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ExclusifApprentissage : « Le recentrage de la prime va vite revenir dans l’actualité » (D. Da Silva, député)

News Tank RH - Paris - Entretien n°306342 - Publié le 17/11/2023 à 11:31
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Dominique Da Silva - ©  D.R.

« On peut s’attendre à ce que la question du recentrage de l’aide unique à l’embauche d’un apprenti revienne très vite dans l’actualité en raison de l’absence de soutenabilité financière du système. L’objectif d’un million d’apprentis n’est tenable que si l’on a un financement pérenne, ce qui n’est pas le cas », déclare Dominique Da Silva Député (Renaissance) de la 7ème circonscription du Val-d’Oise, Membre de la Commission des Finances • Rapporteur spécial du budget pour les crédits Mission Travail-Emploi @ Assemblée nationale… , député (Renaissance) du Val-d’Oise, membre de la Commission des Finances et rapporteur spécial du budget pour les crédits de la mission Travail-Emploi dans un entretien avec News Tank le 16/11/2023.

Dominique Da Silva est l’auteur d’un amendement au PLF Projet de loi de finances  2024 supprimant l’aide unique à l’embauche d’un apprenti pour les entreprises de plus de 250 salariés lorsque l’apprenti prépare un diplôme de niveau supérieur à bac +2. Cet amendement n’a pas été retenu. Le député ne se déclare pas surpris : « Je savais que la position du président de la République et de la Première ministre était de maintenir un statu quo sur la question de l’aide unique aux employeurs d’apprentis et plus globalement sur le financement de l’apprentissage. »

Il plaide pour une remise à plat de ce financement : « On peut se demander par exemple s’il faut encore exonérer certaines entreprises de la CUFPA (contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage) alors que tout le monde s’accorde à dire que l’apprentissage est un bon système. »


Votre amendement au PLF 2024 supprimant l’aide unique à l’embauche d’un apprenti pour les entreprises de plus de 250 salariés lorsque l’apprenti prépare un diplôme de niveau supérieur à bac +2 n’a pas été retenu. Comment expliquez-vous que Bercy ne l’ait pas emporté sur le ministre du Travail ?

Ma mission : proposer des pistes sérieuses d'économies »

Je savais que la position du président de la République et de la Première ministre était de maintenir un statu quo sur la question de l’aide unique aux employeurs d’apprentis et plus globalement sur le financement de l’apprentissage. Toutefois, ma mission en tant que membre de la Commission des finances et rapporteur spécial des crédits de la mission Travail et Emploi est de proposer des pistes sérieuses d'économies.

Il fallait donc trouver un équilibre entre ces injonctions contradictoires. Une voie nous semblait possible avec le rapporteur général et mes collègues des groupes Renaissance et Démocrate, cosignataires de l’amendement, dès lors que nous respections la philosophie de la prime unique à l’apprentissage.

En quoi consiste cet équilibre ?

Il s’agissait de revenir à l’esprit de 2018. Avant juillet 2020, les entreprises de plus de 250 salariés ne bénéficiaient d’aucune aide. L’aide à l’embauche d’apprenti pour toutes les entreprises a été créée après, en pleine épidémie de Covid pour préserver l’accès à l’emploi des jeunes et inciter les entreprises à recruter des alternants.

C’est une réussite mais la période du « quoi qu’il en coûte » est désormais derrière nous et il était normal de revenir à l’esprit initial de la réforme.

J’ai proposé de le faire de façon progressive puisqu’il s’agissait de n’appliquer le recentrage de la prime qu’aux diplômes supérieurs, à partir de Bac+ 3 (pour une économie de l’ordre de 725 M€), avec une entrée en vigueur au 01/07/2024 pour atténuer l’impact de cette mesure.

Pourquoi avoir proposé de supprimer la prime pour les grandes entreprises qui recrutent des apprentis qualifiés et ne pas avoir retenu d’autres critères ?

Aider une entreprise qui embauche un jeune de niveau Bac ou infra Bac est sans doute plus nécessaire »

On sait qu’aider une entreprise qui embauche un jeune de niveau Bac ou infra Bac est sans doute plus nécessaire, surtout quand l’apprenti est très jeune, parce qu’en termes de production, ce n’est pas la même chose qu’un apprenti qui prépare un Master et qui va pratiquement tenir le poste d’un salarié classique.

Donner 6.000 € à une entreprise du CAC 40 Indice de référence de la Bourse de Paris. qui va recruter un jeune de l’enseignement supérieur avec lequel il va produire une activité rentable, ce n’est pas la même chose que de prendre un jeune presque NEET (ni en études, ni en emploi, ni en formation) que l’on va former à la boulangerie.

Par ailleurs, je suis opposé à tout reste à charge pour les jeunes, quel que soit le niveau de revenus des parents. La réussite de la formation, c’est pour tout le monde et pour tout type de diplôme. C’est pour moi la ligne à défendre et à préserver. Je comprends cependant que toutes les formations ne puissent pas obtenir de financement intégral, notamment lorsqu’elles ne débouchent pas sur l’emploi ou qu’elles se font entièrement à distance (c’est un autre amendement que j’ai porté).

Y a-t-il eu une mise en concurrence de vos deux amendements, l’un sur la prime à l’apprentissage, l’autre sur le reste à charge ?

Je n’ai finalement pas déposé l’amendement sur le ticket modérateur CPF Compte Personnel de Formation car il a déjà été voté par le parlement dans le PLF 2023. Désormais, la balle est dans le camp de l’exécutif qui doit publier le décret d’application. J’ai cru comprendre qu’un accord était possible avec un montant raisonnable de reste à charge pour le titulaire du CPF.

S’agissant de la prime à l’apprentissage, on peut s’attendre à ce que la question de son recentrage revienne très vite dans l’actualité en raison de l’absence de soutenabilité financière du système. L’objectif d’un million d’apprentis n’est tenable que si l’on a un financement pérenne, ce qui n’est pas le cas. 

Selon moi, il était bienvenu d’adopter dès à présent un recentrage de la prime plutôt que de le remettre à plus tard. Politiquement, le message n’est pas bon : pourquoi était-ce mauvais de limiter l’aide aujourd’hui et serait-ce bon demain ? Qu’est-ce qui explique que ce qui n’a pas été possible dans le cadre d’un débat parlementaire devient possible parce que c’est l’exécutif qui décide que c’est possible dans six mois ?

Carole Grandjean vient d’annoncer le lancement d’une concertation « dès cette fin d’année » avec tous les acteurs (partenaires sociaux, réseaux de CFA Centre de formation d’apprentis , branches professionnelles, France compétences). Sans les parlementaires ?

L’exécutif nous dira ce qu’il a retenu de cette concertation et ce qu’il faudra faire par la suite. Lors de nos travaux, nous auditionnons de nombreux acteurs. En tant que parlementaires, nous avons également des remontées de terrain d’entreprises, de CFA et d’apprentis de nos circonscriptions. Nous avons donc, nous aussi, un point de vue éclairé sur la question. Et nous visons l’intérêt général.

Je comprends que le Gouvernement souhaite engager cette concertation avec les partenaires sociaux mais en général, les propositions ne sont pas à la hauteur des économies escomptées. 

Vous préconisez une remise à plat du financement de l’apprentissage. Pouvez-vous préciser ?

Faut-il encore exonérer certaines entreprises de la CUFPA ? »

On peut se demander par exemple s’il faut encore exonérer certaines entreprises de la CUFPA (contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage) alors que tout le monde s’accorde à dire que l’apprentissage est un bon système.

S’agissant des NPEC Niveaux de prise en charge (niveaux de prise en charge) des contrats d’apprentissage, que souhaite-t-on financer ? Tout et à n’importe quel prix ? En premier lieu, il faudrait clarifier le rôle de chacun dans le financement, entre l'État, les Opco Opérateur de compétences et les Régions. En effet, les investissements lourds comme les plateaux techniques sont en principe à la main des Opco et des Régions, mais lorsque les CFA n’obtiennent pas de financement à ce titre, ils se plaignent de l'État dont ce n’est pas la responsabilité. 

Faut-il augmenter le montant de la CUFPA ?

Je n’ai pas d’idée sur ce point. Ce qui est sûr c’est que :

  • Soit on resserre les budgets et on fait du qualitatif. Cela coûtera moins cher mais on ne visera pas d’objectifs quantitatifs ;
  • Soit on reste sur l’objectif d’un million d’apprentis à former et on voit bien que le compte n’y est pas.

La question est : « Comment finance-t-on ? » Soit on augmente les prélèvements, soit on fait des économies sur des dispositifs moins efficaces que l’apprentissage. Je suis assez d’accord pour dire qu’il ne faut pas augmenter les prélèvements obligatoires, car le montant total des aides aux entreprises au sens large du terme, incluant les exonérations de charge, s'élève à 284 Md€. Il y a donc moyen de financer le volume de dépenses de l’apprentissage qui s'élève à près de 6 Md€. Dans ce champ assez vaste d’aides, il est possible de faire des économies.

Pourquoi êtes-vous favorable à un seul contrat en alternance ?

J’ai bien saisi la nuance entre le diplômant (apprentissage) et le qualifiant (contrat de professionnalisation) mais l’objectif de ces contrats est de conduire les jeunes et les moins jeunes à l’emploi via un contrat de formation en alternance. Alors pourquoi maintenir des différences sur les âges par exemple ? Si on veut maximiser l’apprentissage, remplir les CFA ruraux, il faut élargir les publics d’apprentis.

En créant un contrat en alternance unique, l’idée est de favoriser l’apprentissage à tout âge quasiment. Selon moi, l’attrait de cette formule est d'être en même temps en formation et en emploi. C’est la grande valeur ajoutée de l’apprentissage. C’est également une source d'économie.

Dominique Da Silva


Entrepreneur dans la construction modulaire écologique


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Parcours

Assemblée nationale (doublon)
Député (Renaissance) de la 7ème circonscription du Val-d’Oise, Membre de la Commission des Finances • Rapporteur spécial du budget pour les crédits Mission Travail-Emploi
Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale)
Président du Comité de surveillance
Ville de Moisselles
Conseiller municipal
Ville de Moisselles
Premier maire-adjoint, délégué aux Finances et au budget

Fiche n° 50326, créée le 15/11/2023 à 18:10 - MàJ le 16/02/2024 à 18:05

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