Télétravail : « Un diagnostic des pratiques est recommandé » (Françoise Bruna-Rosso, Groupe Alpha)
« Les entreprises ayant instauré deux jours de télétravail par semaine ne réagissent pas de la même manière que celles qui se sentent dépassées par des pratiques de télétravail trop importantes. Nous conseillons, alors que beaucoup vont renégocier leurs accords télétravail, de commencer par un diagnostic de cet existant, en y associant les représentants du personnel, acteurs de terrain de premier ordre », déclare Françoise Bruna-Rosso
Directrice Associée @ Groupe Alpha
, associée Groupe Alpha
• Groupe de conseil et d’expertise• Création : 1983• Missions : - accompagnement des représentants du personnel et des organisations syndicales (SECAFI),- conseil en organisation du travail et QVT…
, experte Secafi auprès des CSE
Comité social et économique
et spécialisée dans la prévention des risques professionnels, à News Tank le 30/01/2025.
« Il faudrait que les entreprises qui prônent un retour au bureau expliquent mieux et mettent en avant leur diagnostic, leurs attentes et leurs objectifs, entre autres, pour éviter que ce soit perçu négativement par les salariés en matière de confiance et d’autonomie. »
Françoise Bruna-Rosso répond à News Tank
Dans le télétravail, ce qui était accepté pendant l’ère Covid est désormais jugé moins souhaitable par certaines directions. Pourquoi selon vous ?
Objet de de méfiance pendant 20 ans, le télétravail est désormais rentré dans les habitudes des salariés, sans doute, au-delà de ce que les entreprises avaient imaginé. Ce qu’elles acceptaient en période de confinement est remis en question aujourd’hui. Beaucoup effectivement, et pas seulement Outre-Atlantique, décident un retour au bureau à 100 % ou presque. Les justifications pour mettre fin au télétravail sont les suivantes :
- L’encadrement des jeunes et l’accompagnement des nouvelles recrues ;
- La cohésion d’équipe et le partage d’idées, jugés comme des éléments essentiels à l’engagement des salariés et à la performance de l’entreprise
- Le sentiment d’appartenance et la culture d’entreprise ;
- La diminution de l’isolement social ;
- L’équité entre les salariés qui peuvent être en télétravail et les autres ;
- La cybersécurité, car, en télétravail, la sécurité informatique peut parfois être moins préservée que sur site. La question de la protection des données est devenue centrale, sous toutes ses dimensions.
Il ne s’agit pas d’une remise en cause profonde du télétravail en France, mais plutôt d’un réajustement.
Quelle forme prend ce réajustement ?
Cela dépend de la dose de télétravail existante : les entreprises ayant instauré deux jours de télétravail par semaine ne réagissent pas de la même manière que celles qui se sentent dépassées par des pratiques de télétravail trop importantes.
Commencer par un diagnostic de cet existant, en y associant les représentants du personnel »Nous conseillons, alors que beaucoup vont renégocier leurs accords télétravail, de commencer par un diagnostic de cet existant, en y associant les représentants du personnel, acteurs de terrain de premier ordre.
Après cette étape de diagnostic, il faut intégrer des évidences que nous avons tous constatées : la demande des salariés pour du télétravail est toujours forte, notamment des jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail. Il convient d’y répondre sans éluder aucune question, y compris celles des risques du télétravail et de ses impacts sur les collectifs de travail.
J’ajouterais également que ce réajustement est l’occasion pour tous les acteurs de l’entreprise de cadrer des « pratiques installées », dont on se rend bien compte qu’elles ne sont pas toujours adaptées au fonctionnement de l’entreprise.
Enfin, un développement accru du télétravail peut être envisagé en mettant en regard les enjeux de la transition écologique et de la transformation numérique afin de permettre aux employeurs et aux salariés de participer à ces transitions.
Comment les entreprises peuvent-elles évaluer les gains ou non de la pratique du télétravail ?
Le turnover peut être un indicateur et avec une bonne politique de télétravail, c’est un avantage attractif pour les salariés. On peut également mesurer :
- Un taux de satisfaction et de motivation des salariés par rapport à la politique de télétravail et leurs conditions de travail en général ;
- L’impact carbone, en fonction des trajets économisés et du mode de transport ;
- Le coût de l’immobilier, avec d’importantes économies de loyer et d’énergie comme le chauffage, etc. Cependant, il faut garder à l’esprit que le flex office organisation de bureaux en mode partagé bien fait demande des investissements dans les locaux et les postes de travail.
En revanche, il est plus difficile de savoir si cela peut être un gain pour la performance de l’entreprise. De même qu’il est délicat d’évaluer les gains de productivité générés par cette organisation du travail.
Quelle approche recommandez-vous aux entreprises dans leur gestion du télétravail ?
Il faudrait que les entreprises qui prônent un retour au bureau expliquent mieux et mettent en avant leur diagnostic, leurs attentes et leurs objectifs, entre autres, pour éviter que ce soit perçu négativement par les salariés en matière de confiance et d’autonomie.
Sans explications, les salariés ne pourront peut-être pas voir la plus-value de la fin du télétravail »Par exemple, elles pourraient définir ce qu’elles attendent en matière de cohésion d’équipe et de travail collaboratif. En effet, demander aux salariés de revenir au bureau, sans accompagner ce retour par des approches adaptées et laisser se multiplier des réunions en visio, comme ce qu’ils vivaient en télétravail chez eux, cela n’a aucun intérêt. Sans ces explications, les salariés ne pourront peut-être pas voir la plus-value de la fin du télétravail.
Autre point crucial de la réflexion, l’espace dédié pour le retour au bureau : faire revenir les salariés sur site impose une réflexion de haute qualité sur les espaces de travail, a fortiori s’ils ont été réduits, ce qui a été le cas dans de nombreuses entreprises.
La suppression du télétravail par le groupe Iliad, effective depuis le 09/12/2024, a provoqué une grève dans ses centres d’appels de Marseille, Bordeaux et Paris. Certains syndicalistes estiment que mettre fin au télétravail permet à des entreprises en difficulté d’inciter les salariés à partir et ainsi de réduire leurs effectifs. Qu’en pensez-vous ?
Je n’ai pas eu ce type de problématique jusqu’à présent. Je constate que certains managers ont de vraies difficultés à piloter des équipes à distance. Il peut aussi y avoir une perception de traitement inéquitable entre ceux qui respectent une organisation de travail hybride et ceux qui ne viennent plus du tout au bureau. Là, il y a un sujet plus prégnant, délicat à traiter car générant des tensions dans les collectifs.
Ce travail d’analyse est essentiel pour les entreprises »Nous le soulevons dans le Guide AGIR pour un télétravail de qualité que nous avons publié à l’automne 2024. Ainsi, parmi les questions qu’il importe de se poser, outre celles que vous soulevez, je citerais :
- Les motifs du télétravail et les salariés concernés, ce qui rejoint ce que je viens de dire ;
- L’organisation du télétravail, sous toutes ses dimensions, sans en occulter sa mise en place pratique, notamment en matière d’espaces de travail. Le webinar que nous organisons le 13/03/2025 est un rendez-vous à ne pas manquer.
- Les moyens mis à disposition des salariés ;
- Le management, nous l’avons vu, une priorité pour que tout fonctionne mieux ;
- L’analyse des risques, pour l’emploi et les conditions de travail ;
- L’impact du télétravail sur la productivité, en se posant toutes les questions utiles pour un diagnostic le plus précis possible.
Ce travail d’analyse est essentiel pour les entreprises car il leur permettra de mieux faire comprendre la logique définie dans le nouvel accord télétravail.
Parcours
Directrice Associée
Senior manager
Managing Consultant
Consultant senior
Établissement & diplôme
Fiche n° 27108, créée le 20/11/2017 à 09:55 - MàJ le 29/01/2025 à 15:22
Groupe Alpha
• Groupe de conseil et d’expertise
• Création : 1983
• Missions :
- accompagnement des représentants du personnel et des organisations syndicales (SECAFI),
- conseil en organisation du travail et QVT (SEMAPHORES),
- conseil en management (TH CONSEIL),
- conseil en expertise comptable (GVA),
- accompagnement et études auprès des organismes de formation, des branches professionnelles, des Opco et des entreprises (LAFAYETTE).
• CA : 102 M€ (2023)
• Effectifs : 900 personnes
• Président du conseil d’administration : Pierre Ferracci
• Directrice générale : Estelle Sauvat
• Secrétaire général : Thierry Hubert
• DRH : Frédéric Clinckemaillie
• Contact : Caroline Olivier, responsable communication, relations presse et réseaux sociaux
• Tél. : 01 53 62 70 00 / 06 74 29 69 61
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
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20-24 rue Martin Bernard
75013 Paris France
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Fiche n° 5893, créée le 05/10/2017 à 05:27 - MàJ le 07/02/2025 à 16:43