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Travail-Emploi : « Nous ne pouvons pas nous offrir une longue période d’immobilisme » (B. Serre, ANDRH)

News Tank RH - Paris - Entretien n°331617 - Publié le 12/07/2024 à 15:30
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Si « l’ANDRH Association nationale des directeurs des ressources humaines reste une association apolitique sur le fond, alors que nous avons désormais une Assemblée nationale élue, la fonction RH dans l’entreprise a impérativement besoin d’une action déterminée sur trois grands sujets prioritaires : l’adaptation de nos systèmes de formation initiale et continue, la simplification du cadre administratif, faire de l’entreprise un lieu de sérénité et de stabilité pour ses équipes dans un environnement politique et institutionnel instable », déclare Benoît Serre Partner & director HR - People strategy @ Boston Consulting Group (BCG) • Vice-président puis vice-président national délégué @ Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
, vice-président délégué de l’ANDRH • Association loi 1901 au service des professionnels des ressources humaines représentant les entreprises et organisations de tous secteurs d’activité et de toutes tailles, publiques et privées… , à News Tank, le 12/07/2024.

« Les réformes des retraites et de l’assurance chômage ont occupé le devant de la scène dans les débats de la campagne et ne peuvent être laissées en jachère, surtout après l’échec de la négociation interprofessionnelle ouverte sur un nouveau pacte de la vie au travail. »

« L’immobilisme est le principal risque. Tous les sujets d’accès au travail et de maintien de l’emploi présents avant les élections le sont toujours après, avec un degré de complexité, d’urgence et de nécessité d’agir toujours aussi fort. Nous ne pouvons pas nous permettre une longue période d’immobilisme. Les sujets sont là et il est crucial de proposer des solutions pour ne pas laisser sans réponse la transformation du marché du travail qui se poursuit. Si l’ANDRH peut apporter sa pierre à l’édifice, nous sommes prêts à le faire, car les problèmes demeurent et les salariés, dans leur ensemble, aspirent à davantage d’autonomie et de liberté, mais aussi de sécurité et d’équilibre de vie. »


Benoît Serre répond aux questions de News Tank

Comment accueillir le résultat du second tour des élections législatives quand on est DRH ?

D’abord, il est essentiel de rappeler que l’ANDRH reste une association apolitique et c’est pour cela que nous avions fait le choix de ne pas nous exprimer durant la campagne - malgré les pressions - et que, pour la même raison, nous n’avons pas vocation à commenter le résultat de ces élections. En revanche, sur le fond, alors que nous avons désormais une Assemblée nationale élue, la fonction RH dans l’entreprise a impérativement besoin d’une action déterminée sur trois grands sujets prioritaires :

  • L’adaptation de nos systèmes de formation initiale et continue : il est crucial et urgent d’adapter nos systèmes de formation aux besoins en compétences des entreprises, notamment en raison de la transformation des métiers et de la transformation du travail lui-même. Nos systèmes de formation doivent absolument être en mesure de répondre rapidement à ces besoins. Il y va de notre compétitivité et donc de notre souveraineté économique, au même titre que notre dette publique.

  • La simplification du cadre administratif : toutes les entreprises ont besoin que le travail soit « désadministré », quelles que soient les convictions politiques de leurs dirigeants. Ce besoin impérieux devient même un impératif pour les PME petites et moyennes entreprises et les TPE Très petite entreprise , car les grandes disposent de ressources pour s’adapter à ce cadre administratif, ce qui n’est pas le cas des petites entreprises. C’est d’ailleurs là que se creuse une partie du fossé entre ces entreprises et les plus grandes.

  • Dans un environnement politique et institutionnel a priori instable, l’entreprise doit devenir un lieu de sérénité et de stabilité pour ses équipes, comme elle l’a été pendant la crise de la Covid. Pour jouer ce rôle, l’entreprise doit pouvoir agir et adapter le cadre.

La réforme des retraites et celle de l’assurance chômage ne sont-elles plus des sujets prioritaires ?

Deux sujets majeurs qui ne peuvent être laissés en jachère »

Effectivement, ce sont deux autres sujets majeurs au lendemain de ces élections législatives et ils ont occupé le devant de la scène dans les débats de la campagne. Au-delà des projets de réforme, cela reste deux sujets qui ne peuvent être laissés en jachère, surtout après l’échec de la négociation interprofessionnelle ouverte sur un nouveau pacte de la vie au travail. Cette négociation couvrait une partie de ces sujets urgents. Or nous sommes aujourd’hui dans l’expectative législative ou réglementaire et, surtout, nous sommes dans l’attente de nouvelles propositions sur ces enjeux sur lesquels les partenaires sociaux doivent rester des acteurs de premier plan.

Craignez-vous une période d’immobilisme sur ces sujets ?

L’immobilisme est effectivement le principal risque. Tous les sujets d’accès au travail et de maintien de l’emploi présents avant les élections le sont toujours après, avec un degré de complexité, d’urgence et de nécessité d’agir toujours aussi fort. Chaque jour qui passe rend ces sujets plus urgents. Les entreprises qui en ont les moyens agissent, mais qu’en est-il des autres ?

Proposer des solutions pour ne pas laisser sans réponse la transformation du marché du travail »

Nous ne pouvons pas nous permettre une longue période d’immobilisme. Les sujets sont là et il est crucial de proposer des solutions pour ne pas laisser sans réponse la transformation du marché du travail qui se poursuit. Si l’ANDRH peut apporter sa pierre à l’édifice, nous sommes prêts à le faire, car les problèmes demeurent et les salariés, dans leur ensemble, aspirent à davantage d’autonomie et de liberté, mais aussi de sécurité et d’équilibre de vie. Si je prends le sujet de l’emploi des seniors, l’ANDRH appelle depuis toujours à un travail à mener en commun par les organisations syndicales et patronales pour inventer des solutions en lien avec les pouvoirs publics.

Certaines entreprises ont d’ores et déjà décidé d’avancer sur la question. Je pense notamment aux travaux du Club Landoy • Collectif d’entreprises • Création : 2019• Activités : think tank dédié à la transition démographique produisant des réflexions et des travaux prospectifs et prédictifs• Fondatrice : Sibylle Le… , qui a élaboré sa charte sur l’emploi des salariés de plus de 50 ans en collaboration avec le groupe l’Oréal. Mais ce sont plutôt de très grandes entreprises qui disposent de moyens pour avancer, même si cette charte a été signée récemment par de plus petites organisations, preuve, s’il en était besoin, que le sujet demeure. En outre, je suis convaincu que les syndicats et les organisations professionnelles peuvent se saisir à nouveau du sujet de l’emploi des seniors, et même peut-être plus que jamais dans le contexte actuel.

• Club créé par le Groupe Bayard en partenariat avec L’Oréal le 13/11/2022 pour faire de la transition démographique un catalyseur d’innovation sociale et bâtir un pacte social économiquement soutenable et socialement durable. Il s’agit d’abord de promouvoir l’emploi des personnes de plus de 50 ans et de lutter contre la discrimination liée à l’âge en entreprise.

• Premières actions : publication d’un index sur l’emploi des seniors et lancement d’une charte en faveur de l’emploi des plus de 50 ans.

• Le club continue d’attirer de nouveaux signataires, organise des événements et travaille activement à la mise en place de mesures concrètes pour favoriser l’emploi des seniors.

Le sujet du pouvoir d’achat, incluant le niveau du Smic Salaire minimum interprofessionnel de croissance , a été un point central de la campagne électorale. Quelles sont les conséquences pour les DRH ?

Dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, après le second tour des élections législatives, tout reste possible sur le Smic, depuis la proposition de le relever à 1 600 euros nets portée par certains, ou l’indexation des salaires sur l’inflation, jusqu’aux allègements de charges au-delà du Smic proposés par d’autres, ou encore le renforcement de la prime de partage de la valeur. Ces quelques exemples de projets entendus pendant la campagne ont des impacts sur les politiques RH comme sur les individus et supportent mal l’expectative. Si nous prenons l’exemple d’un relèvement du Smic net à 1 600 euros, une telle mesure aurait des conséquences importantes pour la fonction RH, qui a en charge la politique de rémunération et de gestion de la masse salariale. Elle pourrait avoir surtout comme conséquence d’augmenter la part de salariés au niveau du Smic, alors même qu’une politique de « désmicardisation » avait été annoncée, avec la volonté de combattre le système de « trappe à bas salaire ». Et l’enjeu de pouvoir d’achat demeure. Là encore, n’importe quel DRH vous dira que l’imprévisibilité dans ces matières a des effets négatifs.

Une éventuelle remise en cause de la réforme des retraites serait-elle un problème ?

Dans les entreprises, nous nous étions mis en ordre de marche pour adapter les stratégies RH au passage à un âge de la retraite à 64 ans. Si la réforme était remise en cause, cela pourrait avoir un impact sur les plans de recrutement.

L’opportunité de reprendre le sujet dans le bon ordre »

Ce n’est donc pas sans conséquence. Mais l’on peut également faire preuve d’optimisme et considérer que nous avons là l’opportunité de reprendre le sujet dans le bon ordre, c’est-à-dire de commencer par aborder la transformation du marché du travail et l’emploi des seniors, notamment, mais aussi la préparation des secondes parties de carrière ou des transformations de métiers, avant de réformer les retraites, ce qui était la demande des syndicats, en particulier de la CFDT au moment de la réforme. En revanche, un report ou une remise en cause de la réforme aurait des conséquences budgétaires importantes. Les évaluations du coût de l’annulation de cette réforme varient fortement mais, là aussi, on ne peut choisir entre l’imprévisibilité et l’immobilisme.

Au-delà de ces sujets urgents, d’autres chantiers doivent-ils être ouverts ?

Nous aurons à ouvrir le chantier d’une adaptation du Code du travail aux transformations que nous vivons. Il a été pensé pour un autre monde du travail. Il faudra nous interroger collectivement pour savoir s’il est adapté, ou pas, à notre monde du travail hybridé, tertiarisé… Des questions comme celles de l’encadrement de la gestion du temps de travail, les questions de responsabilité juridique devront être regardées de près. Mais sur un tel sujet, je ne suis pas sûr que les conditions politiques soient réunies. C’est pourtant un enjeu moyen terme d’importance.

Benoît Serre


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Fiche n° 25040, créée le 29/08/2017 à 12:43 - MàJ le 24/10/2024 à 19:01