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« La démographie : une opportunité pour les RH ? » (Benoît Serre, ANDRH)

News Tank RH - Paris - Analyse n°385236 - Publié le
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Nous sommes confrontés à une multitude de défis : politique, budgétaire, social, environnemental, économique, éducatif, de compétences et de travail. C’est un fait et cela depuis longtemps, c’est le lot des Nations. En revanche, il en est un dont nous avons été protégés pendant longtemps, contrairement à la plupart de nos voisins européens : la démographie.

Une analyse de Benoît Serre Partner & director HR - People strategy @ Boston Consulting Group (BCG) • Vice-président puis vice-président national délégué @ Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
pour News Tank.


Effondrement du taux de natalité : une invitation à se projeter sur le long terme

Désormais nous y sommes et les chiffres révèlent l’ampleur de la difficulté que nous aurons à gérer dans les prochaines décennies : le plus bas niveau de solde naturel depuis 1945 avec +17 000 citoyens, un taux de natalité en chute libre avec 1,62 enfant par femme, soit celui de 1919 au lendemain de la Première guerre mondiale. Certes nous ne sommes pas les plus mal lotis lorsqu’on se compare à l’Italie (1,25) ou l’Espagne (1,19), mais nous nous rapprochons du taux de fécondité allemand (1,46) dont on connaît les conséquences sur la dynamique sociale et les politiques d’emploi comme d’immigration, ce qui nécessairement impactera les politiques RH des organisations.

Alors que, pour différentes raisons, notre pays semble enferré dans le court terme, le sujet démographique par définition ne peut se régler que sur le long terme. Dans cette attente, nous avons à gérer une phase de transition dont les éléments structurels pourraient venir déséquilibrer certaines données et certains principes fondamentaux de notre fonctionnement social, et pas uniquement budgétaire. Il est difficile de circonscrire les causes de cette dénatalité, mais certaines impactent pourtant directement les politiques RH des entreprises : la difficulté à se loger en milieu urbain, l’accès aux crèches, les coûts de garde, la surcharge mentale notamment des femmes, le coût de la vie et les niveaux moyens d’évolution des salaires, la peur du chômage, les coûts de santé, l’abandon des avantages fiscaux des jeunes parents, l’anxiété environnementale, notre grande difficulté à gérer l’emploi des seniors. Comment ne pas tirer des conséquences sur les stratégies RH afin que les entreprises viennent par leur politique sociale tenter de compenser ce que l’État n’assume plus ou moins faute de moyens.

Ce mouvement n’est pas nouveau, mais on observe son accélération notamment dans les grandes entreprises qui développent des accords mondiaux de prévention, de protection santé ou de garantie minimum de salaire. De même, nombreuses sont celles qui enrichissent ou complètent des politiques publiques comme les congés parentaux, les aides à la garde ou des politiques de soutien à la parentalité. Elles le font par conviction et par pragmatisme car ce sont des éléments d’image employeur, donc d’attractivité et de fidélisation. Ce dernier élément est bien sûr fondamental car notre démographie nous conduit nécessairement à la pénurie de ressources humaines selon les métiers, notamment en raison des départs massifs en retraite des prochaines années.

S’il manque 480 000 naissances à horizon 2030, il manquera d’autant de candidats à l’emploi 20 ans plus tard »

Nous avons devant nous des enjeux de remplacement, mais aussi de transmission des savoirs et des compétences qui ne feront que se renforcer quand la génération du baby boom partira à son tour. On peut d’ailleurs s’interroger si la cause profonde des débats sur les retraites, et notamment l’âge de départ qui fait aujourd’hui à nouveau polémique, ne vise pas finalement à répondre à cet enjeu-là surtout. Au-delà des réalités budgétaires de financement de notre protection sociale et des conséquences mathématiques sur notre modèle par répartition, les entreprises pourraient demain avoir besoin de conserver leurs salariés le plus longtemps possible faute de pouvoir les remplacer par des candidats qui sont de moins en moins nombreux. La démographie est comme une science exacte. S’il manque 480 000 naissances à horizon 2030, il manquera d’autant de candidats à l’emploi 20 ans plus tard.

Certes, à court terme cela aura un impact positif sur le taux de chômage et notre société du travail partiellement structurée juridiquement, managérialement, organisationnellement par le chômage de masse depuis 40 ans s’en trouvera nécessairement modifiée.

Triple défi pour les DRH

Les entreprises et par là même les DRH sont donc dès maintenant et pour longtemps confrontés à un triple défi pas forcément nouveau, mais violemment impactés par cette réalité démographique :

  • S’assurer du nombre comme des compétences adaptées des femmes et des hommes qui leur permettront de produire et de se développer ;
  • Intégrer le vieillissement au poste de travail ou au sein de l’organisation comme une donnée structurelle de gestion des ressources humaines et donc des conditions d’exercice des métiers ;
  • Anticiper les besoins en acquisition des compétences, soit pour garantir la transmission des savoirs, soit pour tenir compte des fortes évolutions exigées par les métiers notamment sous l’influence des technologies.

Ces trois éléments doivent désormais structurer les stratégies de développement des compétences et si cela vaut pour les entreprises, les pouvoirs publics ne sont pas en reste puisqu’il faudra encore plus s’assurer que le monde de l’éducation participe plus fortement de cette approche de la compétence recherchée par une meilleure collaboration entre entreprises et enseignement. Avoir une lecture la plus claire possible des compétences du futur, assumer que des métiers vont disparaître et d’autres apparaître, intégrer que certaines activités doivent être adaptées au moins dans leurs conditions d’exercice à l’âge de leur titulaire. En cela, l’enjeu emploi des seniors - pour lequel nous nous améliorons tout en demeurant l’un des mauvais élèves de l’Europe - est fondamental aussi.

Suivre notre taux d’emploi et d’activité plutôt que le taux de chômage

L’indicateur à suivre est d’abord le taux d’emploi et d’activité alors que nous avons depuis 40 ans les yeux rivés sur celui du chômage. Ce sont des politiques de gestion de l’activité que nous devons développer plus que des politiques de protection de l’inactivité. Gageons que les initiatives récentes de France Travail • Établissement public à caractère administratif chargé de l’emploi en France (a remplacé Pôle emploi le 01/01/2024)• Missions :- Accueillir et accompagner toutes les personnes - qu’elles soient ou… répondront à cela.

La démographie touchera toutes les politiques RH puisque la réponse à cette réalité « programmée » passera par la formation, les conditions de travail, la prévention santé, la transmission des savoirs, la réallocation de ressources pour couvrir en interne l’émergence des nouveaux métiers et des nouvelles compétences faute de trouver aisément en externe les candidats requis. Tout cela aura aussi un impact sur les niveaux de rémunération car le basculement du marché d’employeur au marché d’employé sera probablement la nouvelle réalité du marché du travail.

Au final, le choc démographique - ou “l’hiver glacial démographique” (PA Delhommais - Le Point janvier 2025) pourrait être une opportunité de modernisation de nos politiques RH poussées par une réalité à anticiper pour éviter de la subir.

Benoît Serre


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CEO
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Director

Fiche n° 25040, créée le 29/08/2017 à 12:43 - MàJ le 12/02/2025 à 17:44