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Négociations : « Les signataires ne mettent pas assez en valeur les effets des accords » (G. Gateau)

News Tank RH - Paris - Interview n°150870 - Publié le 28/06/2019 à 09:42
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« Valoriser le dialogue social comme facteur d’innovation dans les entreprises, bien loin de l’image d’un dialogue social très institutionnel », tel est le principal objet de la journée des « réussites du dialogue social » organisée par le ministère du Travail, le 28/06/2019, selon Gilles Gateau Coordinateur national pour l’Année européenne des compétences 2023 @ Ministère du Travail et de l’Emploi • Président @ Haut Conseil du dialogue social • Directeur général @ Apec • Pilote de la… , dans un entretien à News Tank le 27/06/2019. « J’ai parfois été surpris que les signataires ne mettent pas suffisamment en valeur les fruits et les effets positifs des accords sociaux qu’ils ont eux-mêmes co-construits » poursuit l’ancien DRH du Groupe Air-France. 

Le projet est né à l’occasion du rapport qu’il a produit avec Jean-Dominique Simonpoli Co-fondateur et président @ La Fabrique du Social • Président du conseil d’administration @ Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP)
, DG de Dialogues • Lieu d’échanges entre syndicalistes, chefs d’entreprise et tout spécialiste des questions sociales • Création : 2003 • Fonctionne sous la forme de dîners-débats, groupes de travail, clubs dédiés… , sur « l’accompagnement de la dynamique du dialogue social », remis à la ministre du Travail le 16/02/2018. Le projet est né à l’occasion du rapport qu’il a produit avec Jean-Dominique Simonpoli, DG de Dialogues, sur « l’accompagnement de la dynamique du dialogue social », remis à la ministre du Travail le 16/02/2018.

• Principale contrainte : identifier ces accords innovants, qui introduisent des « micro-innovations participant à la transformation et à l’innovation dans les entreprises », car il ne s’agit pas  d’accords totalement révolutionnaires. « On réinvente rarement les choses de A à Z à l’occasion d’une négociation sociale », selon Gilles Gateau. « La base de données centralisée des accords comporte certes les 40 000 accords d’entreprises annuels, mais dans une approche d’abord quantitative et juridique. Nous avons donc travaillé, avec les Direccte Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi , et d’autres réseaux comme l’ANDRH Association nationale des directeurs des ressources humaines  ». 30 accords, sur 7 thématiques, ont été identifiés et font l’objet de présentations en binôme, pour chacun, par un DRH et un syndicaliste. « Nous n’avons eu que deux refus de témoignage pour cette rencontre », dit Gilles Gateau.

• « Je suis convaincu que nous sommes passés à côté d’accords contenant des innovations qui mériteraient d’être valorisées. D’ailleurs, les médias comme News Tank sont des outils qui contribuent à mettre en valeur des accords originaux et sont une source d’inspiration pour les DRH comme les partenaires sociaux », dit Gilles Gateau. « Il faut désormais, à une échelle plus large, convaincre les signataires d’accords qu’il est utile de partager sur leurs propres négociations. »

• « Ces accords montrent que ces transformations opérées dans un cadre négocié sont plus efficaces. Si on accepte de jouer le jeu et de se faire confiance, on a davantage d’idées, de capacité de novation à plusieurs et la mise en œuvre de ces transformations négociées est également plus efficace. »

• Parmi les innovations marquantes, pour l’ancien DRH d’Air France, ancien directeur adjoint du cabinet du Premier ministre Manuel Valls : « cette entreprise qui a mis en place un comité tripartite pour le suivi de son accord réunissant les syndicats de salariés signataires et la DRH, comme c’est souvent le cas, mais intègre également des managers opérationnels impliqués aussi sur les conditions de mise en œuvre ce qui est plus original ».

« Nous avons des cas de démarrage de négociations sans projets de texte de l’entreprise », une méthode de négociation que Gilles Gateau a lui-même expérimentée à la DRH du groupe EDF : « C’est assez déstabilisant, tant côté management que syndical, car on sort des rites de la négociation sociale, mais partir d’une page presque blanche a aussi de puissants avantages ».

• Gilles Gateau évoque également les parcours professionnels des anciens porteurs mandats syndicaux, en particulier leur possible évolution vers la fonction RH. « Comme DRH, j’ai eu l’occasion de travailler avec d’anciens syndicalistes devenus des professionnels RH remarquables, chez EDF comme chez Air France ».


Gilles Gateau répond aux questions de News Tank

Quel est l’objet de cette journée des « réussites du dialogue social » organisée au ministère du Travail le 28/06/2019 ?

Le 16/02/2018, avec Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l’association Dialogues, nous avons remis un rapport à la ministre du Travail sur « l’accompagnement de la dynamique du dialogue social » dans lequel nous proposions d’organiser une journée nationale de l’innovation par le dialogue social d’entreprise, qui mette « en vedette » des accords innovants et ceux qui les ont négociés et signés.

L’objectif est de valoriser le dialogue social comme facteur d’innovation dans les entreprises, bien loin de l’image d’un dialogue social très institutionnel.

Cette rencontre doit permettre également de valoriser le rôle d’accompagnateur de ce dialogue social assuré par le ministère du Travail.

Quels enseignements retirez-vous de ce travail de fond sur la production du dialogue social en France ?

J’étais très confiant dans le fait que nous allions trouver un grand nombre d’accords innovants »

J’étais très confiant dans le fait que nous allions trouver un grand nombre d’accords innovants. Il ne s’agit pas d’accords totalement révolutionnaires, car on réinvente rarement les choses de A à Z à l’occasion d’une négociation sociale. Il s’agit plutôt d’une somme de micro-innovations qui participent à la transformation et à l’innovation dans les entreprises qui sont confrontées tous les jours au changement des métiers et des technologies.

Ces accords montrent que ces transformations opérées dans un cadre négocié sont plus efficaces. Si on accepte de jouer le jeu et de se faire confiance, on a davantage d’idées, de capacité de novation à plusieurs. La mise en œuvre de ces transformations négociées est également plus efficace. Elles ne sont plus le seul canal managérial si elle est co-construite avec les partenaires sociaux. L’appropriation de ces transformations est alors bien plus efficace.

Comment avez-vous identifié ces 30 accords particulièrement innovants ?

Là résidait la principale difficulté de l’exercice. Actuellement, la base de données centralisée des accords comporte certes les 40 000 accords d’entreprises annuels, mais dans une approche d’abord quantitative et juridique. Nous avons donc travaillé, avec les Direccte Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi , et d’autres réseaux comme l’ANDRH, Association nationale des directeurs des ressources humaines afin qu’elles nous fassent remonter des accords considérés comme innovants, sur les sept thématiques que nous avons choisies : 
• Emploi compétences et GPEC Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences
• Performance collective ; 
• Qualité de vie au travail;
• Égalité professionnelle femmes-hommes ;
• Handicap ;
• Dialogue social CSE Comité social et économique et parcours syndicaux ;
• Accords européens et internationaux.

Toutefois, je suis convaincu que nous sommes passés à côté de beaucoup d’accords contenant des innovations qui mériteraient d’être valorisées. D’ailleurs, les médias comme News Tank sont des outils qui contribuent à mettre en valeur des accords originaux et sont une source d’inspiration pour les DRH comme les partenaires sociaux.

Il faut désormais, à une échelle plus large, convaincre les signataires d’accords qu’il est utile de partager sur leurs propres négociations, qui constituent autant de réussites du dialogue social, sur le terrain. Il est sans doute illusoire d’imaginer identifier tous les accords novateurs à l’échelle des 40 000 accords nationaux. En revanche, lorsqu’il s’agit d’analyser quelques centaines d’accords sur un territoire, l’exercice ne semble pas insurmontable.

Vous avez fait le choix original d’une présentation conjointe des accords par les DRH et les partenaires sociaux. Quelles ont été les réactions ?

Le principe du témoignage à deux voix semble très apprécié. Nous n’avons eu que deux refus de témoignage pour cette rencontre des « réussites du dialogue social ».

Quelles innovations vous ont le plus interpellé ou surpris ?

Il y aurait nombre de micro-innovations astucieuses à évoquer. Je pense par exemple à cette entreprise qui a mis en place un comité tripartite pour le suivi de son accord réunissant les syndicats de salariés signataires et la DRH, comme c’est souvent le cas, mais intègre également des managers opérationnels impliqués également sur les conditions de mise en œuvre, ce qui est plus original. C’est une stratégie que je n’avais encore jamais rencontrée. Le 28/06, nous allons pouvoir interroger l’entreprise sur le dialogue né de ce suivi, sa richesse et le fonctionnement opérationnel de cette commission de suivi.

Le démarrage de négociations sans projets de texte de l’entreprise, c’est assez déstabilisant, tant côté management que syndical, car on sort des rites de la négociation sociale »

Nous avons également des cas de démarrage de négociations sans projets de texte de l’entreprise. J’avais moi-même testé cette méthode lorsque j’étais à la DRH d’EDF, c’est assez déstabilisant, tant côté management que syndical, car on sort des rites de la négociation sociale, mais partir d’une page presque blanche a aussi de puissants avantages. De même, j’ai parfois commencé les premières séances de négociation par la rédaction de l’exposé des motifs -ce qu’on fait souvent en dernier- en ayant conscience de dérouter quelque peu mes collègues de la DRH et les organisations syndicales, Toutefois, dans la suite de la négociation, nous avions pu nous référer à cet exposé des motifs initiaux pour ne pas sortir du cadre que nous avions élaboré ensemble. Avec le recul, cette méthode perçue comme une perte de temps initiale permet ensuite de gagner du temps lors de la négociation.

Pourquoi, selon vous, une telle différence entre l’image du dialogue social auprès du grand public et sa réalité de terrain illustrée au travers de cette somme de 30 accords sociaux ?

Ces entreprises ne sont pas des entreprises différentes des autres »

C’est une bonne question, car je partage ce constat sur l’image souvent négative dans l’opinion. Nous posons d’ailleurs la question aux entreprises qui participent à la journée des réussites du dialogue social. Ces entreprises ne sont pas des entreprises différentes des autres. Elles n’affichent pas de taux de participation exceptionnels aux élections professionnelles. Elles vivent des conflits et des difficultés comme toutes les entreprises. Et pourtant elles ont négocié des accords sociaux innovants qui font progresser leur performance économique. Nous souhaitons montrer par l’exemple que c’est possible, modestement, avec cette première journée des réussites du dialogue social. 

Les négociateurs eux-mêmes font-ils suffisamment, selon vous, ce travail de valorisation de leurs accords ?

J’ai parfois été surpris que les signataires ne mettent pas suffisamment en valeur les fruits et les effets positifs des accords sociaux qu’ils ont eux-mêmes co-construits. Parfois certains semblent craindre de se mettre sous le feu des non-signataires. Je me demande même si le management lui-même n’oublie pas, trop souvent, de dire aux salariés que ces avancées sont issues d’une négociation sociale. 

Nombre d’accords sociaux sont pourtant issus d’injonctions légales. Comment fait-on preuve d’innovation sociale dans un tel contexte contraint ?

Effectivement, il faut parfois une injonction légale pour faire avancer certains sujets. Même si, dans ce cas, l’entreprise peut parfois se contenter de cocher la case en ouvrant la négociation, sans obligation d’aboutir, et passer éventuellement par un acte unilatéral de l’employeur. C’est donc parfois nécessaire, mais jamais suffisant.

Dans notre rapport, avec Jean-Dominique Simonpoli, il y avait la question des conditions dans lesquelles les DRH, les délégués syndicaux et les managers peuvent prendre le risque de la confiance pour négocier.  »

Prenez un sujet comme le droit à la déconnexion. Ce n’est pas simplement un sujet d’obligation légale. Il suffit d’écouter les salariés de certaines entreprises pour saisir le caractère envahissant des messageries. Il ne s’agit plus seulement du sujet de la déconnexion au domicile. L’obligation de négociation interroge aussi nos pratiques, comme le fait d’adresser un mail à un collègue situé à quelques mètres de vous. 

Au cœur de notre rapport, avec Jean-Dominique Simonpoli, il y avait la question des conditions dans lesquelles les DRH, les délégués syndicaux et les managers peuvent prendre le risque de la confiance pour négocier. Ensuite, il faut savoir communiquer à destination des salariés et des managers. Les clés sont la formation et l’inspiration des acteurs.

De plus en plus de DRH ne sont plus issus de formations en droit social. Ce recul de l’expertise juridique initiale ne risque-t-il pas de réduire leur capacité à produire de la norme sociale interne non standardisée ?

Par nature, le DRH doit avoir une bonne compréhension du business pour être légitime auprès des patrons métiers, mais ce n’est pas suffisant. Il doit pouvoir ajouter à cette maîtrise une approche humaine des transformations dont il est le garant quelque part, sinon l’entreprise peut se fracasser comme l’ont montré certains exemples tragiques.

Le DRH doit être un stratège de l’humain et du social dans l’entreprise »

Il n’est pas nécessaire d’être juriste pour mener à bien cette mission. Les DRH sont suffisamment bien entourés d’experts juridiques. Le DRH doit être un stratège de l’humain et du social dans l’entreprise. Nous trouvons cette compétence chez de “purs RH” comme chez des dirigeants issus de l’opérationnel. L’important, c’est de savoir qui l’on choisit et pourquoi, et quelle plus-value il apporte à l’entreprise dans ce rôle spécifique qui est celui du DRH.

La direction des RH n’est-elle pas une voie possible d’évolution professionnelle pour des représentants du personnel ou des DS au terme de leur mandat ?

Oui bien sûr. D’une façon générale, la diversité des parcours est positive. Mais les parcours d’anciens porteurs de mandats vers la DRH sont loin d’être ancrés dans la culture française. Pourtant comme DRH, j’ai eu l’occasion de travailler avec d’anciens syndicalistes devenus des professionnels RH remarquables, chez EDF comme chez Air France.

Ces trajectoires doivent être intégrées dans des parcours, avec un sas de transition entre ces fonctions. Il est loin d’être évident de passer immédiatement d’un côté à l’autre de la table de négociation. Les formations diplômantes et les démarches de VAE peuvent également constituer des sas pour ces transitions.

Gilles Gateau


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Établissement & diplôme

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Fiche n° 25754, créée le 19/09/2017 à 11:48 - MàJ le 21/06/2024 à 15:21