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Licenciement : un salarié peut être licencié pour faute grave pour avoir fait une blague sexiste

News Tank RH - Paris - Jurisprudence n°249976 - Publié le 28/04/2022 à 17:23
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Cass. soc., 20/04/2022, n° 20-10 852 -

Le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant fait une « blague » pendant une émission en direct, qui reflétait la banalisation des violences à l’égard des femmes,  n’est pas disproportionné et ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié, juge la Cour de cassation dans un arrêt du 20/04/2022.

• Un humoriste est embauché en septembre 2000 en qualité d’animateur par de multiples CDD Contrats à durée déterminée d’usage. Le salarié est mis à pied et convoqué à un entretien préalable le 06/12/2017. Il est licencié pour faute grave le 14/12/2017. Le salarié saisit le CPH Conseil(s) de prud’hommes afin de contester son licenciement, notamment.

• La Cour d’appel rejette sa demande. Elle rappelle que le salarié s’est engagé, dans son contrat de travail, à respecter une charte relative au respect des droits de la personne. Il était précisé que toute atteinte à cette charte constituerait une faute grave. La Cour constate que le salarié a fait une « blague » relative à une femme battue pendant une émission, diffusée en direct et à une heure de grande écoute, le 30/11/2017. Cette « blague » est intervenue alors que l’actualité médiatique était mobilisée autour de la création de blogs d’expression de la parole de femmes tels que « #metoo » et « #balancetonporc ». Elle est également intervenue quelques jours après une allocution du Président de la République concernant des mesures visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Enfin, le salarié s’est vanté « d’avoir fait le buzz » puis a adopté vis-à-vis d’une spectatrice une attitude déplacée dans les jours suivants l’incident. Ce comportement renforce la banalisation de la violence vis-à-vis des femmes résultant des termes de la « blague ». La Cour juge donc que le licenciement du salarié, justifié par la lutte contre les discriminations et par la protection de la réputation de l’employeur, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié.

• La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Elle rappelle l’article L.1121-1 du Code du Travail, selon lequel seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché peuvent être apportées à la liberté d’expression d’un salarié. Elle constate que le salarié a fait une « blague » sur les femmes battues. Elle juge que le licenciement du salarié poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l’employeur. Compte tenu de l’impact potentiel des propos réitérés par le salarié, reflétant une banalisation des violences à l’égard des femmes, le licenciement n’est pas disproportionné et ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié.


Éclairage

Liberté fondamentale et restriction
  • Lorsqu’une décision de l’employeur vient limiter une liberté fondamentale d’un salarié, le juge doit vérifier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la décision de l’employeur est nécessaire dans une société démocratique.
  • Il doit ainsi apprécier la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi ainsi que son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif.
Cas d’espèce
  • En l’espèce, la Cour d’appel a mis en balance les intérêts du salarié et les intérêts de l’employeur, tout en précisant le contexte politique et actuel dans lequel la « blague » du salarié avait été faite.
  • Elle a également apprécié le comportement du salarié, postérieur à l’émission et déplacé à l’encontre d’une spectatrice.

La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel.

Article L.1121-1 du Code du Travail
  • Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme
  • Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
  • L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.


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Cass. soc., 20/04/2022, n° 20-10 852 -