
Saisies sur rémunération : « La communication avec les salariés est essentielle » (É. Puiroux, ADP)
« Les entreprises commencent à prendre pleinement conscience des implications de cette réforme, notamment en ce qui concerne la communication avec leurs salariés. Selon la Chambre nationale des commissaires de justice, environ 280 000 saisies sur rémunération sont en cours en France », déclare Élodie Puiroux
Responsable veille légale et DSN @ ADP
, responsable veille légale pour ADP
• Société américaine cotée sur le Nasdaq• Création : 1949• Siège social installé à Roseland (New Jersey).• Mission : édition de solutions logicielles de gestion RH, de paie et de gestion du capital…
en France, à News Tank le 03/07/2025.
À partir du 01/07/2025, la procédure de saisie sur rémunération, qui consiste à prélever une partie du salaire d’un travailleur pour rembourser sa dette, a évolué : elle ne relève plus des tribunaux judiciaires, mais est désormais confiée aux commissaires de justice. Prévue par la loi du 20/11/2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice, puis précisée par un décret du 12/02/2025, cette réforme vise à simplifier le traitement des dossiers de saisie, tout en introduisant de nouvelles obligations pour les employeurs.
« La communication avec les salariés est essentielle pour éviter toute confusion, notamment si des précomptes continuent alors que les salariés pensent avoir soldé leur dette. L’employeur n’est informé que du premier montant de la dette, mais le commissaire de justice gère la répartition entre les différents créanciers. Par conséquent, le montant initial reçu par l’employeur n’est qu’indicatif et ne peut plus servir de base pour établir un échéancier comme avant la réforme. »
En quoi consiste la saisie sur rémunérations ? Comment fonctionnait la procédure jusqu’alors ?
La saisie sur rémunération est une procédure judiciaire permettant à un créancier d’obtenir le règlement d’une dette directement sur le salaire d’un salarié débiteur. Cette procédure est souvent confondue, dans le langage courant, avec d’autres mécanismes juridiques tels que le paiement direct de pensions alimentaires, les avis à tiers détenteurs, ou la cession des rémunérations, qui ont chacun des procédures distinctes.
Désormais, l’employeur reçoit un PV de saisie directement de la part du commissaire de justice »Traditionnellement, pour qu’une saisie sur rémunération soit mise en œuvre, un créancier devait être muni d’un titre exécutoire, c’est-à-dire une décision de justice ou un acte notarié. Ce titre était transmis au juge de l’exécution du tribunal judiciaire. Après une procédure de conciliation en échec, le juge envoyait alors un ordre à l’employeur du salarié débiteur, lui demandant de prélever le montant de la dette sur le salaire de ce dernier. Cette procédure, bien que rigoureuse, était souvent longue en raison des délais inhérents au système judiciaire.
La réforme de la justice 2023-2027, introduite par la loi n° 2023-1059 du 20/11/2023, a significativement modifié cette procédure. L’objectif principal de cette réforme était de désengorger les tribunaux en transférant la gestion des saisies sur rémunérations à une nouvelle entité : le commissaire de justice. Ce dernier est issu de la fusion des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, créée en 2022.
Désormais, l’employeur reçoit un PV procès verbal de saisie directement de la part du commissaire de justice. Ce changement vise à simplifier et accélérer le processus, en évitant les délais souvent associés aux interventions judiciaires.
Quelles sont les nouvelles obligations des employeurs dans le cadre de cette procédure ?
Bien que les obligations fondamentales de l’employeur n’aient pas radicalement changé, certaines nuances méritent d’être soulignées. Lorsqu’un employeur reçoit un PV de saisie, il doit immédiatement informer le commissaire de justice de l’état de sa relation avec le salarié concerné. Cela inclut des informations telles que le statut actuel du salarié (est-il toujours en poste ?), le montant de sa rémunération, et toute autre circonstance pertinente (par exemple, la suspension du contrat de travail).
Un changement majeur introduit par la réforme concerne le mode de calcul des prélèvements »L’employeur est également tenu de procéder à la saisie sur salaire en conformité avec les instructions reçues, et de reverser les sommes prélevées au commissaire de justice. Auparavant, ces sommes étaient versées aux greffes des tribunaux. Le principal changement réside donc dans l’interlocuteur, qui est désormais le commissaire de justice, et dans les modalités de versement des fonds.
Un changement majeur introduit par la réforme concerne le mode de calcul des prélèvements. Auparavant, l’employeur établissait un échéancier basé sur les quotités saisissables, ce qui pouvait conduire à des prélèvements variables en fonction du solde restant de la dette. Désormais, l’employeur doit prélever chaque mois la totalité de la quotité saisissable, indépendamment du solde de la dette, jusqu’à ce qu’il reçoive une mainlevée du commissaire de justice. Cette nouvelle règle nécessite une adaptation des systèmes de paie, obligeant notamment les éditeurs de logiciels à mettre à jour leurs solutions pour refléter ces changements.
Comment accompagnez-vous les entreprises clientes dans la mise en place de ces nouvelles obligations ?
Chez ADP, nous avons pris des mesures proactives pour accompagner nos clients dans cette transition.
L’un des points clés de ce dialogue a été la synchronisation des envois de mains levées avec les cycles de paie »En tant que membre de l’association des éditeurs de logiciels de paie SDDS Simplification et Dématérialisation des Données Sociétés , qui regroupe 99 % des paies du secteur privé, nous avons engagé un dialogue constructif avec la Chambre nationale des commissaires de justice. L’un des points clés de ce dialogue a été la synchronisation des envois de mains levées avec les cycles de paie, afin que les employeurs puissent intégrer ces informations dans leurs processus de paie mensuels.
Nous avons également intensifié nos efforts de communication légale. Une newsletter mensuelle, rédigée en collaboration avec notre équipe juridique, est envoyée à tous nos clients pour les informer des évolutions réglementaires et des bonnes pratiques à adopter. Nous avons également organisé des événements, tels que la matinale de l’actualité sociale à Nanterre, pour présenter ces sujets en détail à nos clients et prospects.
Notre service juridique de ligne sociale, qui offre des conseils juridiques aux clients abonnés, est en première ligne pour répondre aux questions et préoccupations liées à la réforme. Les équipes techniques, quant à elles, travaillent activement à la mise à jour des logiciels de paie pour garantir leur conformité avec les nouvelles exigences.
Quelles sanctions en cas de non-respect de ces règles pour les employeurs ?
Le non-respect des obligations liées à la saisie sur rémunération peut entraîner des sanctions significatives pour les employeurs. Deux types de manquements peuvent être identifiés. Déjà, si l’employeur ne déclare pas l’état de sa relation avec le salarié ou omet d’informer le commissaire de justice des événements susceptibles de suspendre ou de mettre fin à la saisie (par exemple, un arrêt maladie non maintenu), il risque une amende civile pouvant atteindre 10 000 euros.
Le commissaire de justice peut solliciter l’intervention du juge de l’exécution »De plus, des dommages et intérêts peuvent être réclamés en cas de préjudice.
D’autre part, si l’employeur ne procède pas à la saisie sur salaire comme requis, le commissaire de justice peut solliciter l’intervention du juge de l’exécution. Dans ce cas, l’employeur pourrait être condamné à rembourser les sommes initialement dues par le salarié débiteur. Il est donc crucial pour les employeurs de respecter scrupuleusement les procédures établies pour éviter de telles sanctions.
Comment est calculée la part de la rémunération pouvant faire l’objet d’une saisie ? Quelle somme doit obligatoirement rester à la disposition du salarié ?
Les règles de calcul de la quotité saisissable n’ont pas été modifiées par la réforme. Le calcul repose sur un barème annuel, qui détermine les pourcentages à prélever sur différentes tranches de rémunération. Ce barème est ajusté chaque année et tient compte de la situation familiale du salarié, notamment s’il a des personnes à charge.
Le salarié doit conserver une fraction insaisissable, équivalente au montant du RSA pour une personne seule »Indépendamment des sommes saisies, le salarié doit conserver une fraction insaisissable, équivalente au montant du RSA Revenu de solidarité active pour une personne seule, soit 646,52 euros depuis le 01/04/2025. Ce montant est conçu pour garantir un minimum vital au salarié. Les tranches de rémunération sont appliquées à la rémunération nette, après déduction des cotisations sociales et du prélèvement à la source.
Il est important de noter que la saisie sur rémunération intervient après d’autres types de prélèvements, tels que les pensions alimentaires, qui ont priorité. Ainsi, si une pension alimentaire absorbe la totalité de la quotité saisissable, la saisie sur rémunération ne pourra être effectuée.
Les entreprises ont-elles bien anticipé la tenue de cette réforme ?
Les entreprises commencent à prendre pleinement conscience des implications de cette réforme, notamment en ce qui concerne la communication avec leurs salariés. Selon la Chambre nationale des commissaires de justice, environ 280 000 saisies sur rémunération sont en cours en France. ADP, qui gère les paies de trois millions de salariés en France chaque mois, est directement concernée par cette réforme.
La communication avec les salariés est essentielle pour éviter toute confusion, notamment si des précomptes continuent alors que les salariés pensent avoir soldé leur dette.
Le montant initial reçu par l’employeur n’est qu’indicatif et ne peut plus servir de base pour établir un échéancier »L’employeur n’est informé que du premier montant de la dette, mais le commissaire de justice gère la répartition entre les différents créanciers. Par conséquent, le montant initial reçu par l’employeur n’est qu’indicatif et ne peut plus servir de base pour établir un échéancier comme avant la réforme.
Une période transitoire est-elle prévue pour les saisies en cours au 01/07/2025 ?
La transition vers la nouvelle procédure s’est opérée au 01/07/2025. Les commissaires de justice ont précisé qu’il fallait stopper les paiements aux greffes pour les saisies en cours en juin 2025, en raison des délais bancaires. ADP a informé ses clients de cette situation, leur laissant le choix de valider ou non l’envoi du paiement aux greffes. Les paiements en cours ont dû être interrompus et la procédure doit être reprise auprès du commissaire de justice. Cela signifie que pendant quelques mois, les salariés concernés pourraient percevoir l’intégralité de leur salaire, jusqu’à ce que la procédure reprenne ou qu’un accord soit trouvé entre le salarié débiteur et son créancier.
Parcours
Responsable veille légale et DSN
Établissement & diplôme
Droit social
Fiche n° 54424, créée le 03/07/2025 à 17:16 - MàJ le 03/07/2025 à 17:20
ADP
• Société américaine cotée sur le Nasdaq
• Création : 1949
• Siège social installé à Roseland (New Jersey).
• Mission : édition de solutions logicielles de gestion RH, de paie et de gestion du capital humain (HCM) et fournisseur de services d’externalisation de la paie.
• Implantation : États-Unis, Brésil, Royaume-Uni, France, Suisse, Italie, Allemagne (actif dans 140 pays)
• Effectif : 64 000 employés dans le monde (dont 2 100 en France)
• Chiffre d’affaires : 16,5 Md€ (2023)
• Présidente et CEO : Maria Black
• Président France : Carlos Fontelas De Carvalho
• DRH groupe : Paul Boland
• DRH France et Suisse : Élodie Gourmellet
• Contacts presse ADP France :
- Marie Goislard (agence Rumeur Publique)
- Gaëtan Heu (agence Rumeur Publique)
• Tél. : 01 55 74 52 33
Catégorie : Etudes / Conseils
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Fiche n° 5721, créée le 07/09/2017 à 10:18 - MàJ le 03/07/2025 à 17:13
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