Comment est née l’idée de ce Plan national d’actions ?

Térence Hamel : Nous partons d’un constat simple : le marché du travail évolue très vite et reste particulièrement tendu depuis trois ans. Dans ce contexte, renforcer la proximité avec les acteurs de l’emploi, et en premier lieu France Travail, est indispensable. D’autant que 85 % de nos intérimaires y sont inscrits. C’est un partenaire incontournable.

Le marché du travail reste tendu depuis trois ans »

Jusqu’ici, la collaboration existait mais reposait essentiellement sur les initiatives locales : chaque agence Adéquat travaillait avec son agence France Travail, avec des niveaux d’implication et des actions très variables selon les territoires. Tout dépendait de la volonté des uns et des autres.

Avec ce Plan national d’actions, validé le 12/11/2025, nous disposons enfin d’une feuille de route claire, commune et opérationnelle. Elle va nous permettre d’aligner l’ensemble du réseau et de déployer partout les mêmes priorités.

Parallèlement, nous allons renforcer le travail conjoint entre Adéquat et France Travail au niveau national sur les innovations technologiques. Nous sommes déjà sollicités comme bêtatesteurs et nous développons aussi des outils que nous souhaitons mettre à disposition de France Travail. Ce cadre partagé va permettre une accélération très nette du déploiement sur les territoires.

Lila Safraoui : Cette convention est une petite révolution pour France Travail. Le fait de réunir autour de la même table sept grandes enseignes du travail temporaire et du recrutement, et d’affirmer clairement la volonté de travailler avec nous en partenaires et non plus en concurrents, n’est pas anodin quand on connaît l’histoire de l’institution.

Tout repose sur une réalité simple : France Travail dispose des candidats, et nous avons les clients. Si nous n’avançons pas ensemble, les entreprises comme les demandeurs d’emploi perdent des chances. D’où l’intérêt évident de collaborer.

Quels sont les engagements du Plan national et quelles actions concrètes sont prévues ?

Térence Hamel : Le Plan national repose sur trois dispositifs clés que France Travail met à disposition de toutes les entreprises et sur lesquels il nous est demandé d’accélérer fortement. L’objectif est simple : permettre à tout candidat, quel que soit son parcours ou son niveau de qualification, de se rapprocher de l’entreprise et d’accéder à l’emploi.

• La MRS Méthode de recrutement par simulation (méthode de recrutement par simulation) : France Travail intervient directement dans l’entreprise pour analyser un poste de travail et identifier les aptitudes essentielles : dextérité, régularité, capacité à exécuter un geste technique, etc. L’idée est de créer des exercices simples, permettant d’évaluer ces aptitudes sans se baser sur le CV Curriculum vitae . Cela ouvre le recrutement à des profils qui n’auraient pas été retenus autrement. Une fois le test réussi, le candidat passe ensuite un entretien classique et peut poursuivre son parcours d’accès à l’emploi.
  
  
• L’immersion professionnelle : elle permet à une entreprise d’accueillir un candidat pendant quelques jours pour vérifier l’adéquation avec le poste et l’environnement de travail. Il s’agit d’un outil opérationnel : l’entreprise observe le candidat dans des conditions réelles et le candidat confirme ou non son intérêt pour le métier. Cela sécurise la décision d’embauche de part et d’autre.
  
  
• Les POEI Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (les préparations opérationnelles à l’emploi individuel)  : il s’agit de formations directement liées au poste à pourvoir. Elles peuvent être construites avec un organisme de formation pour intégrer un volet métier, un volet technique ou un module de sécurité, mais elles visent avant tout à rendre le candidat rapidement opérationnel.

Lila Safraoui : Ce sont des formations qui peuvent réellement changer des trajectoires. Concrètement, il s’agit de formations qualifiantes, ciblées sur des filières stratégiques et en forte tension, telles que l’industrie, l’aéronautique, ou encore certains métiers techniques. Elles ouvrent des perspectives de carrière exceptionnelles à des personnes qui, sans cet accompagnement conjoint de l’agence d’emploi et de France Travail, n’y auraient jamais eu accès.

C’est un volet majeur du partenariat, et nous souhaitons y investir fortement. Cela nous permet d’attirer des candidats intérimaires, de les fidéliser sur des postes à fort potentiel, bien rémunérés, et d’assurer une insertion durable dans l’emploi.

Térence Hamel : Au-delà des dispositifs opérationnels de France Travail, le partenariat porte également une ambition plus inclusive. C’est la raison pour laquelle Cheops, le réseau des Cap emploi Réseau d’organismes de placement spécialisés pour les demandeurs d’emploi en situation de handicap , est signataire de la convention. Les entreprises ont des obligations en matière d’emploi de personnes en situation de handicap. Travailler en coordination avec France Travail et Cheops nous permet de gagner un temps précieux dans la sensibilisation de nos clients à l’ensemble des sujets d’inclusion : handicaps, féminisation des métiers, recrutement de seniors, accès à l’emploi pour les jeunes, ou encore accompagnement des publics issus des QPV Quartiers prioritaires de la politique de la ville .

Ce partenariat nous donne les leviers permettant d’accélérer l’inclusion »

D’ailleurs, un acteur manquait autour de la table lors de la signature : les missions locales. Il faudra les intégrer lors du renouvellement de la convention, dans trois ans. De plus, si l’emploi des jeunes est central, des enjeux importants concernent aussi les seniors.

Ce partenariat nous donne accès à tous les leviers permettant d’accélérer l’inclusion, ce qui correspond parfaitement aux ambitions que nous nous sommes fixées en matière de responsabilité sociale. Nous voulons aller au-delà des attentes de nos clients et nous engager comme acteur des territoires.

Dans quelles filières en tension pensez-vous apporter le plus rapidement des solutions de recrutement ?

Lila Safraoui : Je suis actuellement à Toulouse, dans notre agence aéronautique, et ce secteur illustre parfaitement ce que j’évoquais auparavant. L’aéronautique recrute massivement, avec des besoins en compétences très spécialisées et des profils hautement qualifiés sur des métiers industriels précis.

Les besoins en recrutement sont aujourd’hui généralisés »

En octobre 2025, une opération ciblée a été menée avec France Travail Occitanie : une pièce de théâtre a été montée entre recruteurs et candidats pour favoriser la rencontre, avant de proposer des immersions, des formations et, in fine, des intégrations au sein des équipes de notre client Airbus. Voilà un exemple d’initiative qui permet de créer des passerelles concrètes vers l’emploi.

Si certains secteurs rencontrent davantage de difficultés, la réalité est que les besoins en recrutement sont aujourd’hui généralisés. Les enjeux d’attractivité et de fidélisation des intérimaires concernent absolument toutes les filières.

Térence Hamel : Effectivement, les besoins concernent toutes les filières, mais ils varient fortement selon les bassins d’emploi et selon l’évolution de notre portefeuille clients. En ce moment, nous accélérons notamment sur l’automobile. Dans le Nord, où se concentrent de nombreuses usines Stellantis, Renault ou Toyota, les actions autour de cette filière prennent logiquement davantage de poids.

Nous montons aussi en puissance sur le nucléaire, un secteur qui prévoit plusieurs centaines de milliers d’embauches dans les dix prochaines années. Impossible d’ignorer cette dynamique. France Travail en a pleinement conscience, tout comme les conseils régionaux avec lesquels nous collaborons. Pour relever ces défis, il faut mettre tout le monde autour de la table : identifier les enjeux de la filière, se fixer des ambitions communes, repérer les compétences avec France Travail et mobiliser ensuite les moyens régionaux de formation pour accompagner la montée en compétences des candidats. Les besoins qui arrivent sont colossaux.

Nous travaillons également sur des logiques clients très ancrées territorialement. Je peux citer l’exemple d’Ancenis, dans les Pays de la Loire. Ce n’est pas une grande ville, mais c’est là qu’un important employeur fabrique l’ensemble de ses chariots et engins de manutention. Nous y accompagnons près de 500 intérimaires.

Dans un bassin où le chômage est à 4 %, répondre aux besoins de l’entreprise (notamment en soudeurs) est un défi majeur, d’autant que les profils qualifiés n’existent pas localement. Notre rôle est précisément d’être ce trait d’union : identifier des candidats qui ont les aptitudes, mobiliser France Travail et les organismes de formation, et construire des parcours permettant de les faire monter en compétences pour répondre aux besoins immédiats du marché.

Lila Safraoui : Au niveau national, France Travail s’appuie sur un système de chefs de file régionaux, chacun étant responsable d’une filière stratégique sur laquelle il dispose d’une expertise reconnue. Par exemple, l’Occitanie pilote l’aéronautique, tandis que l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Normandie portent la filière nucléaire.

L’objectif est de croiser de manière matricielle les secteurs et les territoires : ces régions référentes entraînent l’ensemble du réseau pour structurer, harmoniser et développer conjointement les dispositifs de formation et de recrutement nécessaires aux filières d’avenir.

Quelles actions immédiates allez-vous déployer pour renforcer les synergies locales ?

Térence Hamel : Nous avions anticipé la signature de ce Plan d’action national. Concrètement, l’ensemble de nos directeurs de région ont déjà rencontré leurs homologues de France Travail et sont dans les starting-blocks. Chacun a identifié des projets sur lesquels il souhaite s’engager.

Ce que nous voulons, c’est de la réalisation concrète »

Mais les enjeux ne seront jamais les mêmes d’un territoire à l’autre. Le défi, désormais, est de croiser nos expertises. Nous apportons la connaissance fine des entreprises et des bassins d’emploi, et France Travail apporte la connaissance des candidats, qui est une donnée absolument capitale. En combinant ces deux visions, on pourra passer d’une convention symbolique à une coopération réellement opérationnelle.

Ce que nous voulons, c’est de la réalisation concrète. Par exemple, lorsqu’on parle d’un plan automobile dans l’Est, pour un site Renault, il faut pouvoir montrer comment l’accélération sur la MRS, la mise en place de parcours de formation ou encore la féminisation des postes ont produit des résultats tangibles. Ce niveau de détail compte : tant qu’on en reste à dire « il faut mieux travailler ensemble », cela n’a pas d’impact.

Notre objectif est désormais clair : recenser région par région les projets opérationnels en cours, ceux sur lesquels nous savons déjà que nous avons un impact direct sur l’emploi.