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SNCF : « Le droit de retrait peut être fondé pour certains cheminots mais pas pour tous » (Actance)

News Tank RH - Paris - Entretien n°166089 - Publié le 22/10/2019 à 17:27
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©  D.R.
Nelly Pourtier, avocate du cabinet Actance - ©  D.R.

« Le droit de retrait peut être fondé pour le cheminot qui a été victime de l’accident. Il pourrait même être fondé pour tous les cheminots qui travaillent sur ce train ou, à la rigueur par extension, à tous les conducteurs qui sont seuls. Mais, pour tous les contrôleurs et conducteurs non seuls, le droit de retrait est nécessairement illégitime. Le droit de retrait par solidarité n’existe pas », déclare Nelly Pourtier Avocat Counsel @ Actance
, avocate counsel au sein du cabinet Actance • Activité dédiée au droit social au travers de prestations de conseils aux entreprises et d’assistance en matière judiciaire • Création : 2005 • Expérience dans le traitement et la gestion des… , à News Tank le 22/10/2019.

« Le droit de grève nécessite nécessairement des revendications. Le droit de retrait ne nécessite pas de revendications particulières, ce n’est pas son objet, même si le salarié peut demander des mesures de protection pour sa santé et sa sécurité. »

« Le droit de retrait est facultatif. Personne ne peut reprocher au salarié de l’avoir exercé ou d’y mettre fin en retournant au travail ».

« Ce débat amène une question précise : peut-on être travailleur isolé aujourd’hui en France ? La réponse est oui. Le Code du Travail l’autorise sous le respect d’une vigilance et de mesures particulières prises par l’employeur. C’est le cas des chauffeurs routiers, des conducteurs de bus, des commerciaux etc. Les normes internationales ferroviaires autorisent également le travail isolé ».


Nelly Pourtier répond à News Tank

Quels sont les régimes juridiques du droit de retrait et du droit de grève ?

Le droit de retrait permet au salarié d’alerter l’employeur et de faire pression »

Le droit de retrait est la possibilité pour tout salarié qui est face à une situation dangereuse, menaçante pour sa vie ou sa sécurité, de se retirer de cette situation. Il permet au salarié d’alerter l’employeur et de faire pression pour que des mesures immédiates et d’urgence soient prises pour faire cesser le danger.

Le droit de retrait n’est pas soumis à une formalité particulière. Il est ouvert à tous, individuel et facultatif. S’il est exercé légitimement, il n’entraîne pas de pertes de salaires ni de sanctions disciplinaires.

Le retour au travail des salariés peut être utilisé comme un argument en faveur d’un droit de retrait non fondé. »

Le droit de retrait est facultatif. Ce n’est pas un devoir du salarié. Personne ne peut reprocher au salarié de ne pas avoir exercé son droit de retrait. Le salarié peut donc retourner au travail et mettre fin à l’exercice de son droit de retrait. En revanche, il est possible que, dans le débat actuel, si l’affaire est portée en contentieux, le retour au travail des salariés soit utilisé comme un argument en faveur d’un droit de retrait non fondé.

Le droit de grève est un droit collectif entraînant une retenue sur salaire mais pas de sanctions disciplinaires. Un préavis doit être déposé dans le secteur public.

Est-ce possible d’exercer son droit de retrait avec des revendications ?

Le droit de retrait ne nécessite pas de revendications particulières, ce n’est pas son objet »

Le droit de grève nécessite nécessairement des revendications. L’employeur doit d’ailleurs être informé de ces revendications avant toute grève. Le droit de retrait ne nécessite pas de revendications particulières, ce n’est pas son objet, même si le salarié peut demander des mesures de protection pour sa santé et sa sécurité.

En l’espèce, ce que la ministre du Travail sous-entend est que le droit de retrait exercé par les cheminots est en réalité une grève en vue de revendications relatives à l’amélioration des conditions de travail. Ce n’est pas totalement faux. Les cheminots contestent le dispositif des conducteurs seuls, qui existe depuis 2002. Mais ils contestent aussi la suppression des agents d’escale sur les quais qui aura lieu le 15/12/2019. Cette revendication n’entre pas vraiment dans l’objet du droit de retrait.

Quel juge est compétent pour statuer sur la légitimité du droit de retrait et les éventuelles retenues sur salaire ?

Chaque situation sera appréciée au cas par cas, il n’y aura pas d’appréciation globale. »

Les juridictions prud’homales seront compétentes pour se prononcer sur les retenues de salaires et les mesures disciplinaires qui seront prononcées. Elles devront nécessairement se prononcer sur la légitimité du droit de retrait. Chaque situation sera appréciée au cas par cas. Il n’y aura pas d’appréciation globale.

Le ministère du Travail pourra être saisie si l’Inspection du Travail décide de mettre en demeure l’employeur pour cesser l’entrave au droit de retrait, délit puni d’une amende de 10 000 euros multiplié par salarié concerné. Mais la position du ministère est déjà connue, donc un débat sur le plan administratif n’a aucun sens.

Quelles sont les conséquences juridiques des préconisations de l’Inspection du Travail ?

Pour l’instant, les inspecteurs du Travail ont fait des lettres de recommandations. Mais ils n’ont pas mis en demeure la société. L’Inspection du Travail a surtout recommandé la prudence car elle ne sait pas sur quel fondement ont été réalisées les évaluations des risques des travailleurs isolés. Ces évaluations ont été surtout réalisées au regard des risques de sécurité ferroviaire et des normes internationales, mais peut-être pas au regard des normes du droit du travail, telle que l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, par exemple.

Il sera difficile pour les inspecteurs du travail d’aller à l’encontre de la position de la DGT »

L’Inspection du Travail est dirigée par la DGT, qui a donné sa position. Il sera difficile pour les inspecteurs du Travail d’aller à l’encontre de la position de la DGT et d’énoncer des mises en demeure.

Pensez-vous que le droit de retrait des cheminots est fondé en l’espèce ?

Le droit de retrait peut être fondé pour le cheminot qui a été victime de l’accident. Il pourrait même être fondé pour tous les cheminots qui travaillent sur ce train ou, à la rigueur par extension, à tous les cheminots qui sont seuls.

Pour tous les contrôleurs, le droit de retrait est nécessairement illégitime »

Mais, actuellement, le droit de retrait a été exercé par tous les conducteurs et tous les contrôleurs. Par définition, un contrôleur ne peut jamais être seul dans un train, puisqu’il est accompagné du conducteur. Pour tous les contrôleurs, le droit de retrait est donc nécessairement illégitime. Il en est de même pour les conducteurs des TGV, qui ne sont pas seuls. Le droit de retrait par solidarité n’existe pas.

Est-ce que chaque cheminot ayant exercé son droit de retrait s’est senti menacé par un danger grave et imminent ? Il faut revenir aux conditions de l’exercice du droit de retrait. L’appréciation du danger est subjective et faite par le salarié. Il n’est pas nécessaire que le danger soit réel, il doit y avoir un motif raisonnable de considérer que le salarié est en danger.

Le caractère imminent du danger est difficilement caractérisé »

Par ailleurs, ce motif raisonnable doit exister au jour de l’exercice du droit de retrait. Si le salarié ne se sent plus en danger, le droit de retrait n’est plus justifié. La question est de savoir si, maintenant que l’accident est survenu, le danger et le motif raisonnable existent-ils toujours ? Techniquement, il n’y a plus de danger sur ce train. Par ailleurs, le caractère imminent du danger est difficilement caractérisé. Nous sommes dans le cadre d’un risque théorique, une éventualité d’un accident qui peut être plus ou moins rare.

Ce qui va être jugé, ce sont les mesures mises en œuvre par la SNCF pour évaluer les risques »

Ce qui sera jugé, ce sont les mesures mises en œuvre par la SNCF pour évaluer les risques liés aux travailleurs isolés et à la conduite en agent seul et les procédures d’urgence mises en œuvre dans ces situations exceptionnelles.

Article L.4131-1 du Code du Travail
  • « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
  • Il peut se retirer d’une telle situation.
  • L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »

Nelly Pourtier


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Parcours

Actance
Avocat Counsel
Actance
Avocat Collaborateur

Établissement & diplôme

Ecole de formation des avocats centre sud (Efacs)
Etudiante
Université de Montpellier
Diplôme Universitaire de Droit de la protection sociale
Université de Montpellier
Master 2 - Droit et pratiques des relations de travail

Fiche n° 27867, créée le 02/01/2018 à 17:11 - MàJ le 22/10/2019 à 15:14

Actance

• Activité dédiée au droit social au travers de prestations de conseils aux entreprises et d’assistance en matière judiciaire
Création : 2005
• Expérience dans le traitement et la gestion des contentieux, notamment les contentieux à risques et de droit pénal du travail
• Partenaire de grandes entreprises et de groupes de dimension nationale et internationale (dont de nombreux groupes cotés) et de PME.
• Secteurs d’intervention variés : banque, assurance, diverses industries dont la pharmacie, automobile, chimie, publicité, médias.
Effectif : plus de 50 avocats en droit social
Contact
Tél. : 01 44 94 96 00


Catégorie : Cabinets d'Avocats


Adresse du siège

152 bis, rue de Longchamp
75116 Paris France


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Fiche n° 5740, créée le 07/09/2017 à 05:37 - MàJ le 24/10/2019 à 15:06


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