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« Les clefs des prochaines décisions sur l’apprentissage » (Alain Druelles, Quintet Conseil)

News Tank RH - Paris - Analyse n°211281 - Publié le 12/03/2021 à 18:59
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Le Gouvernement s’apprête à arrêter, à l’occasion de la prochaine réunion entre le Gouvernement et les partenaires sociaux du 15/03/2021, les mesures de soutien à l’apprentissage pour les prochains mois. Au regard de la forte progression des niveaux supérieurs, beaucoup d’acteurs, CFA comme entreprises, seront attentifs aux décisions prises sur le maintien des primes.

C’est l’occasion de préciser quelques clefs de lecture des évolutions récentes et des sujets qui sont devant nous. 

Une analyse d’Alain Druelles Associé fondateur @ Cabinet Quintet
, associé fondateur de Quintet Conseil • Cabinet de conseil en stratégie sociale, formation et raison d'être• Création : octobre 2020 (par Antoine Foucher, Pauline Calmès, Damien Delevallée, Alain Druelles et Bertrand Lamberti, cinq… .


Une dynamique aux multiples aspects.

Au-delà de la progression historique du nombre d’entrées en apprentissage (+40 % de 2020 sur 2019, + 16 % de 2018 à 2019), d’autres paramètres montrent que la dynamique en faveur de l’apprentissage a pris une nouvelle dimension suite à la réforme de 2018.

Beaucoup d’entreprises et de CFA soulignent que les profils des jeunes attirés par l’apprentissage évoluent et se diversifient.

La création de CFA d’entreprises, amorcée en 2019, ne semble pas altérée par la crise sanitaire. Par ailleurs, des entreprises qui ne recourraient traditionnellement pas à ce type de contrats, le font désormais, parfois dans des secteurs qui ne pratiquaient pas l’apprentissage. Les perspectives de développement, par exemple dans le champ de la santé et des métiers du grand âge et de la dépendance sont très importantes, pour peu que le Gouvernement, de concert avec les Conseils régionaux, déverrouille les freins juridiques, pédagogiques et financiers encore existants.

Enfin, la progression de 2020 s’est effectuée dans un contexte économique qui n’a rien de comparable à 2019, crise COVID oblige. Cela tend à démontrer la robustesse du modèle actuel, il est vrai porté par la détermination de l’État qui a su, avec l’instauration d’un régime exceptionnel de primes, soutenir cette croissance. Rappelons que l’objectif, en juillet 2020, était d’éviter une rentrée catastrophique…

L’année 2020 confirme des évolutions structurelles, momentanément amplifiées par la crise.

Les primes ont amplifié les évolutions constatées en 2019. Alliées aux dispositions de la réforme de 2018, elles ont joué à plein.  C’était l’effet recherché : elles sont par principe incitatives et limitent ou accentuent certaines tendances. Elles ont globalement favorisé une hausse des entrées dans les niveaux supérieurs, temporairement éligibles à la prime.

La baisse de l’apprentissage dans l’hôtellerie-restauration, traditionnellement caractérisée par une forte proportion du nombre de CAP et BEP, minore cependant la hausse du nombre de contrats conclus pour ces niveaux.

Autre tendance, le « transfert » des contrats de professionnalisation au profit des contrats d’apprentissage, déjà perceptible en 2019 (la baisse du nombre de contrats conclus était de 7,1 %) s’est accéléré avec une baisse du nombre de contrats de professionnalisation conclus de près de 50 %.

Cette tendance semble particulièrement sensible pour les niveaux supérieurs et contribue à la forte hausse de l’apprentissage pour les niveaux Bac + 2 et supérieurs.

Les deux formules de contrat retrouvent ainsi leurs objectifs originels : diplômes et titres pour l’apprentissage, progression de la qualification pour les contrats de professionnalisation. L’augmentation du nombre d’entrées en apprentissage étant plus forte que la baisse du nombre de contrat de professionnalisation conclus : le solde est positif.

Des évolutions à analyser en prenant en compte celles des autres voies de formation.

Pour bien analyser ces évolutions structurelles, il ne faut donc pas regarder uniquement celles de l’apprentissage mais aussi celles des autres voies, contrat de professionnalisation et alternance sous statut scolaire/universitaire.

Formulons, à ce stade, deux hypothèses :

  • Plus l’apprentissage progresse, plus sa structure de niveaux converge avec celle de la voie académique ;
  • Plus l’apprentissage progresse, plus sa structure se rapproche des niveaux recherchés par les entreprises, toutes formules de contrats confondues.

La progression des entrées en apprentissage des CAP/BEP est constante. Elle représente 26 % du total des entrées de l’ensemble des apprentis. Le nombre des élèves suivant ces mêmes formations au sein des lycées est d’environ 5 % du nombre des élèves suivant une formation professionnelle sous statut scolaire.

En cinq ans (par rapport à 2016) 20.000 élèves de moins suivent ces formations en 2020 ainsi que celles préparant à l’obtention des baccalauréats professionnels. Parallèlement, 30 000 apprentis de plus qu’en 2016 sont entrés en apprentissage en 2020 pour ces mêmes niveaux. Environ deux jeunes sur trois sont aujourd’hui formés par la voie scolaire, un jeune sur trois est formé en apprentissage.

La progression de l’apprentissage est donc mécaniquement plus faible que dans les niveaux les plus élevés pour lesquels le nombre d’apprentis est bien plus faible que le nombre d’étudiants inscrits. Ainsi, on compte environ 160.000 entrées en apprentissage préparant à des mastères, bachelors et titres d’ingénieurs en 2020, alors que le nombre d’étudiants inscrits est de 1,5 million, soit un rapport quasiment de 1 à 10.

L’augmentation des entrées en apprentissage pour les niveaux BAC + 2 et les niveaux supérieurs, mais aussi des contrats de professionnalisation conclus, n’est pas récente même si elle s’est amplifiée. Ainsi le nombre de contrats de professionnalisation préparant à ces niveaux a augmenté de plus de 10 % entre 2016 et 2018 (soit 112.000 contrats conclus en 2018 contre 100.000 en 2016). Cela correspond à une attente des entreprises en matière de recrutement.

Dès lors, quelle ambition pour l’apprentissage ?

L’apprentissage s’impose peu à peu comme une voie de formation à part entière et non comme une voie de remédiation. Le développement dans le supérieur est donc une bonne chose. Personne ne songe à supprimer l’internat de médecine qui a toutes les caractéristiques  de l’apprentissage même si il n’en porte pas le nom.

Dès lors, ce sont les modalités pédagogiques qui distinguent l’apprentissage de la voie académique. Chacun d’entre nous n’apprend pas forcément de la même façon que son voisin. Il n’a pas non plus les mêmes chances d’accéder à l’enseignement supérieur.

Mais au fait …quels jeunes ?

L’enseignement supérieur souffre en France d’une surreprésentation des enfants des cadres des cadres supérieurs et des « catégories intellectuelles supérieures ». Ils comptent pour 35 % des étudiants alors que lesdites catégories représentent 18 % de la population active. Si les représentations culturelles expliquent en partie ces chiffres, les difficultés à financer les études (frais de scolarité, logement et nourriture) sont une des autres explications.

La crise sanitaire a mis en évidence la précarité des jeunes étudiants. Les étudiants viennent grossir les rangs des Restos du cœur et l’Observatoire national de la vie étudiante estime que 20 % des jeunes de 18 à 24 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté.

On aurait tort de ne pas conduire une politique de l’apprentissage en faisant fi de ces constats car l’alternance, en permettant de cumuler formation et revenu, constitue une des réponses à cette précarité grandissante. 

Jouer la carte de l’apprentissage, c’est aussi jouer celle de l’ascenseur social.

La France comptait 2.725.000 étudiants à la rentrée 2019/2020 soit 565.000 étudiants de plus qu’en 2000 (et donc une augmentation de 22 %) et 1.181.000 en 2000 (soit une augmentation de 100 %). Maintenir ou augmenter la qualité des enseignements et démocratiser son accès exigent donc d’augmenter les moyens consacrés au financement des établissements et de ceux des jeunes et de leurs familles, ne serait-ce que pour se nourrir, se loger et parfois, se déplacer ou même se soigner.

Pour assurer le financement des établissements, faute d’autres formules, les frais de scolarité augmentent. Faute de ressources assurées par les parents, le nombre d’étudiants qui travaillent pendant leurs études augmente, tout comme le nombre de bourses et les demandes de prêts. La Banque postale a constaté une augmentation de 6 % des demandes de prêts étudiants entre janvier et juillet 2020. 40 % des étudiants avaient un petit boulot avant la crise sanitaire et 36,8 % (soit 818.257) étaient boursiers en 2019/2020.

Les exemples des autres pays sont éclairants.

  • Aux États-Unis, la dette étudiante a été multipliée par trois en l’espace de douze ans. 45,5 millions d’Américains sont concernés pour un endettement moyen de 35.000 dollars (soit environ 29.000 euros) pour un montant global de 1.600 milliards, soit 6,2 % de la dette fédérale.
  • Au Royaume-Uni, la situation des étudiants s’est dégradée dans le milieu des années 80 et le taux d’endettement des étudiants est tout aussi préoccupant qu’aux États-Unis sous l’effet conjugué de la hausse des frais d’inscription et de la suppression des bourses auxquelles se sont substitués des prêts publics.

L’apprentissage est une des réponses à la « massification » de l’enseignement supérieur en France. Il permet aux jeunes de conjuguer études et revenus, aux établissements, incluant les universités, de modérer les frais de scolarité, et de permettre à une grande diversité de profils d’accéder à l’enseignement supérieur.

Dès lors, la question n’est pas en soi le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. C’est de savoir si ce développement profite bien à des jeunes qui ne pourraient y accéder autrement.

Les décisions à venir sur le montant des primes puis, ultérieurement, sur la révision des règles de prise en charge devront prendre en compte ces éléments. Il serait dommageable qu’une vision trop restrictive des enjeux soit préjudiciable aux jeunes.

Il ne faudrait pas que dans 10 ans, il soit encore dur d’avoir 20 ans.

 

Alain Druelles


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Fiche n° 10548, créée le 06/10/2020 à 01:14 - MàJ le 06/02/2024 à 22:22

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