Les suites du Grand Débat : travail, dialogue et engagement (Oasys Consultants - News Tank) Volet 3
Retrouvez les suites du « Grand débat » Oasys-News Tank : découvrez en exclusivité les regards d’experts sur le troisième volet consacré au thème : « Travail, dialogue et engagement ».
Conçue comme une contribution aux sujets sociétaux soulevés depuis « Le Grand débat », l’enquête explore quatre thèmes :
- Rôles, missions et fonctionnement des entreprises privées et publiques ;
- Solidarité et cohésion sociale ;
- Travail, dialogue et engagement;
- Création de valeur et partage des richesses.
• Le développement de l’engagement des collaborateurs, dans le public, comme dans le privé ;
• La participation aux élections professionnelles : obligatoire ou pas ?
• Entreprise, branche, législateur : quel niveau pour fixer les conditions du contrat de travail ?
Tels quelques-uns des sujets abordés dans ce volet trois de l’enquête.
Regards d’experts
Les spécialistes du management et du dialogue social
Pierre Ferracci (Groupe Alpha)
Pour définir le contrat de travail, 70 % des réponses sont favorables à un juste équilibre entre loi et négociations de branche ou d’entreprise. Ce qui fait dire à Pierre Ferracci que « le gouvernement a peut-être été trop loin en priorisant la négociation collective d’entreprise, sans en assurer les conditions adéquates. Il y a un déséquilibre entre la direction d’entreprise et les éluƒquelqs représentants du personnel. La partie syndicale est trop faible dans la plupart des entreprises. Sur le terrain, cela risque d’aboutir, soit à une baisse du nombre de négociations, soit à des contenus déséquilibrés avec un plus grand nombre de décisions prises unilatéralement par le chef d’entreprise. C’est-à-dire l’inverse de ce que le gouvernement recherche officiellement.
Surpris par le nombre de répondants en faveur d’une obligation de vote aux élections professionnelles, Pierre Ferracci s’interroge : « Est-ce le résultat d’une volonté de donner du sens à cette nouvelle instance qu’est le Comité Social et Economique ? » En tout état de cause, l’intégration des délégués du personnel dans cette nouvelle instance lui apparaît comme une erreur. « Professionnaliser les élus et transformer le CSE en une instance puissante grâce au vote obligatoire n’engendrera pas automatiquement un dialogue social plus efficace si les élus se coupent du terrain et des besoins des salariés. »
David Destoc (Oasys Mobilisation)
Les propositions les plus citées par les répondants pour augmenter l’engagement des salariés sont des leviers classiques d’implication, note David Destoc. « Associer les salariés au projet de l’entreprise, instaurer un management participatif et développer les compétences de chacun par la formation : tout cela suscite fierté et motivation et favorise l’implication de chacun dans son travail. Une direction ne doit pas avoir peur de favoriser l’expression collective et d’accepter la contradiction, voire la confrontation des points de vue. » Il regrette cependant qu’aucune question ne porte sur la qualité du management ou sur la gouvernance de l’entreprise. « Un salarié entre dans une entreprise mais le plus souvent, il quitte son manager » rappelle-t-il.
Le questionnaire n’aborde pas l’individualisation de la gestion des ressources humaines qui se renforce avec la création du CPF - le compte personnel de formation, déplore Pierre Ferracci. « Cet outil responsabilise l’individu par rapport à sa situation personnelle, et c’est une bonne chose, mais il laisse nombre de salariés seuls face au patron. Par ailleurs, l’existence du CPF interroge le devenir du plan de formation et de maintien des compétences qui reste une obligation pour les entreprises. Les syndicalistes en entreprise seraient bien avisés de s’emparer résolument de ces sujets et d’apporter des conseils à leurs collègues, s’ils veulent continuer à jouer un rôle en matière de droit collectif. »
Les sociologues
Jean-Dominique Simonpoli (Dialogues)
Les réponses concernant la définition du contrat de travail font de nouveau apparaître des idées « dans l’air du temps », ou dit autrement, une certaine recherche de consensus pour Jean-Dominique Simonpoli. Puisque 70 % des répondants réclament « un juste équilibre de normes issues de la loi, de la négociation de branche et de la négociation à l’intérieur de l’entreprise. « Mais après les ordonnances Macron, ce n’est plus la loi qui fixe les normes en premier lieu. Si le patron le souhaite et si les syndicats représentés sont d’accord, le contrat de travail peut être défini par un accord d’entreprise. Avec toutes les possibilités de dérives possibles et imaginables. »
Le grand nombre des réponses positives concernant l’obligation de participer aux élections professionnelles répond à la baisse de participation qui se renforce de scrutin en scrutin pour l’observateur qu’est le directeur général de l’association Dialogue. « La participation aux élections professionnelles a baissé de 10 points en 10 ans. Le dernier scrutin dans la fonction publique a vu moins de 50 % des salariés se rendre aux urnes. Le phénomène est identique dans le privé et dans le public et les salariés - en particulier les plus jeunes d’entre eux - se détournent des syndicats. »
Les juristes
Paul-Henri Antonmatei (Professeur, université de Montpellier) et Dirk Baugard (Professeur Paris 8)
70 % des répondants demandent un juste équilibre entre la loi, les accords de branches et les accords d’entreprise, constate Paul-Henri Antonmattei. « C’est un résultat réconfortant, estime-t-il. Si la réforme de 2017 a affirmé un principe de primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, les branches ont toujours un rôle important à jouer notamment à l’égard des petites et moyennes entreprises. Il est dommage que, pour l’heure, les accords de branche permettant des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés, soient si peu nombreux.
Quant au nombre d’accords d’entreprises qui varient entre 35 à 40 000 par an, il devrait nettement progresser quand on sait que désormais toutes les entreprises, quel que soit l’effectif, ont accès à l’accord collectif. »
« Que signifie un juste équilibre entre Code du Travail, accords de branche et accords d’entreprise ? » s’interroge de son côté Dirk Baugard. Les participants à l’enquête en ont-ils une idée précise ? Pour certains la juste place de la loi peut être le plus souvent impérative. Pour d’autres, elle pourrait être conçue comme devant laisser un grand espace aux partenaires sociaux. Mais ces derniers pourraient être favorables à un déséquilibre en la matière ?
Les réponses à cette question sur la bonne manière de définir un contrat de travail démontrent néanmoins que le discours ambiant sur la nécessité d’une flexibilité du travail imprègne les esprits. A contrario, elles soulignent aussi, d’autre part que la loi et le Code du Travail gardent une image positive malgré les discours négatifs de ces vingt dernières années. Puisqu’ils doivent conserver une certaine présence. »
Le professeur de l’université Paris 8 s’interroge, sans certitude, sur la possibilité d’imposer une obligation de vote aux élections professionnelles. « N’y a-t-il pas un droit ou une liberté de ne pas voter. Et au demeurant, qu’exprimeraient ceux qui ne votent généralement pas ? » Par ailleurs, il relève une possible contradiction entre l’accord d’une majorité de répondant (65 %) pour rendre le vote obligatoire et le manque de confiance dans le dialogue social révélé par les réponses à la question « Les salariés font-ils le lien entre la mauvaise qualité du dialogue social et le peu de participation aux élections ? », se questionne-t-il.
Paul-Henri Antonmattei estime très compliqué d’imaginer « des règles permettant la participation des indépendants et auto-entrepreneurs à la communauté de travail ». Donc de les prendre en compte pour le calcul des seuils sociaux et la représentation au sein du CSE d’une entreprise (question 17). Mais Dirk Baugard est interpelé par le fait que 60 % des répondants sont d’accord pour intégrer les travailleurs indépendants. « Cela suggère que les salariés estiment avoir les mêmes intérêts que les travailleurs extérieurs et non salariés. » Et de s’interroger pour savoir si ce sentiment reflète la réalité du monde du travail, donc une imbrication concrète des salariés et des non-salariés.
Sur l’engagement des salariés du privé comme du public, Paul-Henri Antonmattei souligne qu’il est nécessaire de les associer au projet de leur organisation. « Les salariés sont attachés à leur communauté de travail. Ils ne sont pas seulement présents pour délivrer une prestation et recevoir un salaire », souligne-t-il. De son côté, Dirk Baugard se pose des questions sur cette notion d’engagement. « Engagement à quoi, demande-t-il. A en faire plus par rapport aux objectifs donnés par les employeurs ? »
Les économistes
Florent Noël (Professeur Paris I)
Quelque 60 % des répondants sont d’accord pour décompter les travailleurs non-salariés dans le calcul des seuils sociaux et leur faire bénéficier d’une représentation au CSE. « Le sentiment que tout le monde est dans le même bateau explique probablement ce résultat, estime Florent Noël. Les chefs d’entreprise ne sont pas d’accord, ce qui est logique car nombre d’entre eux ont recours à des non-salariés pour éviter les contraintes juridiques liées aux seuils sociaux. Et pour éviter les obligations légales liées au statut de salarié. »
L’engagement des salariés est beaucoup plus lié au fait de les associer au projet d’entreprise qu’à l’individualisation des rémunérations et cela ne constitue pas une surprise pour l’universitaire parisien. « Les résultats de la question 18 rejoignent toutes les études sociologiques réalisées jusqu’ici. Mais cela n’empêche pas à l’individualisation des rémunérations d’être la norme depuis quelques décennies, alors que c’est un outil de gestion de la masse salariale bien plus qu’un outil de motivation. D’ailleurs plus personne ne vante le mérite de la rémunération variable aujourd’hui, l’époque est plus à la gestion des rémunérations en fonction des résultats de l’équipe », commente-t-il.
Florent Noël est plus critique sur les propositions concernant l’engagement des fonctionnaires. « L’idée sous- jacente de cette question et des réponses proposées est qu’il faut mettre les fonctionnaires au boulot. On ne leur propose pas d’être plus associés au projet de leur ministère par exemple… D’ailleurs, on ne leur propose pas non plus d’améliorer leurs conditions de travail. N’y a-t-il aucun problème sur ce point dans la fonction publique ? »
Travail, dialogue et engagement
Quel est pour vous le bon niveau pour définir un contrat de travail ?
- 70 % des répondants s’accordent à penser que le bon niveau pour définir un contrat de travail est un juste équilibre entre les normes issues de la loi, de la branche et de l’entreprise.
- Les critères tels que l’âge, le statut ou la taille de l’entreprise ne jouent aucun rôle déterminant dans les réponses à cette question.
- On note toutefois un écart entre les répondants du secteur privé et du public :
- Les premiers sont plus favorables à une approche équilibrée (73 %) que les seconds (58 %).
Il faut rendre obligatoire le vote des salariés aux élections des représentants du personnel/CSE Comité social et économique .
- 65 % des répondants sont d’accord sur le fait de rendre obligatoire le vote des salariés aux élections des représentants du personnel.
- Parmi les 36 % qui s’expriment contre le vote obligatoire, 14 % ne sont « pas du tout d’accord ».
ZOOM : Les plus de 45 ans semblent plus attachés au vote pour les élections des représentants du personnel : 65 % d’entre eux approuvent le vote obligatoire, contre uniquement 59 % des moins de 45 ans. Quant aux représentants du personnel, ils plébiscitent le vote obligatoire (90 % d’avis favorables).
Les travailleurs non-salariés (indépendants, auto-entrepreneurs, …) devraient compter pour le calcul des seuils sociaux et obtenir une représentation dans les instances de l’entreprise.
- 60 % des répondants sont « d’accord » pour que les travailleurs non-salariés comptent dans le calcul des seuils sociaux et obtiennent une représentation dans les instances de l’entreprise.
- Deux tiers des répondants se définissant « indépendants » y sont favorables, contre moins d’un cadre dirigeant sur deux.
- Les chefs d’entreprise sont les plus réticents à la prise en compte des travailleurs non-salariés pour le calcul des seuils sociaux : 6 sur 10 y sont opposés.
Pour augmenter l’engagement des salariés, les entreprises devraient en priorité…
- Les répondants sont unanimes : ils placent au premier rang le fait d’associer régulièrement les salariés au projet de leur entreprise.
ZOOM : On note de légères nuances entre répondants des secteurs public et privé pour les rangs suivants : Les répondants du secteur public placent en deuxième position les perspectives d’évolution, tandis que ceux du secteur privé priorisent l’évolution vers un management plus collaboratif.
Cette mesure est placée en troisième rang pour les répondants du secteur public avec 12 % des opinions. Dans le secteur privé, c’est le développement des compétences et de l’employabilité qui arrive en troisième rang avec 12 % également.
Au cinquième rang, les répondants des deux secteurs se rejoignent sur une meilleure reconnaissance des contributions individuelles ou collectives.
Enfin, ils s’accordent à placer l’amélioration des conditions de travail au 9e et dernier rang.
Pour développer l’engagement des fonctionnaires, il conviendrait d’abord de…
- Les répondants sont unanimes : ils placent au premier rang le fait de mieux évaluer et reconnaître l’engagement de chacun.
- Les avis des chefs d’entreprise divergent légèrement : pour eux, « développer une part variable de la rémunération liée à la performance individuelle » est le meilleur moyen de développer l’engagement des fonctionnaires (22 %).
ZOOM : Les répondants du secteur public placent en deuxième position la simplification et l’harmonisation des statuts afin de favoriser les passerelles entre les fonctions publiques. Ceux du secteur privé priorisent le développement d’une part variable de la rémunération liée à la performance individuelle, mesure placée en troisième rang par le secteur public.
Pour leur part, les répondants du secteur privé placent en troisième rang la poursuite de la mise en place de pratiques managériales issues du secteur privé.
Pour les répondants des secteurs public et privé, sanctuariser la sécurité de l’emploi des agents du secteur public et introduire davantage d’innovations technologiques dans les processus et pratiques professionnelles sont respectivement placés en dernière et avant-dernière position.
Méthodologie
• Enquête en ligne menée du 11 au 22/03/2019
• 31 questions fermées et 1 question ouverte.
• 1 335 répondants dont :
- salariés 59 % (dont collaborateurs 43 %, managers 29 %, cadres dirigeants 24 %, représentants du personnel 4 %)
- chefs d’entreprise 21 %
- Indépendants 13 %
- En transition professionnelle 7 %
Contrôle des réponses à l’aide de la méthode des quotas (indice de confiance de 98 % pour l’ensemble des questions)
OasYs Consultants
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
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Fiche n° 5933, créée le 13/10/2017 à 04:33 - MàJ le 28/07/2022 à 17:54
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