ANI du 14/04/2022 : le détail de l’accord à la signature jusqu’au 15/06/2022

• Instaurer un dialogue social continu qui se traduit par la définition d’un agenda économique et social paritaire, construit par les seuls partenaires sociaux. 

• Clarifier l’articulation des rôles respectifs des partenaires sociaux et des pouvoirs publics : affirmer l’importance du rôle et des missions des partenaires sociaux (négociation, gestion des organismes paritaires) face à l’exécutif et au législateur.

• Faire progresser le paritarisme de gestion. « Au-delà de la bonne pratique d’une évaluation régulière, il s’agit de parfaire et compléter les règles de fonctionnement, de transparence et de gestion du paritarisme. » Revoir notamment l’ANI du 17/02/2012 relatif à la modernisation et au fonctionnement du paritarisme.

• Se doter de règles collectives pour la négociation.

Tels sont les objectifs de l’ANI « Pour un paritarisme ambitieux et adapté aux enjeux d’un monde du travail en profonde mutation » conclu le 14/04/2022 par le Medef, la CPME, l’U2P, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT et FO. Le texte est ouvert à la signature jusqu’au 15/06/2022. Cet accord est conclu pour une durée indéterminée.

Cohabitation de deux ANI 

L'ANI Accord national interprofessionnel du 17/02/2012 relatif à la modernisation et au fonctionnement du paritarisme n’est pas abrogé par l’ANI du 14/04/2022 « Pour un paritarisme ambitieux et adapté aux enjeux d’un monde du travail en profonde mutation ». Certaines dispositions du projet d’ANI comme le vote par tête au sein des CA Conseil d’Administration des instances paritaires contesté par la CFE-CGC et la CFTC ont été retirées du texte. Ce sont donc les dispositions de l’ANI de 2012 qui s’appliqueront en principe.

« Nous n’avons pas eu plus de précisions sur l’articulation entre les deux textes, indique Pierre Jardon, chargé du dialogue social à la CFTC à News Tank. Nous avons relevé des sujets traités différemment dans les deux textes. Il faudra prendre en compte la disposition la plus récente. »

« Faire de la démocratie sociale un outil pleinement efficace pour anticiper et accompagner les transformations économiques, sociales et environnementales suppose de la revitaliser et de mieux articuler ce qui relève de la loi et ce qui relève de l’accord collectif » (préambule)

I- Préambule

II- Affirmer, au niveau national interprofessionnel, la place du dialogue social et de la négociation collective dans le monde du travail

1- Les fondements du dialogue social et de la négociation collective au niveau interprofessionnel

2- Le périmètre de la négociation nationale interprofessionnelle

3- Ses moyens et modalités d’actions mobilisables : les productions de la négociation nationale interprofessionnelle et du dialogue social

III- Définition des conditions d’un dialogue économique et social national interprofessionnel autonome, dynamique et constructif

1- La construction d’un agenda économique et social paritaire autonome

1-1 La construction d’un espace de dialogue autonome entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel

1-2 La formalisation de l’agenda économique et social autonome

1-3 Le suivi de la mise en œuvre de l’agenda social autonome et des accords conclus

2- Au-delà de l’agenda autonome : une articulation équilibrée des relations entre pouvoirs publics et partenaires sociaux

2-1 Avant tout projet de réforme du Gouvernement relevant du champ de l’article L.1 du code du travail : une invitation préalable à la négociation entre partenaires sociaux, dans des conditions respectueuses de leurs prérogatives

2-2 Lorsqu’un accord est signé : l’enjeu de la transposition par les pouvoirs publics

IV- Les moyens et conditions de la négociation nationale interprofessionnelle

1- Principes

2- Préparation et suivi des négociations

2-1 La préparation des négociations

2-2 Evaluation et suivi de la mise en oeuvre des accords

3- Organisation matérielle des discussions paritaires/négociations

V- Adapter les règles du paritarisme de gestion au niveau national et interprofessionnel pour répondre aux nouveaux enjeux

1- Au regard du service rendu aux bénéficiaires

1-1 Accès aux droits

1-2 Clarification du sens de la mission et du service rendu

1-3 Evaluation et valorisation du service rendu

1-4 Principe de transparence de l’évaluation du service rendu

2- Au regard de la mise en place de règles de bonne gestion

2-1 Les équilibres de gestion financière et leur traitement par le conseil d’administration

2-2 Contrôle de la gestion par les partenaires sociaux

2-3 Financement du paritarisme de gestion par les organismes paritaires nationaux interprofessionnels

3- Au regard des règles de gouvernance

3-1 Articulation instances paritaires de gouvernance/direction générale au sein de l’organisme paritaire

3-2 Règles d’exercice du mandat

3-3 Formation des administrateurs et reconnaissance de leurs compétences

3-4 Moyens des administrateurs

3-5 Règles de fonctionnement des instances en distanciel

VI- Durée, règles de révision et de dénonciation

Exécutif, législatif, partenaires sociaux : à chacun ses compétences « dans l’intérêt général »

L’ambition des partenaires sociaux, en tant que représentants légitimes des salariés, d’une part, et des employeurs, d’autre part, est de « contribuer à la construction de l’intérêt général et du bien commun ». Cette contribution passe à la fois par :

  • « La capacité des acteurs à définir eux-mêmes des thèmes de négociation collective interprofessionnelle de manière autonome,
  • et par leur capacité à agir de manière concertée avec les pouvoirs publics. »

« Nonobstant le respect des prérogatives du législateur, la production des normes sociales est partagée entre l’État et les partenaires sociaux ; ils interviennent donc dans un domaine commun. »

Au Gouvernement de respecter l’article L.1 du Code du Travail

L’article L.1 du Code du Travail dispose ainsi que « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation ».

« Cet article confirme la capacité des partenaires sociaux à agir et à construire la norme sociale par la négociation collective, en amont des procédures législatives, lorsque le Gouvernement a décidé d’une réforme. La mise en œuvre de cet article n’a pas toujours conduit au développement de la capacité d’initiative des partenaires sociaux. Trop rares sont les négociations ayant effectivement fait l’objet d’une anticipation. »

« La loi Larcher du 30/01/2007 réserve toute sa place à la négociation : l’intervention de l’État dans les domaines précités ne doit pas préempter celle des partenaires sociaux, et doit intervenir après concertation systématique avec ces derniers, conformément aux recommandations pratiques formulées à l’article III- 2 du présent accord. »

Les domaines relevant de la négociation nationale interprofessionnelle

L’ANI définit les sujets traités par la négociation nationale interprofessionnelle et les domaines concernés par cet échelon de négociation. Il s’agit notamment :

  • des relations individuelles et collectives de travail,
  • de l’emploi,
  • de la formation professionnelle,
  • de la santé au travail,
  • de la protection sociale (y compris les revenus de remplacement qu’elle peut servir),
  • des dispositifs d’aide à l’accès au logement
  • des dispositifs de sécurisation des parcours professionnels.

« Mais, au gré des besoins, le dialogue social national interprofessionnel doit bien entendu pouvoir être élargi aux mutations économiques sociales et environnementales majeures qui transforment notre société, et ont un impact sur ces domaines. Plus fondamentalement, dans une période de transformations accélérées et inédites, les partenaires sociaux peuvent élargir son champ à tout sujet qu’ils décident de mettre à l’ordre du jour de l’agenda autonome, dès lors qu’il les concerne. »

Trois grandes catégories de production

Les productions de la négociation nationale interprofessionnelle peuvent être classées en « trois grandes catégories » :

  • Les productions dont la vocation est d’avoir des effets de droit ayant un caractère normatif, soit directement soit après transposition législative ;
  • La 2e catégorie recouvre les productions dont la vocation est davantage d’expliciter des positions des partenaires sociaux, lorsqu’il n’est pas nécessaire de générer des effets de droit  ;
  • La 3e catégorie recouvre les diverses productions qui portent sur des expérimentations ou des innovations sociales pouvant être qualifiées « d’impulsion », qui incitent les partenaires sociaux à s’emparer de sujets avec une visée prospective ou expérimentale.

La construction d’un agenda économique et social paritaire autonome

Afin de mettre en place les conditions d’un dialogue social « autonome et ambitieux », les organisations signataires conviennent d’instituer un espace de dialogue social (disposition inspirée d’une proposition de la CFTC qui, depuis plusieurs années préconise l’instauration d’un CPPDS/Comité paritaire permanent du dialogue social) permettant :

  • de faire, en temps réel des points de situation économique et sociale,
  • de confronter des points de vue,
  • d’anticiper un certain nombre de mutations ayant des conséquences notamment sur l’emploi et le travail,
  • de définir les chantiers ou négociations à ouvrir au niveau national interprofessionnel.

L’ANI du 14/04/2022 acte ainsi la formalisation de l’agenda économique et social autonome.

Cet espace de dialogue permet de déterminer :

  • La liste des chantiers à ouvrir, dans un cadre annuel ou pluriannuel, ainsi que le calendrier prévisionnel des discussions ;
  • La liste des accords/dispositifs devant faire l’objet d’une évaluation, ainsi que la nature de ces évaluations (externe, par les partenaires sociaux, en partenariat avec les pouvoirs publics…).

« Sur cette base, est élaboré paritairement un agenda économique et social autonome priorisant les chantiers à ouvrir, qui ne serait pas mécaniquement exclusif des chantiers du Gouvernement, et ce avant le 31/01 de chaque année. (…) Cet agenda pourra être adapté, en continu, au regard de l’actualité. »

Il est aussi chargé du suivi de la mise en œuvre de l’agenda social autonome et des accords conclus. Il doit notamment :

  • « Élaborer chaque année un bilan de l’ensemble des travaux conduits, des négociations engagées ou conclues au niveau national et interprofessionnel, bilan qui fera l’objet d’une transmission au Gouvernement (dans le cadre de l’article L.3 du Code du Travail) et à la représentation nationale.
  • Mettre en place un plan de valorisation des accords signés, en vue d’une meilleure appropriation par les branches professionnelles, les entreprises et les salariés. »

Un document d’orientation qui doit laisser « toute sa place à la négociation »

Les négociateurs de l’ANI « réaffirment très clairement que le document d’orientation du Gouvernement doit laisser toute sa place à la négociation ».

Si le Gouvernement est fondé à définir l’objectif politique qui est poursuivi, « il appartient aux partenaires sociaux de définir les voies et moyens permettant l’atteinte de ces objectifs, y compris en décidant d’aller au-delà du contenu du document d’orientation ». Le partenaires sociaux souhaitent que s’instaure une négociation entre eux et le Gouvernement, en amont de l’envoi du document d’orientation.

La déclaration par le Gouvernement de l’urgence sur un projet de réforme doit être définie et explicitée, et ne doit pas faire obstacle à une négociation entre les organisations de salariés et les organisations d’employeurs.

L’enjeu de la transposition d’un ANI par les pouvoirs publics

Les partenaires souhaitent « une transposition la plus fidèle des stipulations de leur ANI » dans la loi, lorsque le Gouvernement ou le législateur souhaite de transposer.

Pour une transposition fidèle de l’esprit de l’accord et de ses dispositions, les négociateurs de l’ANI du 14/04/2022 souhaitent « présenter et commenter ensemble l’accord conclu, tant auprès des services de l’État que des parlementaires ».

« Les éventuels écarts de transposition, à la lettre comme à l’esprit de l’accord, font l’objet d’un dialogue permettant d’échanger les arguments entre les organisations signataires et les pouvoirs exécutif et législatif. Des projets d’amendements communs pourront également être portés à la connaissance des parlementaires. »

Préparation et suivi des négociations 

La négociation sera « précédée d’une phase d’évaluation et de bilan, d’état des lieux, portant notamment sur l’analyse de l’environnement économique et social ».

Afin de renforcer l’expertise des travaux paritaires, « les partenaires sociaux pourront recourir à des analyses de bonnes pratiques (territoriales, sectorielles, nationales ou internationales), à des comparaisons européennes ou encore à des auditions et, si possible, selon les sujets, à des études d’impact (notamment sur les TPE-PME). Les modalités de recours à ces travaux seront définies paritairement ».

Ils pourront également prévoir, selon les besoins, « la mise en place de groupes de travail techniques, en fonction de certains des thèmes ».

« Les accords prévoiront des indicateurs de suivi, notamment relatifs aux TPE-PME, adaptés en fonction des objectifs poursuivis par l’accord, ainsi éventuellement qu’à certains publics spécifiques (par exemple jeunes, seniors…) le cas échéant, permettant ensuite de procéder à leur évaluation et de faciliter leur promotion, facteur de meilleure appropriation. »

Organisation matérielle des discussions paritaires/négociations

« La première séance de négociation est consacrée à l’organisation et aux conditions matérielles de la négociation. Dans ce cadre, un lieu de négociation est défini paritairement. »

« Lors de cette séance, sont établies la méthode permettant de cadrer le périmètre et les questions clés de la négociation. »

« Les projets de textes soumis à la négociation, rédigés après l’envoi des contributions volontaires des organisations, sont adressés à l’ensemble des délégations dans un délai raisonnable pour permettre à chaque délégation d’en prendre connaissance, avec un objectif d’envoi dans un délai minimal de 72 heures avant la séance. Les organisations veillent à la lisibilité et à la facilité d’appropriation des dispositions par les publics visés par le texte ainsi négocié. »

« Un calendrier prévisionnel des séances de négociation sera arrêté, et les horaires de négociation intègreront le respect de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. »

« Afin de favoriser les conditions de négociation d’un accord, les échanges tenus pendant la séance de négociation sont confidentiels. À cet effet, un principe de non-diffusion aux médias et aux réseaux sociaux des textes en cours de discussion, en amont de la séance de négociation, est également institué. Pour autant, chaque organisation reste libre de ses prises de parole publiques. »

Adapter les règles du paritarisme de gestion au niveau national et interprofessionnel

« Les organismes paritaires n’ont de sens que par le service qu’ils rendent, et par sa qualité. Il relève donc de la responsabilité des partenaires sociaux de s’assurer qu’il est pertinent, efficient, et conforme aux règles qui ont présidé à sa création. Il appartient à la gouvernance de chaque organisme paritaire de mener une évaluation du service rendu aux bénéficiaires et une mesure de cette satisfaction, dans les conditions qu’elle définira, sur la base des dispositions suivantes. »

Financement du paritarisme de gestion par les organismes paritaires nationaux interprofessionnels

« La loi du 05/03/2014 régit le financement mutualisé des OS Organisations syndicales et des OP Organisation patronale , par la création d’un fonds géré par une association paritaire, l’AGFPN Fonds paritaire national pour le financement du dialogue social .

Ce fonds paritaire est habilité à recevoir notamment toute ressource prévue par un accord collectif national interprofessionnel.

À ce titre, les organisations signataires de l’accord du 14/04/2022 demanderont aux négociateurs, à la prochaine négociation afférente à chacun des organismes paritaires nationaux interprofessionnels, de confier à l’AGFPN, au plus tard le 01/01/2026, la gestion des dotations aux organisations prévues au sein de chacun de ces organismes. Ces ressources ainsi affectées le seront au titre du 4° de l’article L.2135-10 du Code du Travail. La répartition de ces ressources par l’AGFPN et leur utilisation par les organisations bénéficiaires se réalisent dans le respect des règles définies au sein de chaque organisme. »

« Les organisations signataires du présent accord engageront des discussions avec l’AGFPN Fonds paritaire national pour le financement du dialogue social afin de définir les modalités techniques lui permettant d’assumer pleinement cette mission. »

Formation des administrateurs et reconnaissance de leurs compétences

« Les partenaires sociaux rappellent que si la formation technique des administrateurs est du ressort de chaque organisme paritaire, la désignation d’un administrateur et la formation politique associée est de la responsabilité de chaque organisation patronale et syndicale. »

La valorisation des compétences acquises par les mandataires dans le cadre de leur mandat de gestion paritaire est considérée comme « un enjeu majeur ».

« L’investissement des salariés ou des employeurs est fondamental pour la pérennité du paritarisme de gestion. Le niveau d’exigence des mandats conduit à développer des compétences qu’il convient de mieux valoriser. »

« La reconnaissance de ces compétences dans le cadre de la valorisation des acquis de l’expérience constitue un enjeu majeur. À cet effet, les conditions de cette reconnaissance seront examinées dans le cadre d’un groupe de travail paritaire visant à favoriser un accès plus systématique à la VAE Validation des Acquis de l’Expérience , facilité par des formations techniques diplômantes ou permettant une certification partielle. A cette fin, ces travaux s’articuleront utilement avec le groupe de travail piloté par la DGEFP Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle / Délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle sur la valorisation des parcours des élus et mandatés. L’ensemble des organisations signataires s’engagent à faire la promotion de ces dispositifs auprès des administrateurs comme de leurs mandants. »

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