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« La fonction RH doit se remettre en question sinon elle risque de disparaître » (D.Bille, ex-DRH)

News Tank RH - Paris - Interview n°115536 - Publié le 15/03/2018 à 18:52
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Didier Bille - ©  D.R.

« Je ne crois pas à la fonction RH telle qu’elle est représentée aujourd’hui dans les organisations des entreprises. Il faut qu’elle se remette en question. Et si elle ne le fait pas, elle sera vouée à disparaître », déclare Didier Bille, ex-DRH, auteur de la Machine à Broyer (Ed. Le Cherche Midi), en vente le 15/03/2018. 

« Ce que je dénonce est une réalité dans l’entreprise mais ce n’est pas la réalité de toutes les entreprises. Licencier des gens qui n’avaient rien fait, afin de répondre aux attentes de mes employeurs Canadiens, Anglais ou Américains, pratiquer de la notation forcée, lancer des programmes qui n’ont aucun fondement, dédiés à la gestion des talents ou à la Génération Y, m’a heurté. Je plaide pour que la fonction RH reprenne en main la création du lien et du maintien social. »

« Je ne souhaite pas m’inscrire dans un mouvement de RH bashing. Mais si depuis bientôt 20 ans, il existe, cela signifie qu’il y a un souci pour la profession. Les DRH doivent faire preuve de plus de courage et s’opposer en entreprise sans avoir la crainte de perdre leur emploi. Il faut engager un débat sérieux sur l’utilité des RH. » 

« Tous les DRH mentent notamment face à un CE. Mentir par omission, noyer le poisson, manipuler la vérité fait partie de la fonction. Nous sommes obligés de prendre des libertés par rapport à certaines vérités dans les CE. »

« Les professionnels RH doivent être éduqués pour apprendre à lire des études, s’opposer à la pénétration dans l’entreprise de théories de management et de gestion RH dévastatrices d’un point de vue humain. »


Didier Bille, ex-DRH, auteur de la Machine à Broyer (Ed. Le Cherche Midi)

Dans la préface de votre livre, vous indiquez aimer votre métier. Pourquoi alors définir le métier en quatre verbes : « attirer, lobotomiser, casser, jeter » ?

DRH La machine à broyer - ©  D.R.
J’aime mon métier mais je l’appréciais beaucoup plus lorsque j’ai embrassé la fonction RH en 1995. Ensuite, dans les années 2000, la direction RH choisie par la quasi-totalité des entreprises s’est éloignée de ma mission d’origine.

Et je n’avais pas la maturité, le recul et la reconnaissance pour faire face. Je me suis souvent opposé à ma direction et le résultat à chaque fois, c'était la porte. Fin 2016, j’ai renoncé à exercer ce métier de DRH car même si j’appréciais à 75 % la fonction, j’avais 25 % de problèmes moraux.

Pourquoi avoir déclaré dans l'émission « Envoyé Spécial » sur France 2 que vous n’aviez pas de remords, ni de regrets au sujet de procédures de licenciements injustifiés ?

La question m’a été posée six fois. J’ai répondu négativement une seule fois et c’est cette réponse qui a été diffusée. Mes autres réponses étaient nuancées. Il est évident que licencier des gens qui n’avaient rien fait afin de répondre aux attentes de mes employeurs Canadiens, Anglais ou Américains, pratiquer de la notation forcée, lancer des programmes qui n’ont aucun fondement, dédiés à la gestion des talents ou à la Génération Y, m’a heurté. 

Croyez-vous encore à la fonction RH ?

je plaide pour [que la fonction RH… ] reprenne en main la création du lien et du maintien social.  »

Je ne crois pas à la fonction RH telle qu’elle est représentée aujourd’hui dans les organisations des entreprises. Il faut qu’elle se remette en question. Et si elle ne le fait pas, elle sera vouée à disparaître. je plaide pour qu’elle reprenne en main la création du lien et du maintien social. 

Pensez-vous qu’il faille une charte éthique dédiée aux DRH comme certains de vos pairs le souhaitent ?

Une charte est un bout de papier qui n’engage que ceux qui y croient. 

Que répondez-vous à vos pairs et à l’ANDRH, en particulier, qui déclare que vous « ne dénoncez que vous-même » dans votre livre ?

Ce que je dénonce est une réalité dans l’entreprise mais ce n’est pas la réalité de toutes les entreprises »

Mon livre est un contrepoids à tous les autres ouvrages à la gloire du DRH. Je ne m’attendais pas à ce qu’il plaise. Ce que je dénonce est une réalité dans l’entreprise mais ce n’est pas la réalité de toutes les entreprises. La réaction de mes pairs est purement pavlovienne. C’est une défense de la corporation. Ils sont aveugles alors que des études nous alertent sur la méfiance des salariés envers les entreprises. Ceux qui dénoncent les agissements de mon livre sont déconnectés de la réalité et emploient souvent les mêmes méthodes que moi. Tous les DRH mentent notamment face à un CE. Mentir par omission, noyer le poisson, manipuler la vérité fait partie de la fonction. Nous sommes obligés de prendre des libertés par rapport à certaines vérités dans les CE.

Ne pensez-vous pas participer au RH bashing ?

Je connais le RH bashing depuis 2000, la période où les professionnels RH ont choisi de prendre le chemin de business partner en suivant le gourou américain Dave Ulrich au lieu d'être People Partner. Je ne souhaite pas m’inscrire dans un mouvement de RH bashing. Mais si depuis bientôt 20 ans, il existe, cela signifie qu’il y a un souci pour la profession. 

Que faudrait-il pour que la fonction RH vous redonne envie de l’exercer ?

un DRH ne peut rien faire sans l’appui de sa direction. »

Les DRH doivent faire preuve de plus de courage et s’opposer en entreprise sans avoir la crainte de perdre leur emploi. Il faut engager un débat sérieux sur l’utilité des RH. Il faut retravailler le lien avec la direction, car un DRH ne peut rien faire sans l’appui de sa direction. Il faut aussi plus de salariés solidaires qui supportent mieux les IRP. Il faut se cultiver plus sur le métier. Quand on me parlait de gestion de talents, je demandais à chaque fois l’accès à une seule étude scientifique qui donne une crédibilité à cette théorie de talents. Je n’ai jamais obtenu cette étude. Selon moi, il s’agit d’une idéologie. Les professionnels RH doivent être éduqués pour apprendre à lire des études, s’opposer à la pénétration dans l’entreprise de théories de management et de gestion RH dévastatrices d’un point de vue humain. 

La pratique du « ranking-forcé » est illégale, est-elle encore pratiquée en France ?

Elle se pratique toujours. En juin 2017, France Culture a enquêté sur la politique d’évaluation des salariés de Sanofi. La hiérarchie du géant pharmaceutique avait incité ses managers à sous-évaluer les salariés pour répondre à des quotas prédéfinis. Général Electric est l’inventeur de ce concept. Et je l’ai pratiqué chez eux en 2009. Depuis, je reçois des mails de salariés et de managers du groupe qui me disent que cette pratique existe encore en 2018. 

Que pensez-vous de la dénomination de certains DRH en directeur ou directrice des relations humaines ?

Je n’ai jamais apprécié le terme « ressources » qui fait penser à de la matière première. Mais il ne suffit pas de changer le nom d’un titre si le reste ne change pas derrière. Il faut changer le contenu, les méthodes, la finalité. 

 

Didier Bille


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Parcours

DRH La machine à broyer ( Ed. Le Cherche Midi)
Auteur
NXP Semi conductors
DRH Management de transition
Diana Naturals
Directeur des Ressources Humaines monde
Bio-Rad
Directeur des Ressources Humaines Europe du Sud
Chassis Brakes
Directeur des Ressources Humaines Europe
AstraZeneca
Directeur des Ressources Humaines France
General Electric
Organisation, Développement et Recrutement Manager de GE Capital Solutions, puis Directeur RH
Nortel Networks
DRH
Federal Mogul
Manager Européen des Ressources Humaines de la Division Systems Protection Group
Nortel Networks
Manager des Ressources Humaines de la division Global Operations
Food Manufacturing Corporation
Adjoint au Directeur des Ressources Humaines France
Banque Bruxelles Lambert
Responsable du centre de formation, du département recrutement et gestion de carrière
Ministère de la Défense nationale belge
Officier dans la logistique

Établissement & diplôme

ILC (Belgique)
Master en Législation Industrielle Européenne
ICHEC (membre du groupe HEC, Belgique)
Ingénieur en Gestion Industrielle
ERM (Ecole Royale Militaire, Belgique)
Master en Sciences Sociales et Politiques

Fiche n° 29459, créée le 15/03/2018 à 18:17 - MàJ le 15/03/2018 à 18:47

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