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« Des besoins de recrutement massifs dans l’industrie aéronautique et spatiale » (P. Dujaric, Gifas)

News Tank RH - Paris - Interview n°403131 - Publié le
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©  D.R.
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« Les besoins de recrutement sont aujourd’hui massifs dans l’industrie aéronautique et spatiale. Le secteur connaît une reprise très dynamique depuis 2022, avec une forte hausse du trafic aérien et des commandes, aussi bien dans le civil que dans le militaire. Pour accompagner cette croissance, il faut renforcer l’attractivité de nos métiers et chercher de nouveaux talents, partout en France. Au total, pour l’ensemble de la filière (civil et défense), nous estimons à 25 000 les recrutements prévus en 2025. C’était 29 000 en 2024. Nous sommes sur une dynamique qui pourrait même dépasser les prévisions », déclare Philippe Dujaric Directeur des affaires sociales et de la formation @ Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)
, directeur des Affaires sociales et de la formation du Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales • Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales• Création : 1908• Mission : - représenter l’ensemble des acteurs du secteur auprès des instances nationales, européennes ou… ), à News Tank le 25/06/2025.

« Le Gifas, la Fédération des Industries Aéronautiques et Spatiales, porte cette mobilisation. En tant que syndicat professionnel, nous représentons 500 entreprises, soit la grande majorité de la filière, qui emploie environ 220 000 personnes sur le territoire. »

« L’un de nos grands objectifs est d’accroître l’attractivité de la filière auprès des jeunes, et en particulier des jeunes filles. Nous constatons un fort déséquilibre : dans les écoles d’ingénieurs de la filière, les femmes ne représentent que 20 % des effectifs. C’est encore plus préoccupant dans les filières techniques. Dans les BUT (bachelors universitaires de technologie), notamment en mesures physiques ou en mécanique, les taux de présence féminine sont très faibles. L’autre priorité est de mettre en lumière la diversité qui caractérise la filière : trop souvent, ce secteur est perçu comme réservé aux ingénieurs, et plus encore aux ingénieurs masculins. Or, ces profils sont indispensables, mais ils ne représentent qu’une partie des besoins », indique Philippe Dujaric.


Quels leviers avez-vous activés pour répondre aux tensions de recrutement dans la filière aéronautique, notamment à l’occasion du Salon du Bourget 2025 ?

Après le Covid, le trafic aérien est reparti très rapidement à la hausse, mais les candidats manquaient à l’appel. L’Aéro Recrute, notre campagne nationale, vise à faire connaître les métiers de la filière, valoriser les parcours de formation et répondre aux tensions du marché en mobilisant un large vivier de candidats, qu’ils soient jeunes en orientation, demandeurs d’emploi ou personnes en reconversion.

Le Salon du Bourget 2025 a constitué un moment clé de ce dispositif : 150 entreprises participantes ont passé le relais de leurs équipes commerciales aux équipes RH, qui étaient présentes pour accueillir les candidats. Avec France Travail • Établissement public à caractère administratif chargé de l’emploi en France (a remplacé Pôle emploi le 01/01/2024)• Missions :- Accueillir et accompagner toutes les personnes - qu’elles soient ou… , nous avons mobilisé des centaines de demandeurs d’emploi, informés et accompagnés pour qu’ils puissent rencontrer directement les entreprises sur place.

L’attractivité du secteur est plus marquée chez les garçons que chez les filles »

En parallèle, nous organisions l’Avion des Métiers, une exposition dédiée non pas au recrutement immédiat, mais à l’orientation. Une vingtaine de professions (techniciens, ingénieurs, etc.) étaient représentées, avec des démonstrations faites par des professionnels. C’est une initiative qui s’adresse principalement aux collégiens et lycéens, pour leur donner envie, dès le plus jeune âge, de rejoindre notre secteur. Nous mettons aussi en avant les formations qui permettent d’accéder à ces métiers : écoles d’ingénieurs, centres d’apprentissage…

Toutes les études le confirment : l’aéronautique reste un secteur attractif. Cette attractivité est toutefois plus marquée chez les garçons que chez les filles, ce qui constitue pour nous un sujet d’attention. Nous avons donc lancé une grande opération de sensibilisation autour des femmes dans l’aéronautique et le spatial.

Le Salon du Bourget est une plateforme essentielle pour communiquer vers le grand public, valoriser nos métiers, nos formations et nos opportunités d’emploi.

Quels sont les besoins de recrutement dans la filière aéronautique en 2025, tant pour le secteur civil que pour le secteur de la défense ?

Les deux secteurs recrutent, mais avec des volumes différents. Dans le chiffre d’affaires global des entreprises adhérentes au Gifas, la part du civil est largement majoritaire, représentant environ 70 à 75 %, contre 25 à 30 % pour le militaire. Cela dit, la filière défense est en croissance et va continuer à se développer. Les besoins de recrutement y sont donc également en hausse.

Nous estimons à 25 000 les recrutements prévus en 2025 »

Il est parfois difficile de distinguer clairement les recrutements civil et militaire, car les mêmes ingénieurs ou techniciens peuvent travailler sur des systèmes ou des pièces utilisés dans les deux domaines. On peut néanmoins citer des entreprises comme Dassault ou les membres de la Rafale Team (Dassault, Safran, MBDA, Thales), qui recrutent chaque année par milliers.

Au total, pour l’ensemble de la filière (civil et défense), nous estimons à 25 000 les recrutements prévus en 2025. C’était 29 000 en 2024. Nous sommes sur une dynamique qui pourrait même dépasser les prévisions. Les profils recherchés sont variés, avec une forte demande pour les opérateurs et techniciens. Environ 30 % des recrutements concernent des niveaux bac à bac +2. Il s’agit d’ajusteurs, d’électriciens-câbleurs, de responsables de centres d’usinage, de peintres, de soudeurs, etc.

Qu’en est-il la diversité et l’ancrage territorial de la filière aéronautique en France ?

Il est essentiel de dépasser les représentations géographiques trop étroites. L’aéronautique ne se limite pas à Toulouse. En Normandie, par exemple, il y a actuellement 2 000 recrutements en cours, tout comme dans les Hauts-de-France.

Il faut aussi souligner l’importance de notre tissu industriel : derrière les grands noms, il y a tout un réseau de PME, d’ETI, de sous-traitants. La filière est fortement implantée en France. Dans le militaire, par exemple, le programme Rafale est 100 % français. Et même pour les programmes civils, qui sont européens comme ceux d’Airbus, nous fabriquons beaucoup en France.

Nous disposons du tissu industriel le plus dense d’Europe pour l’aéronautique et le spatial, juste derrière les États-Unis.

Quels sont les principaux freins à la féminisation des métiers techniques dans l’aéronautique, et comment y remédier ?

Dans notre périmètre industriel, les femmes représentent actuellement 27 % des effectifs. C’est le résultat d’une progression régulière : il y a une dizaine d’années, nous étions autour de 20 à 22 %. Surtout, il nous sera difficile de progresser sans une augmentation de la part des jeunes femmes dans les filières STEM (sciences, technologies, ingénierie, mathématiques). Ces filières devront compter, à terme au moins 40 à 45 % de femmes.

Il faut que la féminisation se fasse dans les métiers techniques »

La majorité de nos recrutements, environ 80 %, concerne des profils techniques. Nous ne pouvons pas féminiser la filière uniquement à travers les fonctions support comme les RH, la finance ou la gestion. Ce n’est ni suffisant, ni souhaitable. Il faut que la féminisation se fasse dans les métiers techniques. Il faut être lucide : changer les choses prend du temps. On ne renversera pas la tendance en un ou deux ans.

L’un des leviers essentiels est de commencer dès le collège et le lycée. Nous encourageons nos centres de formation à organiser des portes ouvertes, à intervenir dans les établissements scolaires, pour inciter les jeunes filles à s’intéresser à ces filières.

Le turnover est faible dans notre secteur »

Les écoles d’ingénieurs sont également mobilisées, à travers divers programmes ou des actions de sensibilisation. Il s’agit de déconstruire l’idée selon laquelle ce ne serait pas « normal » pour une fille de s’intéresser à ces métiers. Alors qu’à l’inverse, personne ne trouve étonnant qu’un garçon veuille faire de l’aéronautique.

Cela s’explique aussi par la structure même de notre secteur. Le turnover y est faible : une fois qu’une personne est embauchée, elle reste. C’est un secteur où les compétences s’acquièrent sur la durée, avec une forte courbe d’apprentissage et où les collaborateurs sont très fidèles.

Est-ce qu’il existe aujourd’hui des métiers en particulier pour lesquels les besoins sont plus criants dans la filière aéronautique ?

Nous avons plusieurs métiers très spécifiques à l’industrie aéronautique et spatiale, pour lesquels les besoins sont importants. Par exemple, l’ajusteur-monteur, celui qui pose les rivets et participe à l’assemblage des systèmes d’un avion. Il y a aussi l’intégrateur cabine, qui aménage l’intérieur de l’appareil, les sièges, les modules, ou encore l’électricien-câbleur, qui s’occupe de l’ensemble du câblage, avec parfois des kilomètres de câbles à intégrer. Le peintre aéronautique est un autre profil très recherché.

Ces métiers nécessitent des formations professionnelles spécifiques »

Tous ces métiers sont en tension. Parce qu’ils nécessitent des formations professionnelles spécifiques, et que la société française a sans doute trop longtemps survalorisé les filières académiques au détriment de la voie professionnelle. Pourtant, un bon bac pro peut suffire à entrer dans ces métiers.

Nous sommes même capables de reconvertir des personnes sans formation industrielle initiale, grâce à des certificats de qualification que l’on peut obtenir en quelques mois avec l’appui de France Travail ou via des agences d’intérim spécialisées.

Nous pouvons reconvertir des personnes sans formation industrielle initiale »

Il faut comprendre que la formation ne s’arrête pas à la certification. Une fois en poste, les nouveaux arrivants sont encore en tutorat pendant un à dix-huit mois. Cette phase de montée en compétences est longue, mais indispensable, car on ne peut pas être autonome immédiatement. Le problème, c’est que ces métiers ne sont pas suffisamment connus ou valorisés. Ils « brillent » moins qu’un poste d’ingénieur ou de pilote, et c’est dommage, car ils sont tout aussi essentiels.

Nous avons payé en France le recul de l’industrie, avec des délocalisations »

Nous avons aussi sans doute payé en France le recul de l’industrie pendant plusieurs années, avec des délocalisations et une perte d’attractivité. Cela évolue. Depuis le Covid, et même un peu avant, nous sentons un retour d’intérêt pour l’industrie, y compris au niveau politique.

Nous entendons à nouveau parler de souveraineté industrielle. L’Europe, les États-Unis, tout le monde cherche à préserver une capacité de production nationale, et l’aéronautique spatiale s’inscrit pleinement dans cet enjeu. D’autant plus avec sa dimension militaire, mais même au-delà, c’est une question stratégique. Cela vaut aussi pour d’autres secteurs : le nucléaire, le ferroviaire, l’automobile. Tous sont concernés par cette nécessité de conserver une base industrielle solide sur le territoire.

Les reconversions professionnelles sont-elles fréquentes dans votre secteur ?

Il y a des reconversions professionnelles dans notre secteur et elles sont nécessaires. On ne pourrait tout simplement pas répondre aux besoins de recrutement uniquement avec les jeunes issus des filières industrielles ou techniques. Ce n’est pas suffisant.

Nous misons donc aussi sur les demandeurs d’emploi en reconversion. Ce ne sont pas des milliers chaque année, mais ce sont des parcours qui réussissent bien. Ces profils ont souvent de la maturité, un vécu professionnel, parfois même des expériences difficiles qui les rendent plus résilients.

Nous observons notamment des reconversions venant de secteurs comme le commerce de détail, qui traverse aujourd’hui des difficultés. Ce secteur est par ailleurs très féminisé, ce qui peut aussi contribuer, indirectement, à notre objectif de diversification.

Le secteur de l’industrie aéronautique et spatiale a-t-il recours à l’apprentissage ?

Nous misons fortement sur l’alternance, et plus particulièrement sur l’apprentissage, qui est bien plus développé chez nous que les contrats de professionnalisation. Cette année, nous prévoyons 6 000 embauches d’apprentis. En 2024, nous avons déjà augmenté le nombre d’apprentis de près de 10 %, atteignant un total de 11 000 à 12 000 apprentis, soit un peu plus de 5 % des effectifs. Cela nous place légèrement au-dessus de la moyenne de l’industrie française, qui, il faut le souligner, a dans son ensemble renoué avec l’apprentissage ces dernières années.

Nous avons beaucoup d’apprentis à des niveaux supérieurs »

Notre spécificité dans la filière aéronautique et spatiale, c’est que nous avons beaucoup d’apprentis à des niveaux supérieurs, en école d’ingénieurs notamment. L’autre moitié se situe dans les parcours plus « classiques » de l’enseignement scolaire, jusqu’au bac professionnel, bac +2 ou BTS. Concernant le taux de transformation, c’est-à-dire le passage à l’emploi après l’apprentissage, il est bon. Les jeunes restent dans la filière, même s’ils ne sont pas forcément embauchés dans l’entreprise où ils ont effectué leur contrat. L’apprentissage est avant tout une formation professionnalisante, qui permet de découvrir un métier, un secteur d’activité et une organisation. Ensuite, le jeune peut poursuivre dans une autre entreprise de la filière, ou même dans un autre secteur industriel.

Il faut élargir le vivier et former plus de jeunes aux fondamentaux techniques »

Nous-mêmes, dans l’aéronautique, nous recrutons des jeunes formés ailleurs, à partir du moment où ils ont des socles de compétences techniques transférables. Entre le ferroviaire, le naval, l’aéronautique ou même le spatial, les profils recherchés se ressemblent souvent. Certes, il existe des spécialisations : un soudeur nucléaire ne sera pas immédiatement opérationnel en soudure aéronautique, car les matériaux, les contraintes et les techniques diffèrent. Et c’est encore autre chose pour les soudeurs de sous-marins. Mais la base reste commune. L’essentiel, c’est donc d’élargir le vivier, de former plus de jeunes aux fondamentaux techniques. Ensuite, ce sont les besoins du marché et les choix des jeunes qui déterminent les parcours.

Philippe Dujaric


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Parcours

Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)
Directeur des affaires sociales et de la formation
Espace Orientation Airemploi et Trésorier de l’association Hanvol
Vice-président
Société Aérospatiale
Responsable études sociales
AFMAE (CFA Des Métiers De L’Aérien)
Vice-président
Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)
Directeur adjoint des affaires sociales et de la formation

Établissement & diplôme

IEP Paris
DESS Ressources Humaines
Science Po Paris
Diplôme

Fiche n° 54350, créée le 25/06/2025 à 12:52 - MàJ le 25/06/2025 à 14:24

Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)

Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales
• Création : 1908
• Mission :
- représenter l’ensemble des acteurs du secteur auprès des instances nationales, européennes ou internationales, publiques ou privées ;
- contribuer à la structuration, à la cohérence et à la solidarité de la filière aéronautique et spatiale française
Événement : Tous les deux ans, le Gifas organise le Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace de Paris-Le Bourget, première manifestation mondiale du genre.
Composition : Plus de 500 entreprises
Effectif salariés du secteur (2025) : 220 000 salariés
Président : Guillaume Faury
Directeur Affaires Sociales et Formation : Philippe Dujaric
Contact : Christophe Robin, directeur de la communication
Tél. 01 44 43 17 50 / Mobile : 06 07 51 86 23


Catégorie : Syndicats Patronaux


Adresse du siège

8 rue Galilée
75116 Paris France


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Fiche n° 13408, créée le 29/04/2022 à 10:57 - MàJ le 25/06/2025 à 14:53