« Nous vivons une période de transformations profondes et simultanées » (Guillaume Pernoud, Excelia)
« Les mutations technologiques, sociales, environnementales ou éthiques ont un impact direct sur les managers, et exigent d’eux de nouvelles compétences. C’est ce constat qui a nourri ma réflexion et m’a conduit à entreprendre une thèse à l’université Paris Panthéon-Assas entre 2021 et 2024, avant de rejoindre Excelia
• Groupe d’enseignement supérieur• Création : 1988, sous le nom de Groupe Sup de Co de La Rochelle• Missions : dispenser des programmes de formation initiale, apporter sa contribution au…
pour me consacrer à l’enseignement et la formation continue. Nous vivons une période de transformations profondes et simultanées. Sur le plan technologique, la révolution numérique ne cesse de s’accélérer : à peine une innovation se stabilise qu’une autre, aujourd’hui l’intelligence artificielle, vient tout rebattre. À cela s’ajoutent des transformations sociales autour de l’inclusion, de l’égalité, de l’éthique, mais aussi une urgence environnementale sans précédent », déclare Guillaume Pernoud
Directeur Executive Education et enseignant-chercheur @ Excelia Business School
, directeur de l’Executive education et de la formation continue et enseignant-chercheur d’Excelia, à News Tank le 14/10/2025.
« De nos jours, les changements sont parallèles, permanents. Cela crée un environnement mouvant, parfois déroutant, dans lequel les managers doivent apprendre à naviguer. Les modèles de compétences managériales utilisés dans les entreprises ont été conçus pour un monde stable. Historiquement, ils définissent les compétences à partir de variables internes : communication, organisation, motivation, collaboration. J’ai voulu déplacer le regard. Plutôt que de se concentrer sur la mécanique interne, il faut désormais s’intéresser à la capacité du manager à réagir aux transformations extérieures et à les faire porter par ses équipes. »
« C’est un véritable changement de paradigme : on passe d’une approche centripète (tournée vers l’intérieur) à une approche centrifuge (ouverte vers l’extérieur). Depuis les années 1980, on est passé des hard skills aux soft skills. Cela a permis de mieux faire. Mais le monde actuel ne demande plus seulement de “mieux faire”, il demande de “faire autrement”. Les hard et soft skills ont permis de huiler les rouages internes de l’organisation ; les adaptive skills permettent d’affronter ce qui vient de l’extérieur. Elles préparent les managers à l’imprévisible en continu. »
Quelle réflexion avez-vous menée pour repenser les compétences managériales face à ces transformations externes ?
Pour comprendre ces bouleversements, j’ai dressé un inventaire des grands facteurs de transformation, que j’appelle les « game changers ». J’en ai identifié dix-huit, répartis en trois grandes familles.
La première regroupe les game changers technologiques : l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la révolution numérique… Ces innovations transforment en profondeur le rapport au réel, nous plaçant dans un monde “hybride”, à la fois physique et virtuel.
La deuxième famille rassemble les game changers situationnels : ils renvoient à un contexte globalisé, complexe, où l’incertitude laisse place à l’imprévisibilité. Les entreprises évoluent dans un monde où la responsabilité sociale et l’urgence climatique deviennent des impératifs structurants.
Enfin, il y a les game changers socio-culturels. Ils touchent à la diversité, à l’inclusion, au vieillissement de la population active, à la coexistence de plusieurs générations au travail, mais aussi à la quête de sens et à la recherche d’autonomie des individus.
Quelles conclusions avez-vous tirées de vos analyses ?
En analysant une dizaine de modèles de compétences managériales, anciens et récents, j’ai constaté qu’aucun n’avait été pensé pour synchroniser les managers avec ces transformations externes. Ils visaient avant tout à améliorer la performance interne. Or, pour préserver la performance de demain, il faut désormais des compétences réactives à l’environnement, capables d’aider les managers à décider dans un monde incertain.
La clé de cette compétence d’adaptation, c’est son orientation qui repose sur le fait que ces compétences sont exclusivement tournées vers l’extérieur. Leur objectif est d’offrir une lecture des transformations à l’extérieur de l’entreprise et d’entrer en interaction avec le monde qui l’entoure. Cela signifie qu’elles sont appelées à évoluer en permanence.
Les hard skills et soft skills restent indispensables »C’est donc un référentiel vivant, qui évolue au gré de l’entreprise et de la société. Il doit être revu, entretenu et amendé régulièrement. Certains game changers que j’ai identifiés comme durables se révéleront peut-être moins structurants que prévu, tandis que d’autres transformations émergeront, appelant à de nouvelles compétences d’adaptation.
On ne parle pas de remplacement, mais bien de complémentarité : les hard skills et soft skills restent indispensables, mais il faut désormais leur adjoindre un troisième bloc de compétences, spécifiquement tourné vers l’extérieur. C’est un changement d’orientation. Car ce qui manquait jusqu’ici, c’était une focalisation globale et intentionnelle sur l’environnement externe, dont le décryptage en continu devient crucial.
Le terme de « compétences d’adaptation » existait-il déjà avant que vous développiez ce référentiel ?
J’ai commencé par poser les termes « compétences d’adaptation », qui existaient déjà mais pas dans le champ du management et des sciences de gestion. On y retrouve plutôt des notions autour de l’adaptabilité, mais c’est une autre dimension plus restreinte. Les termes « compétences d’adaptation » existent dans le domaine médical. C’est utilisé pour parler des personnes en situation de handicap, privées d’un membre ou d’un sens. On parle alors de compétences d’adaptation pour désigner la manière dont ces personnes développent de nouvelles aptitudes pour pallier leur handicap.
Réorienter la définition des compétences vers l’extérieur de l’entreprise »Le parallèle est intéressant car, d’une certaine manière, le manager qui ne développe pas de compétences d’adaptation se retrouve lui aussi « handicapé » dans sa fonction, compte tenu de la force et de la multiplicité des transformations dans l’environnement de l’entreprise. Ce rapprochement m’a semblé très juste.
Mon objectif, c’est de diffuser cette idée simple : réorienter la définition des compétences vers l’extérieur de l’entreprise. Ce travail a été très bien accueilli chez Excelia, où je suis depuis un an. Il a même été intégré dans le plan stratégique 2025-2030 de l’école, dont la signature est “Intelligences for our Futures”. Cela traduit bien notre conviction qu’il existe plusieurs futurs possibles, et qu’il faut préparer les étudiants à y faire face. Concrètement, nous allons intégrer certaines compétences d’adaptation dans les maquettes pédagogiques, pour mieux préparer les managers de demain.
Comment le rôle du manager doit-il évoluer ?
La ligne managériale est absolument essentielle, et il faut la revaloriser, lui redonner du sens et des moyens. Si le manager est armé de bonnes compétences, celui-ci ainsi que les entreprises fonctionneront mieux. Pour illustrer cette idée, j’ai identifié plusieurs binômes de compétences d’adaptation :
- Pensée prospective et pilotage flex-agile : c’est la capacité à imaginer des futurs possibles, à détecter les signaux faibles, à apprendre en marchant, à ajuster sa trajectoire sans perdre de vue la direction. C’est une logique d’adaptation permanente.
- Facilitateur technologique et régulateur de la décision IA : il s’agit de comprendre les impacts des technologies sur l’organisation, d’accompagner les équipes dans leur usage, tout en garantissant un équilibre entre la décision humaine et la décision algorithmique.
- Catalyseur d’inclusion et animateur multigénérationnel : cela renvoie à la capacité à créer du lien dans des équipes de plus en plus hétérogènes, à valoriser les différences, à encourager la transmission entre générations.
- Promoteur éthique et créateur de sens : c’est sans doute le binôme le plus transversal. Il s’agit de savoir incarner les valeurs de l’entreprise, de les traduire en actions concrètes, et de donner du sens collectif au travail.
Comment valoriser ces nouvelles compétences ?
Il faut d’abord s’adresser aux directions des ressources humaines, car ce sont elles qui gèrent les référentiels de compétences. Il faut les inciter à ajouter ce bloc de compétences d’adaptation dans leurs référentiels internes, à côté des compétences techniques et relationnelles.
Il faut s’adresser directement aux managers »Ensuite, il faut aussi s’adresser directement aux managers eux-mêmes, car l’enjeu est de leur donner envie de s’approprier ces nouvelles compétences. Mais évidemment, cela ne peut pas se décréter. On ne devient pas “facilitateur technologique” ou “catalyseur d’inclusion” du jour au lendemain. Il faut du temps, de l’accompagnement, et surtout de la formation.
La formation continue est un levier particulièrement intéressant. Elle permet aux managers de se ressourcer, prendre du recul, partager leurs expériences avec d’autres, et s’outiller concrètement. En France, nous avons la chance d’avoir un système qui encourage cela : les managers peuvent même utiliser leur CPF Compte Personnel de Formation pour se former à leur initiative. C’est dans ce sens que le département formation continue d’Excelia accompagne les salariés dans leur montée en compétences en leur donnant les clés pour s’inscrire dans les futurs pluriels.
Guillaume Pernoud
Directeur Executive Education et enseignant-chercheur @ Excelia Business School
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Parcours
Directeur Executive Education et enseignant-chercheur
Senior VP département des RH
DG
Directeur associé
Directeur du développement
Établissement & diplôme
Doctorat en sciences du management
Master en marketing
Fiche n° 55095, créée le 14/10/2025 à 16:07 - MàJ le 14/10/2025 à 16:13
Excelia
• Groupe d’enseignement supérieur
• Création : 1988, sous le nom de Groupe Sup de Co de La Rochelle
• Missions : dispenser des programmes de formation initiale, apporter sa contribution au développement des connaissances et à leur diffusion auprès du monde académique et professionnel, contribuer au rayonnement national et international de son territoire
• Implantations : La Rochelle, Tours, Paris, Orléans
• Étudiants : 6 800
• Président : Stéphane Cohat
• Directeur général : Bruno Neil
• Directrice des ressources humaines et de la transformation : Laura Zdroui
• Contact : Cathy Clément, GAIA Communication
• Tél. : 01 30 82 66 65 - 06 28 41 17 16
Catégorie : Enseignement Supérieur
Adresse du siège
102 rue de Coureilles
17024 La Rochelle Cedex 1 France
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Fiche n° 9765, créée le 30/03/2020 à 10:32 - MàJ le 14/10/2025 à 16:18

