Demandez votre abonnement gratuit d'un mois !

L’abonnement à News Tank RH est payant, merci de respecter la propriété intellectuelle et de ne pas transférer cet article sans autorisation préalable de News Tank RH.

« Seniors : l’expérience pour apprendre » (Benoît Serre, ANDRH)

News Tank RH - Paris - Analyse n°397669 - Publié le
- +

Il y a quelques jours, une nouvelle initiative en faveur de l’emploi des plus expérimentés a vu le jour sous l’impulsion de la Ministre du Travail et en association avec les principaux acteurs publics et associatifs de l’emploi en France. C’est une bonne chose et chacun ne peut qu’espérer que cela contribue à mettre fin à ce scandale français, et même à cette absurdité économique, sociale et budgétaire. Reconnaissons qu’il aura fallu du temps pour qu’enfin, ce qui est connu et reconnu comme l’une des principales discriminations à l’embauche soit reconnu : l’âge.

Une analyse de Benoît Serre Partner & director HR - People strategy @ Boston Consulting Group (BCG) • Vice-président puis vice-président national délégué @ Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
pour News Tank.


Le problème principal qui demeure est celui de l’embauche des seniors

Il y a certes des raisons historiques à cette situation, à commencer par nos 40 ans de chômage de masse qui ont fini par nous faire croire qu’il était normal qu’à partir de 50 ans, conserver un emploi soit une chance et non un droit. Il est vrai aussi que les discours sur le travail depuis les années 90 ont trop souvent porté sur ses défauts plus que sur ses qualités. Et pourtant, même si chaque personne expérimentée a une histoire particulière, un rapport à son travail qui lui est personnel, nous ne pouvons pas rester durablement dans une société qui tarde à intégrer les jeunes dans le travail et accélère le départ des plus expérimentés de ce même marché. Le rapport de l’Unédic le régime d’Assurance chômage créé en 1958 par les partenaires sociaux tord enfin le coup à cet âge fatidique de 45 ans qui, une fois atteint, faisait de chacun un senior. C’est à partir de 56 ans que l’accès ou le maintien en emploi devient réellement problématique. Et pourtant à cet âge, nombreux sont celles et ceux qui ont encore de nombreuses années à travailler.

C’est à partir de 56 ans que l’accès ou le maintien en emploi devient réellement problématique »

Les entreprises, et pas uniquement les plus grandes, ont certes appris à mieux gérer leurs collaborateurs dans le temps comme le montre l’amélioration continue des chiffres depuis ces dernières années. Le problème principal qui demeure est celui de leur embauche. Bientôt, l’accord national interprofessionnel sera transcrit dans la loi, avec notamment la mise en œuvre expérimentale du contrat de valorisation de l’expérience, l’élargissement des modalités de retraite progressive et la simplification du cumul emploi retraite. Gageons que cela constitue des avancées qui nous permettront au moins d’apparaître dans la moyenne européenne pour le taux d’activité des plus expérimentés. Soyons tout aussi lucides sur le fait que cela ne suffira pas.

Certes, la démographie va nous aider également et même si cette réalité ne peut être considérée comme positive sur le long terme, elle pourrait au moins améliorer à court terme les possibilités de maintien dans l’emploi et de recrutement des classes d’âge. Pour autant, ne compter que sur cela serait aussi dangereux que naïf. L’enjeu central du travail pour et à tous les âges est celui de l’employabilité continue.

Le nouvel enjeu central pour l’emploi des seniors, comme de tous les autres, est la compétence

Compenser par notre excellence notre coût du travail dont chacun sait qu’il demeure un critère d’implantation et de développement »

Nous sommes confrontés à une crise potentielle de la compétence en raison des transformations économiques, géopolitiques et technologiques comme nous n’en avons pas eu depuis longtemps. Nous sommes face à une remise en cause profonde des modèles classiques d’organisation du travail non seulement en raison des innovations mais aussi et peut-être surtout des attentes désormais clairement exprimées d’un nouveau rapport au travail comme à l’entreprise. Cela constitue une chance extraordinaire plus qu’une inquiétude. Le simple fait de voir et d’entendre de nouvelles exigences dans le rapport au travail et même pour le travail lui-même démontre l’importance positive qu’il recouvre.

Malgré cela, nous devons prendre conscience que le nouvel enjeu central pour l’emploi des seniors, comme de tous les autres, est la compétence. L’époque est à la remise en question des métiers, non seulement dans leur organisation, mais aussi dans la composition de leurs tâches et de leur localisation. La mondialisation des compétences est en marche, et cela concerne parfois les métiers les plus qualifiés. Cet enjeu de compétences concerne tout le monde dans la plupart des pays. C’est donc une occasion de compenser par notre excellence notre coût du travail dont chacun sait qu’il demeure un critère d’implantation et de développement. Ce défi des nouveaux métiers et des tâches repensées concerne tous les âges et c’est là sans doute que la valeur de l’expérience va prendre tout son poids.

Accuser les plus expérimentés de manquer d’agilité est absurde

Il est indispensable que France Travail poursuive et amplifie encore son traitement spécifique des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans »

Depuis trois décennies, les salariés se sont adaptés à la robotisation, à la digitalisation et maintenant au numérique et à l’IA Intelligence artificielle . Ils ont appris à apprendre - compétence la plus essentielle selon une étude de Harvard en 2023. Qui a appris le plus ? Qui a le plus remis en cause ses schémas et ses connaissances depuis 30 ans ? Celles et ceux qui travaillent depuis 30 ans évidemment. Leur capacité à apprendre n’est plus à démontrer, ils ne font que cela depuis des années. Les expérimentés vivent et traversent les transformations, le plus souvent dans des périodes de crise aiguës. C’est une force qui est la leur et un modèle à suivre pour les plus jeunes qui doivent démontrer leur adaptabilité. Accuser les plus expérimentés de ne pas avoir cette agilité est absurde au regard de leur vie professionnelle depuis les années 80.

Par ailleurs, le rapport de l’Unédic montre que leur mobilité géographique est sans doute plus faible, ce qui est assez logique. Il est donc urgent d’avoir une approche par bassin d’emploi, de favoriser les moyens légaux de partage du temps de travail entre plusieurs entreprises en réduisant les complexités sociales, fiscales et juridiques. Il est indispensable que France Travail poursuive et amplifie encore son traitement spécifique des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans pour aider à casser cette dynamique dramatique de la difficulté grandissante à retrouver un emploi quand on a plus de 50 ans, alors même que le temps qui passe réduit les chances comme chacun sait.

Nous devons impérativement renforcer nos dispositifs de formation pour les plus expérimentés

Reconnaître la valeur de l’expérience en simplifiant et en promouvant la VAE »

Pour autant la loi n’y suffira pas et si les entreprises ont démontré leurs capacités à mieux garder leurs salariés les plus expérimentés, elles doivent maintenant prouver leur volonté de savoir mieux les embaucher. Plus le travail sur la compétence sera fort, plus cette capacité sera à embaucher et intégrer sera réaliste. Les partenaires sociaux doivent s’emparer de ce sujet de la formation et du développement de compétences de manière urgente, en lien avec l’enseignement professionnel et supérieur. Nous devons impérativement renforcer nos dispositifs de formation pour les plus expérimentés, avant qu’ils ne deviennent seniors dans l’acception du terme. C’est une responsabilité sociale majeure.

Nous devons enfin reconnaître la valeur de l’expérience en simplifiant et en promouvant la VAE Validation des Acquis de l’Expérience à partir du bilan santé/compétences annoncé par la ministre chargée du travail et de l’emploi. C’est fondamental d’acter la reconnaissance de l’expérience acquise et c’est un moyen de lutter contre des stéréotypes qui ont la vie dure. Mais au-delà de cela, c’est un moyen de reconnaître aux salariés les plus expérimentés que leur vie professionnelle a un sens… et une valeur !

Benoît Serre


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Parcours

Boston Consulting Group (BCG)
Partner & director HR - People strategy
Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
Vice-président puis vice-président national délégué
Excelia Group
Président du Comité Stratégique
L’Oréal
DRH France
Boston Consulting Group (BCG)
Partner / Associate Director
Macif
Directeur général adjoint - Directeur des Ressources Humaines et de la Communication
Macif
Directeur des Ressources Humaines Groupe
Leroy Merlin Groupe ADEO
DRH en Russie
Leroy Merlin
Directeur Université d’entreprise
Groupe IGS HR Consultancy and Training
CEO
Maison des Collectivités locales (Ernst&Young Group)
Director

Fiche n° 25040, créée le 29/08/2017 à 12:43 - MàJ le 09/05/2025 à 15:50


© News Tank RH - 2025 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »