Réforme de l’Assurance chômage : « Il nous semble nécessaire d’attendre » (B. Serre)
« De nombreuses entreprises ont depuis plusieurs mois des problématiques de trésorerie, de carnets de commandes instables, et l’activité partielle leur permet d’adapter leurs niveaux de charges et d’effectifs à la vitesse de la reprise. Il est donc normal qu’une majorité se prononce en faveur du maintien pendant encore quelques mois de ce dispositif. En revanche, si la reprise est forte et rapide, l’activité partielle se réduira d’autant car c’est un outil pour l’emploi. Le message est de dire aux pouvoirs publics de ne pas débrancher toutes les aides trop brutalement », déclare Benoît Serre
Partner & director HR - People strategy @ Boston Consulting Group (BCG) • Vice-président puis vice-président national délégué @ Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
, vice-président national délégué de l’ANDRH
Association nationale des directeurs des ressources humaines
et DRH de L’Oréal France, dans un entretien accordé à News Tank le 10/06/2021.
« La mise en application partielle de la réforme de l’assurance chômage est toujours prévue au 01/07/2021, ce qui nous semble totalement incompréhensible. Cette réforme a été conçue par l’ancienne ministre du Travail, Muriel Pénicaud, dans un contexte d’avant-crise où la croissance sur le front de l’emploi s’améliorait. La configuration actuelle rend nécessaire un nouvel examen des dispositions. À l’image de la réforme des retraites, il nous semble nécessaire d’attendre quelques mois avant de lancer une telle réforme, potentiellement source de tensions et d’incompréhensions. »
« Nous avons trouvé de nouveaux moyens de faire le dialogue social. Il faut les faire perdurer et les inscrire dans la loi. Les entreprises, les partenaires sociaux et les salariés ont su s’adapter et il faut donc que la loi s’adapte à son tour ou qu’au moins une évaluation soit faite et une réflexion engagée. Cette crise a prouvé que lorsqu’on laisse le dialogue social se dérouler au plus près du terrain, par des accords majoritaires, par des solutions trouvées dans chaque entreprise avec les partenaires sociaux, cela fonctionne bien. Nous sommes donc favorables au maintien du mouvement initié par les ordonnances de 2017 pour mettre le dialogue social au plus près du terrain, c’est-à-dire dans les entreprises. »
Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH et DRH de L’Oréal France, répond à News Tank
Dans la dernière enquête de l’ANDRH publiée le 08/06/2021, 59 % des DRH se disent favorables au maintien de l’activité partielle « pour sauvegarde l’emploi ». Pourquoi un taux si important ?
De nombreuses entreprises ont depuis plusieurs mois des problématiques de trésorerie, de carnets de commandes instables, et l’activité partielle leur permet d’adapter leurs niveaux de charges et d’effectifs à la vitesse de la reprise. Il est donc normal qu’une majorité se prononce en faveur du maintien pendant encore quelques mois de ce dispositif. En revanche, si la reprise est forte et rapide, l’activité partielle se réduira d’autant car c’est un outil pour l’emploi.
Le message est de dire aux pouvoirs publics de ne pas débrancher toutes les aides trop brutalement, point sur lequel nous n’avons pas d’inquiétude puisqu’ils semblent prévoir un arrêt progressif des aides aux entreprises.
Quels sont les secteurs dont la reprise progressive justifie un recours prolongé à l’activité partielle ?
Les secteurs de l’évènementiel, de la distribution et du commerce ou de la restauration connaissent encore une reprise très progressive. L'ANDRH Association nationale des directeurs des ressources humaines préconise un examen de la situation de chaque secteur et parfois de chaque entreprise pour mettre en place une stratégie adaptée à la réalité de chacun selon sa taille notamment. On peut concevoir qu’un petit commerce de centre-ville aura plus besoin d’un prolongement des aides qu’une grande chaîne de distribution.
Seuls 25 % des DRH considèrent que la réforme des retraites pourra accompagner la reprise, mais 43 % d’entre eux considèrent que cette réforme doit être maintenue. Pourquoi un tel paradoxe ?
C’est une manière pour les DRH de dire qu’ils sont conscients de la nécessité de faire une réforme, tout en indiquant que cette réforme ne doit pas être déclenchée trop vite compte tenu du contexte de reprise d’activité. Un déclenchement trop rapide de la réforme serait susceptible de créer de la tension sociale nationale qu’on retrouve souvent au sein des entreprises, tension qui impacterait la reprise. Les DRH sont bien conscients de la nécessité de réformer le système de retraites, mais demandent donc une approche tactique de la part des pouvoirs publics.
Le président du Medef Mouvement des entreprises de France , que nous avons rencontré la semaine dernière, dit la même chose et considère qu’il ne faut rien toucher avant mai 2022. Reprenons ces débats après l’élection présidentielle pour ne pas perturber le contexte actuel.
Concernant l’emploi des seniors, l’ANDRH a proposé en 2020 la mise en place d’un index seniors similaire à l’index de l’égalité femmes-hommes mis en place dans les entreprises. Cette proposition a-t-elle été retenue par le Gouvernement ?
Un million de seniors sont aujourd’hui en recherche d’emploi »Dans le cadre de la rédaction du rapport Bellon, la commission seniors nous a indiqué ne pas avoir retenu cette proposition à cause de la complexité de la mise en place d’un tel index. Cette proposition a eu au moins le mérite de créer une prise de conscience sur le sujet de l’emploi des seniors. Il n’existe pas aujourd’hui de véritable politique volontariste des pouvoirs publics concernant l’emploi des seniors, comme c’est le cas pour les jeunes, et nous demandons au Gouvernement qu’un plan senior soit mis en place.
La reprise des discussions autour de la réforme des retraites doit être l’occasion d’une discussion sur les dispositifs que nous pouvons mettre en place pour favoriser l’emploi des seniors. Un million de seniors sont aujourd’hui en recherche d’emploi. L’ANDRH propose notamment :
- L’extension des dispositifs de cessation progressive d’activité très coûteuse et mise en place aujourd’hui essentiellement dans les grandes entreprises ;
- D’exclure du calcul du bonus/malus les CDD seniors de plus de 55 ans ;
- De concentrer la politique senior sur les plus de 55 ans ;
- De doubler l’abondement CPF Compte Personnel de Formation annuel des plus de 55 ans (de 500 à 1 000 euros) ;
- De mettre en place une aide au recrutement d’un senior au chômage depuis plus de 3 ans ;
- De favoriser les contrats de professionnalisation seniors.
Si l’on décide de repousser l’âge de la retraite d’un an, ce qui peut se justifier sur le plan économique, il faut aussi motiver les entreprises à garder leurs seniors et à en recruter. Un effort a déjà été fait pour favoriser le maintien des seniors en emploi, mais il faut désormais agir sur les seniors en recherche d’emploi.
Quid de la réforme de l’Assurance chômage ?
Sa mise en application partielle est toujours prévue au 01/07/2021, ce qui nous semble totalement incompréhensible. Cette réforme a été conçue par l’ancienne ministre du Travail, Muriel Pénicaud, dans un contexte d’avant-crise où la croissance sur le front de l’emploi s’améliorait.
La configuration actuelle rend nécessaire un nouvel examen des dispositions. À l’image de la réforme des retraites, il nous semble nécessaire d’attendre quelques mois avant de lancer une telle réforme, potentiellement source de tensions et d’incompréhensions.
Le déficit de financement de la formation semble inquiéter les DRH. D’où provient ce déficit et en quoi est-il inquiétant ?
France compétences est déficitaire de plusieurs millions d’euros et les perspectives ne sont pas réjouissantes, et les Opco Opérateur de compétences fonctionnent mal. Les entreprises, dans les remontées que nous avons, expriment un certain nombre de difficultés :
- Une incertitude sur la prise en charge de leurs plans de formation ;
- Des procédures administratives complexes ;
- Un manque de fluidité dans leurs relations avec leurs Opco.
La somme de ces difficultés représente un risque, notamment pour la prise en charge des contrats d’alternance du supérieur. Le Gouvernement a demandé aux entreprises de faire un effort sur le recrutement d’alternants pendant la crise et les entreprises ont répondu présentes. Il ne faudrait pas que cette bonne dynamique soit tuée dans l’œuf par des problèmes de financement.
55 % des DRH indiquent que la crise a provoqué une évolution de la culture managériale dans leur organisation. Comment les RH peuvent-elles accompagner cette évolution ?
Le services RH ont déjà mené un travail de formation des managers sur la gestion d’une équipe à distance. Nous avons aussi formé les salariés à travailler à distance. Maintenant, il nous faut mener d’autres évolutions plus importantes selon les entreprises, comme par exemple :
- Réduire les niveaux hiérarchiques pour renforcer l’autonomie ;
- Développer la confiance et la subsidiarité dans la décision ;
- Développer les soft skills des managers et leur capacité à détecter les signaux faibles de décrochage d’un salarié ;
- Détacher les managers des notions de présentéisme et de contrôle en vigueur depuis plusieurs dizaines d’années en France.
Le dialogue social est resté intense malgré la crise sanitaire. L’ANDRH est-elle favorable au maintien des mesures exceptionnelles prises pour le faciliter (réunions en visioconférence des CSE, vote électronique des accords, réduction des délais de consultation) ?
Nous avons trouvé de nouveaux moyens de faire le dialogue social. Il faut les faire perdurer et les inscrire dans la loi. Les entreprises, les partenaires sociaux et les salariés ont su s’adapter et il faut donc que la loi s’adapte à son tour ou qu’au moins une évaluation soit faite et une réflexion engagée.
Le dialogue social doit se dérouler au plus près du terrain »Cette crise a prouvé que lorsqu’on laisse le dialogue social se dérouler au plus près du terrain, par des accords majoritaires, par des solutions trouvées dans chaque entreprise avec les partenaires sociaux, cela fonctionne bien. Nous sommes donc favorables au maintien du mouvement initié par les ordonnances de 2017 pour mettre le dialogue social au plus près du terrain, c’est-à-dire dans les entreprises.
Les processus de consultation sont aujourd’hui trop longs et rallongent les délais de transformation. Il faut en France 6 mois à une entreprise pour modifier son organisation, ce qui est trop long à l’heure de la reprise et de l’adaptation à un contexte mouvant. La vitesse du dialogue social n’empêche pas sa qualité.
Benoît Serre
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Fiche n° 25040, créée le 29/08/2017 à 12:43 - MàJ le 14/11/2024 à 15:43
Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
• Association loi 1901 au service des professionnels des ressources humaines représentant les entreprises et organisations de tous secteurs d’activité et de toutes tailles, publiques et privées, nationales et internationales.
• Création : 1947
• Avec plus de 5 600 membres, organisée en 70 groupes locaux, elle est la plus grande communauté de professionnels des ressources humaines en France.
• Mission : anticiper et accompagner l’évolution des métiers des ressources humaines
• Présidente : Audrey Richard, Directrice des Ressources Humaines du Groupe CANAL+
• Vice-président délégué : Benoit Serre, Partner&Director HR - People Strategy Boston Consulting Group
• Vice-présidente : Laurence Breton-Kueny, présidente du groupe ANDRH Seine-Saint-Denis, DRH Groupe Afnor
• Vice-présidente : Emmanuelle Germani, DRH groupe KP1
• Contact : Laura Tordjman, responsable partenariats et relation presse
• Tél. : 01 56 88 18 28
Catégorie : Associations / Fondations
Adresse du siège
37 rue Caumartin75009 Paris France
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Fiche n° 5659, créée le 04/09/2017 à 12:24 - MàJ le 14/11/2024 à 15:44
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