entrepreneurial, etc. Ce glissement implique aussi une transformation profonde du rôle managérial. Il ne s’agit plus d’un management fondé sur l’autorité ou l’organisation des tâches, mais d’un accompagnement humain des collaborateurs lors du changement.

Le manager de demain n’est plus un simple superviseur »

Le manager de demain n’est plus un simple superviseur, mais un facilitateur, un détecteur de talents, un soutien intergénérationnel, capable de rassurer ses équipes dans un environnement mouvant, d’adopter des modes de fonctionnement agiles et de répondre à des attentes davantage différenciées. Cela implique aussi la nécessité, pour les managers eux-mêmes, d’être accompagnés, car ils sont en première ligne des transformations. Ils doivent être formés à ce nouveau rôle pour pouvoir à leur tour accompagner leurs équipes, incarner ce nouveau modèle de management, et transmettre une culture d’adaptation.

Dans cette dynamique, le concept de carrière évolue également. Le modèle linéaire, où l’on monte les échelons d’un métier spécifique, tend à disparaître au profit de trajectoires multiples et hybrides. Prenons l’exemple de la finance : ce domaine est en pleine mutation. Des fonctions comme la comptabilité, la gestion des risques ou la trésorerie sont fortement automatisés, et évoluent vers des rôles davantage décisionnels ou analytiques. Dans ce contexte, les RH ne doivent plus uniquement attirer des profils experts, mais valoriser les compétences adaptables et déjà présentes ailleurs dans l’organisation, y compris chez des collaborateurs qui n’avaient pas été formés pour ces métiers mais qui, avec le bon accompagnement, peuvent y exceller.

Les RH ne doivent plus uniquement attirer des profils experts »

Il s’agit du cœur du défi de la Skill-Based Organization : une organisation pensée non plus autour des postes, mais autour des compétences transposables d’un métier à l’autre. L’idée n’est plus qu’un comptable devienne chef comptable, mais qu’un collaborateur puisse pivoter vers des métiers qui sortent de son champ de compétences proches. L’expérimentation professionnelle est valorisée : il est possible de transiter d’une entreprise vers l’entrepreneuriat, de revenir ensuite, de travailler en réseau. L’ensemble de ces expériences constitue une richesse inestimable.

Nous glissons doucement vers une individualisation de la gestion des talents »

Cela suppose, en interne, que les entreprises repensent entièrement la gestion des talents : comment faire évoluer rapidement les collaborateurs ? Comment détecter des potentiels talents ? Nous glissons doucement vers une individualisation de la gestion des talents. Il s’agit d’un changement culturel profond, d’autant plus nécessaire que les attentes des collaborateurs ne sont plus les mêmes depuis longtemps. Les nouvelles générations, comme la Gen Z, n’ont pas les mêmes repères que les baby-boomers. Et il ne s’agit pas seulement d’une question de génération : le rapport au travail a changé dans son ensemble, avec des besoins accrus de sens, de reconnaissance et de liberté.

La gestion de la performance reste souvent trop rigide »

Dans ce contexte, la gestion de la performance reste souvent trop rigide. Elle repose encore sur des objectifs quantitatifs ou qualitatifs, individuels, dans des cadres très normés. Mais cette approche ne répond plus aux exigences actuelles : deux collaborateurs occupant le même poste peuvent avoir des motivations et des profils et potentiels très différents. Il est essentiel de s’orienter vers une individualisation de la gestion des carrières et de la performance, et utiliser la technologie pour y parvenir efficacement, notamment dans les grandes structures où la personnalisation à grande échelle reste un défi.

À quelles problématiques sont confrontées certaines entreprises ?

Le concept traditionnel d’entreprise cloisonnée et fermée sur elle-même est en train de disparaître. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises font face à la problématique des départs massifs à la retraite. Dans certains cas, entre 20 % et 40 % de leur effectif partira à la retraite dans les cinq prochaines années.

Cela soulève une question cruciale : comment assurer la continuité de service et remplacer ces collaborateurs à temps, notamment dans des métiers qui nécessitent de longues périodes de formation ? La réponse passe souvent par l’ouverture et la mutualisation. De plus en plus d’entreprises partagent leurs centres de formation, leurs solutions, collaborent à l’échelle de territoires plus larges. Elles sortent de leur logique « intra-muros » pour s’ouvrir à des écosystèmes extérieurs, dans une démarche coopérative et proactive.

Il est impératif de réfléchir à la manière dont on soutient le manager »

Par ailleurs, il est essentiel de se poser une question centrale : comment accompagne-t-on réellement le manager dans l’ensemble de ces transformations ? Aujourd’hui, on lui demande trop. On continue à attendre de lui qu’il gère, à la fois, les opérations quotidiennes, une équipe aux profils et attentes divergentes, et les multiples transformations structurelles que traverse l’entreprise. Il devient donc impératif de réfléchir concrètement à la manière dont on soutient le manager pour qu’il puisse s’approprier ces changements et les porter avec ses équipes.

Quelle stratégie déploie Deloitte pour accompagner ses collaborateurs face à l’IA ?

Chez Deloitte, nous accompagnons activement la transformation de nos métiers avec l’IA. Cela passe par des formations à tous les niveaux, y compris en leadership, pour permettre à nos collaborateurs de grandir et d’évoluer. Chacun bénéficie de parcours adaptés. Ces programmes sont repensés chaque année, et incluent notamment des accompagnements au passage de grade, ainsi qu’un large catalogue de formations accessible à tous.

Nous disposons également de notre propre université de formation, DUE (Deloitte University EMEA), récemment inaugurée à Marne-la-Vallée. Elle incarne notre engagement fort en faveur du développement des compétences et du leadership.

Chez nous, la peur de l’expansion de l’IA est beaucoup moins présente que dans d’autres secteurs. Il faut dire que notre métier, le conseil, est assez particulier : nous sommes habitués au changement permanent. Même si nous avons un employeur unique, nous changeons de mission, de sujet, voire de métier très régulièrement.

Des jeunes qui perçoivent l’IA comme une opportunité plus que comme une menace »

Nous avons également des populations relativement jeunes, qui perçoivent ces évolutions comme des opportunités plus que comme des menaces. L’intelligence artificielle, par exemple, est déjà au cœur de nombreuses initiatives internes, et nous avons une vraie dynamique autour de ces sujets. Cela dit, nous devons probablement aller encore plus vite, peut-être même plus que d’autres secteurs, comme la tech.

Chez nos clients, en revanche, l’inquiétude est parfois plus marquée, surtout dans les entreprises où les collaborateurs n’ont aucune idée concrète de ce à quoi ressemblera leur métier demain. À ce stade, le sujet devient particulièrement sensible. Il est donc essentiel d’investir massivement dans les compétences transversales : leadership, soft skills, agilité, etc. Ces compétences permettent de traverser les transformations avec plus de sérénité, quel que soit le métier ou le secteur.

Fanny Bachelet


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Parcours

Deloitte
Managing partner @Human Capital and Consulting talent leader
EY
Leading partner people consulting of the Europe West Region
EY
Partner, Lead people and Advisory services region WEM
HR Path
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HR Path
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Sia Partners
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IT and Management consulting

Établissement & diplôme

Alliance Manchester Business School
Msc, personnel management and Industrial Relations
Sciences Po Lyon (IEP Lyon)
Eco Fi
Hypokhagne
Double BA in History and Geography

Fiche n° 54068, créée le 19/05/2025 à 09:50 - MàJ le 27/05/2025 à 12:25

Deloitte

• Réseau international de cabinets pluridisciplinaires
Création : 1845 (Londres) et 1981 pour la filiale française
• Missions
 : audit et assurance, fiscalité et droit, consulting, conseils financiers et conseils en risque
Effectif : 8 600 collaborateurs et associés en France et Afrique francophone (19 pays dont la France), et environ 457 000 dans le monde (plus de 150 pays)
Chiffre d’affaires 2024 (France) : 53,2 M€
Président du CA  : Bertrand Boisselier
CEO Deloitte France et Afrique francophone : David Dupont-Noel
DRH France & Afrique francophone : Véronique Violin-Revenu
Contact  : Anne-Henry Faÿ, Relations presse
Tél. : 06 51 07 99 06


Catégorie : Grandes Entreprises Privées


Adresse du siège


6 place de la Pyramide
92800 Puteaux France


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Fiche n° 5168, créée le 20/06/2017 à 11:56 - MàJ le 04/06/2025 à 10:05