Sortir du « tout-formation » pour aider les entreprises à recruter (rapport France Stratégie)
« L’élévation du niveau de qualification de la population active et les plans de formation des demandeurs d’emploi depuis une vingtaine d’années n’ont pas endigué la montée du chômage. Certains travaux considèrent même que les effets de ces plans sont faibles voire nuls », indique le rapport « Renforcer la capacité des entreprises à recruter », élaboré par le groupe de travail n° 4 de France Stratégie et publié le 24/08/2017.
Les difficultés des employeurs à recruter tiennent davantage à des difficultés d’identification des compétences plutôt qu’à l’absence de formation ou de diplômes chez les demandeurs d’emploi, constate le REC
Réseau emplois compétences (France Stratégie)
de France Stratégie. Il recommande de privilégier l’aide au recrutement pour les entreprises plutôt que la multiplication des plans massifs de formation.
France Stratégie plaide pour que « les acteurs institutionnels - les Régions, l’État, Pôle emploi, les partenaires sociaux… - sortent d’une logique purement « adéquationniste » axée sur le « tout-formation » et intègrent les spécificités des métiers et des secteurs d’activité ».
Le think tank recommande plusieurs pistes de travail pour favoriser les démarches de recrutements dans les entreprises :
- Aider les entreprises et les branches dans leurs démarches de GPEC
Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences
en s’appuyant sur l’échelon régional
- Améliorer la connaissance statistique sur les besoins en compétences des entreprises en s’appuyant sur les dispositifs existants (enquêtes Ofer
Offre d’emploi et recrutement (enquête de la Dares)
de la Dares
Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques
, enquêtes DEFIS du Cereq, etc.)
- Aider les branches et les entreprises dans leurs démarches d’identification des besoins en compétences en mettant en place des outils d’accompagnement (outils Opca, plateforme RH, etc.)
En juin 2017, Muriel Pénicaud confirmait la future mise en chantier d’un grand plan de 15 milliards d’euros destiné à la formation d’un million de jeunes sans diplômes et d’un million de chômeurs de longue durée tout au long du quinquennat.
En juillet 2017, un décret a autorisé le ministère du Travail débloqué une enveloppe de 259 millions d’euros pour prolonger en 2017 le plan « 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d’emploi » lancé en janvier 2016 par François Hollande.
« Aider les entreprises à recruter plutôt que de multiplier les grands plans de formation »
France Stratégie s’attache à démonter une idée reçue voulant que le taux de chômage soit la conséquence d’une inadéquation entre l’offre et la demande »Dans son texte de 72 pages, le REC Réseau emplois compétences (France Stratégie) de France Stratégie s’attache à démonter une idée reçue voulant que le taux de chômage soit la conséquence d’une inadéquation entre l’offre et la demande. Ce présupposé des « emplois non pourvus » a conduit, depuis une vingtaine d’années, les pouvoirs publics à multiplier les politiques massives de formation à destination des demandeurs d’emploi (« plan 30 000 formations prioritaires » en 2013, « plan 100 0000 » en 2014, « plan 500 0000 » en 2016, lors du dernier quinquennat).
« La massification des plans de formation s’est accompagnée d’une dégradation de l’accès à l’emploi durable »
Si ces plans ont permis d’augmenter tendanciellement le nombre d’entrées de chômeurs en formation, ils n’ont pas eu les effets escomptés sur l’emploi. « La massification des plans de formation s’est accompagnée d’une dégradation de l’accès à l’emploi durable : 28 % des demandeurs d’emploi formés dans le cadre du plan 500 000 ont retrouvé un emploi durable, contre 37 % en 2013 » observe France Stratégie qui relève également la faible influence de ces dispositifs massifs sur l’emploi des jeunes et des chômeurs de longue durée.
Autre conséquence : la multiplication de ces plans de formation de grande envergure « s’est accompagnée d’un transfert aux acteurs institutionnels (État, régions, partenaires sociaux, etc.), de la responsabilisation de l’identification des besoins de compétences, et aux individus de leur employabilité (via le CPF Compte Personnel de Formation notamment) », laissant les entreprises de côté.
L’expérience et la motivation préférés au niveau de formation
Et alors que les employeurs ont été écartés petit à petit de la responsabilité du recrutement, France Stratégie propose de les remettre au cœur du système : « le niveau et la spécialité de formation ne sont pas toujours le premier critère de recrutement des entreprises » constate le rapport.
« Avec d’importantes variations selon les métiers, les secteurs ou les territoires, ces entreprises tendent à privilégier l’expérience et la motivation comme indicateur de la capacité des candidats à satisfaire aux exigences d’un poste. Dès lors, les difficultés de recrutement ou les pénuries invoquées changent de visage : elles pourraient refléter non pas une inadéquation entre compétences détenues et compétences attendues mais plutôt les propres difficultés des employeurs à identifier la capacité des candidats ».
L’aide aux entreprises encore trop « traitée de manière secondaire »
Priorité, donc, à l’aide aux entreprises plutôt qu’aux grands dispositifs de formation. « Cela aussi suppose que le monde de l’entreprise prenne ses responsabilités dans l’identification des besoins en compétences. Certaines branches ont déjà commencé ce travail en mettant en place des outils d’accompagnement de leurs adhérents : accompagnements de proximité réalisés par les branches ou les Opca, plateformes RH financées par l’État… » avertissent les auteurs du rapport.
Ce sujet reste encore trop souvent « traité de manière secondaire » avec « des efforts qui portent essentiellement sur la seule phase de recrutement » regrette France Stratégie dans son exhortation à « tous les acteurs de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles à s’emparer du sujet ».
Les préconisations de France Stratégie, selon les conclusions du rapport
- « Promouvoir une telle démarche suppose que les acteurs institutionnels - les Régions, l’État, Pôle emploi, les partenaires sociaux - sortent d’une logique purement « adéquationniste » axée sur le « tout formation » et intègrent les spécificités des métiers et des secteurs d’activité, et la manière dont ils sont « alimentés » en candidats et dont les employeurs cherchent à pourvoir leurs postes disponibles.
Eu égard à l’importance de l’échelon régional dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de formation professionnelle, cette approche doit notamment nourrir la réflexion des acteurs régionaux au moment de l’élaboration et la mise en œuvre des CPRDFOP Contrats de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles . - Plusieurs sources statistiques et diagnostics permettent de mieux connaître les pratiques de gestion de la main-d’œuvre. Toutefois, le lien éventuel entre ces pratiques et les difficultés de recrutement ressenties par les entreprises est encore peu documenté statistiquement. Un axe de progrès consisterait donc à améliorer la connaissance statistique sur ce point, en s’appuyant notamment sur les dispositifs existants (Ofer
Offre d’emploi et recrutement (enquête de la Dares)
, DEFIS).
Il reste que la taille de l’échantillon des différentes enquêtes limite leurs utilisations à un niveau géographique fin et leur intégration dans les diagnostics de besoins de formation au niveau régional. Les approches qualitatives resteront donc importantes pour appréhender ces questions. - Promouvoir une telle optique suppose que le monde de l’entreprise travaille sur l’identification de ses besoins en compétences. Certaines branches et certains territoires ont déjà commencé ce travail en mettant en place des outils d’accompagnement des entreprises : accompagnement de proximité réalisé par les branches professionnelles ou les Opca, plateforme RH financée par l’État, etc. »