IA : « L’outil passe par une réflexion sur l’organisation du travail » (C. Bienenfeld, Groupe Alpha)
« Les entreprises ont tout à gagner à ce dialogue : qu’il s’agisse d’adoption des outils, essentielle aux gains de productivité, de limitation des risques, en révélant les utilisations irrégulières, ou encore de soutenabilité du travail. Cette dernière a un impact direct sur les conditions de travail et, donc, sur l’absentéisme et la fidélisation des salariés, in fine, sur le bon fonctionnement de l’entreprise », déclare Clémentine Bienenfeld
Consultante @ Groupe Alpha
, consultante au Groupe Alpha
• Groupe de conseil et d’expertise• Création : 1983• Missions : - accompagnement des représentants du personnel et des organisations syndicales (SECAFI),- conseil en organisation du travail et QVT…
et animatrice métier IA-Tech chez Secafi, dans un entretien à News Tank le 13/01/2025.
« Au Groupe Alpha, nous sommes engagés dans une phase de sensibilisation, d’acculturation et d’accompagnement de nos collaborateurs aux divers outils de l’IA
Intelligence artificielle
. L’objectif est de leur fournir toutes les connaissances nécessaires pour qu’ils puissent utiliser ces outils de manière éclairée et avec efficacité », indique Camelia Nastase
Consultante @ Groupe Alpha
, consultante au Groupe Alpha et animatrice métier IA-Tech chez Sémaphores.
Clémentine Bienenfeld et Camelia Nastase répondent aux questions de News Tank RH
Comment l’IA influe sur le travail et quelles sont les tâches potentiellement menacées ? L’intelligence artificielle va-t-elle faire disparaître le travail ou l’invisibiliser ?
Camelia Nastase : L’intelligence artificielle révolutionne le monde du travail en automatisant des tâches et en ouvrant de nouvelles perspectives, notamment avec l’émergence des IA génératives.
Cette transformation pose des questions éthiques et de responsabilité »Cependant, cette transition soulève des défis majeurs. La montée en compétences des collaborateurs devient essentielle pour éviter un creusement des inégalités sur le marché du travail. Les entreprises et les institutions doivent investir dans la formation continue pour permettre à leurs collaborateurs d’acquérir les savoir-faire nécessaires à la collaboration avec l’IA.
Par ailleurs, cette transformation pose des questions éthiques et de responsabilité. Par exemple, l’utilisation de l’IA dans les processus de recrutement peut engendrer des biais ou des discriminations involontaires si les algorithmes reposent sur des conceptions inadéquates ou des données biaisées. De plus, la protection des données personnelles et la transparence des décisions prises par les systèmes d’IA représentent des enjeux majeurs, soulevant de nouveaux défis juridiques et sociétaux.
Clémentine Bienenfeld : L’intelligence artificielle, notamment l’intelligence artificielle générative, a une incidence multidimensionnelle pour l’entreprise. Elle affecte son environnement sous toutes ses dimensions : économique, industrielle, sociale, RH. Elle transforme le modèle économique dans lequel l’organisation évolue, avec des conséquences sur les chaînes de valeurs, le rôle des acteurs, le partage de la valeur. En ce sens, l’intelligence artificielle est perçue comme affectant le travail, avec de réelles inquiétudes pour la majorité des salariés ou des agents. Introduire une IA en entreprise relève du champ stratégique, du seul ressort de l’entreprise.
Or, la manière dont elle est mise en œuvre aura des impacts sur le travail. C’est sans doute là où nous pouvons avoir une influence positive, en encourageant les entreprises à ne pas s’engager unilatéralement dans un tel processus de transformation et en y associant les représentants du personnel. Ces derniers ne se transformeront pas en spécialistes des outils IA. En revanche, ils peuvent accompagner le mouvement en allant voir les salariés qui travaillent avec ces outils, en les interrogeant sur l’intérêt qu’ils y trouvent, leurs constats en termes d’impacts sur leur travail, s’ils ont des inquiétudes, notamment pour leur métier et leur emploi, etc. C’est ainsi que ces outils pourront être adoptés de manière soutenable par et pour tous les salariés.
Quels sont les gains de productivité prévus ?
Camelia Nastase : Différentes études réalisées sur le sujet estiment des gains de productivité pouvant atteindre jusqu’à 40 % dans certains pays. Un facteur clé pour atteindre ce chiffre réside dans l’adoption de l’IA par les entreprises. L’ampleur des bénéfices dépendra de la rapidité et de l’étendue de l’intégration de l’IA dans les processus des entreprises ainsi que de la capacité des collaborateurs à s’adapter et à collaborer avec des systèmes d’IA. En France, presque un tiers des entreprises ont intégré l’IA dans leurs activités, un taux d’adoption relativement faible si on le compare à celui de l’Amérique du Nord, où 59 % des entreprises exploitent déjà le potentiel de l’IA.
Au Groupe Alpha • Entreprise spécialisée dans l’expertise et le conseil à destination des instances représentatives du personnel et des organisations syndicales. Au 01/09/2019, rapprochement au sein du Groupe Alpha… , nous sommes engagés dans une phase de sensibilisation, d’acculturation et d’accompagnement de nos collaborateurs aux divers outils de l’IA. L’objectif est de leur fournir toutes les connaissances nécessaires pour qu’ils puissent utiliser ces outils de manière éclairée et avec efficacité. Parallèlement, nous avons démarré des expérimentations avec différents modèles d’IA pour des tâches bien identifiées, telles que les transcriptions, l’analyse des comptes-rendus et la synthèse de documents volumineux.
À plus long terme, nous envisageons d’élargir ces expérimentations pour couvrir des activités plus complexes, comme l’analyse prédictive, l’optimisation des processus opérationnels et le soutien à la prise de décision. Cela nécessitera non seulement un renforcement des compétences techniques, mais aussi une réflexion stratégique pour intégrer l’IA dans les métiers tout en préservant leur essence et leur valeur ajoutée.
Cette transformation ne peut toutefois se faire sans une approche responsable. Nous veillons à adopter des pratiques éthiques dans l’utilisation de l’IA, notamment en nous assurant de la transparence des modèles utilisés, de l’explicabilité des décisions automatisées et de la protection des données sensibles. Par exemple, une entreprise pourrait réaliser des gains de productivité quasi-immédiats sans maîtriser la confidentialité de ses propres données ou des données de ses clients. Une vigilance de toutes les parties prenantes doit être mieux encadrée à ce sujet.
La question écologique et climatique liée à l’utilisation de ces outils se posera de plus en plus »Clémentine Bienenfeld : En effet, le discours ambiant fait percevoir des gains de productivité forts grâce à ces outils, mais il ne faut pas oublier que cette promesse bénéficie avant tout à ceux qui la tiennent. Je pense en particulier aux producteurs desdits outils et à ceux qui accompagnent leur déploiement.
Aujourd’hui, bien malin est celui qui peut prédire les gains de productivité réels, sans compter que la question écologique et climatique liée à l’utilisation de ces outils se posera de plus en plus et que l’IA s’avère très coûteuse. Ce qui est sûr, comme le souligne Camelia, c’est que l’une des conditions primaires à ces gains est de favoriser l’adoption en interne de l’outil IA.
Cela passe par une réflexion sur l’organisation du travail - impacts sur la charge de travail, son intensité, sur les process - et nécessite d’embarquer ceux qui l’utiliseront. N’occultons pas le fait que cette recherche de gains de productivités concerne les entreprises mais également les salariés qui utilisent ces outils IA pour augmenter les leurs. Face à une gestion un peu désordonnée de l’arrivée de l’IA, nous préconisons au Groupe Alpha, selon les préconisations du Dial-IA, un manifeste regroupant des organisations syndicales salariales et patronales ainsi que des chercheurs de l’Ires & de l’Anact Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail , la création d’un registre de l’IA, sur le modèle du registre RGPD Règlement général sur la protection des données (réglementation européenne entrée en vigueur le 25/05/2018) , une solution adaptée à l’échelle de l’entreprise, côté management comme IRP Instances Représentatives du Personnel , pour clarifier l’utilisation des outils IA et, ainsi, limiter les risques associés.
Ce registre renseignerait l’ensemble des solutions IA présentes dans l’entreprise, leur coût, les gains de productivité escomptés et sous quelle forme, les formations et autres accompagnements prévus pour les usagers, les risques identifiés, etc.
La régulation actuelle en France et en Europe est-elle suffisante ?
Camelia Nastase : Aujourd’hui, il existe une base pour encadrer le développement et l’utilisation de l’IA, via l’AI Act Règlement européen sur l’IA . Ce règlement européen établit un cadre juridique basé sur une approche par le risque. Selon nos observations, ce cadre présente des limites et des zones d’incertitude face à la rapidité des avancées technologiques. En outre, les principaux acteurs de l’IA se trouvent surtout aux États-Unis et en Chine. Mettre en place une coopération internationale pour une harmonisation de la régulation de l’IA nous paraît, à ce titre, nécessaire pour garantir une utilisation responsable et éthique de cette technologie au niveau mondial.
Clémentine Bienenfeld : Parce que l’AI Act, entré en vigueur le 01/08/2024, ne prévoit pas spécifiquement de mesure sur l’IA dans l’entreprise, outre les IA en lien avec la gestion de carrière, cela laisse la place au dialogue social au sein de chaque organisation pour adresser ce sujet. Cela peut être l’occasion d’être inventifs et proactifs.
Quelles sont vos recommandations aux acteurs du dialogue social en matière d’IA ?
Clémentine Bienenfeld : Notre recommandation est d’en faire un objet positif du dialogue social, un sujet sur lequel bâtir ensemble la confiance et en limiter les risques. Quitte à repenser le dialogue social, car l’IA est constante évolution et en interaction avec l’organisation. L’IA est là : on ne peut plus reculer ou se cacher derrière l’arbre. Le temps est venu de transformer les méthodes du débat face à cette révolution.
Nous conseillons de mettre en place un comité IA, si possible sous la forme d’une commission du CSE »Au Groupe Alpha, nous préconisons de prévoir des temps d’échanges structurés et réguliers sur la question de l’IA et le meilleur moment est celui des orientations stratégiques. Il permet d’avoir une analyse pluridimensionnelle en intégrant les thèmes essentiels de la gestion des compétences, de la formation, des recrutements, des investissements, des conséquences sur le modèle économique ou sur l’environnement de l’entreprise. L’introduction de l’IA constitue un bouleversement majeur : accompagnons-le sous toutes ses dimensions. Cela nécessite de repenser les modalités temporelles du dialogue social.
C’est la raison pour laquelle nous conseillons, d’une part, lorsqu’un projet structurant se présente, d’associer les métiers dès le début et de faire expérimenter cet outil en condition réelle, via un accord de méthode. D’autre part, de mettre en place un comité IA, si possible sous la forme d’une commission du CSE Comité social et économique . Cette instance doit réunir l’ensemble des parties prenantes, à savoir les représentants de la direction, les représentants du personnel mais également des juristes et un délégué éthique. Les entreprises ont tout à gagner à ce dialogue : qu’il s’agisse d’adoption des outils, essentielle aux gains de productivité, de limitation des risques, en révélant les utilisations irrégulières, ou encore de soutenabilité du travail. Cette dernière a un impact direct sur les conditions de travail et, donc, sur l’absentéisme et la fidélisation des salariés, in fine, sur le bon fonctionnement de l’entreprise.
Les acteurs du dialogue social ont un rôle clé à jouer »Camelia Nastase : Les acteurs du dialogue social, au premier rang desquels les organisations syndicales, les directions d’entreprise ou les gouvernements, ont un rôle clé à jouer dans la régulation et l’intégration de l’IA dans le monde du travail. Ces acteurs doivent encourager une utilisation transparente et éthique de l’IA, en intégrant des clauses spécifiques dans les accords collectifs et en protégeant les droits des collaborateurs. Il est essentiel d’anticiper les transformations du travail en investissant dans la formation et en accompagnant les transitions professionnelles. Enfin, comme le précise Clémentine, un dialogue constant et une évaluation régulière des impacts permettront d’ajuster les politiques pour garantir une adoption responsable de l’IA.
Parcours
Consultante
Établissement & diplôme
Master en recherche socio-économie
Master économie et sciences sociales
Fiche n° 53189, créée le 13/01/2025 à 11:10 - MàJ le 13/01/2025 à 11:27
Parcours
Consultante
Établissement & diplôme
Master 2 intelligence économique et analyse des risques
Master 1 information et communication
Fiche n° 28139, créée le 17/01/2018 à 11:50 - MàJ le 13/01/2025 à 11:28
Groupe Alpha
• Groupe de conseil et d’expertise
• Création : 1983
• Missions :
- accompagnement des représentants du personnel et des organisations syndicales (SECAFI),
- conseil en organisation du travail et QVT (SEMAPHORES),
- conseil en management (TH CONSEIL),
- conseil en expertise comptable (GVA),
- accompagnement et études auprès des organismes de formation, des branches professionnelles, des Opco et des entreprises (LAFAYETTE).
• CA : 102 M€ (2023)
• Effectifs : 900 personnes
• Président du conseil d’administration : Pierre Ferracci
• Directrice générale : Estelle Sauvat
• Secrétaire général : Thierry Hubert
• DRH : Frédéric Clinckemaillie
• Contact : Caroline Olivier, responsable communication, relations presse et réseaux sociaux
• Tél. : 01 53 62 70 00 / 06 74 29 69 61
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
Groupe Alpha
20-24 rue Martin Bernard
75013 Paris France
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Fiche n° 5893, créée le 05/10/2017 à 05:27 - MàJ le 29/01/2025 à 15:24
Secafi (Groupe Alpha)
• Filiale du Groupe Alpha.
• Création : 1983
• Effectif : 600 personnes
• CA : 90 M€ (2020)
• Directrice générale : Estelle Sauvat, depuis le 20/04/2020
• Président du CA du Groupe Alpha : Pierre Ferracci
• Contact : Caroline Olivier, relations presse
• Tél. : 01 53 62 70 00
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
24 rue Martin Bernard75013 Paris France
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Fiche n° 6136, créée le 11/12/2017 à 07:43 - MàJ le 13/01/2025 à 11:02
Sémaphores
• Cabinet d’audit, de conseil et d’expertise comptable intervenant auprès des décideurs publics et des entreprises. Sémaphores est une filiale du Groupe Alpha
• Effectif : 300 consultants et experts dans toutes les régions françaises (400 points d’intervention et espaces collaboratifs)
• Directeur général : Philippe Bonnin
• Directeur général délégué : Patrick Porte Partarrieu
• Contact : Caroline Olivier, relations presse
• Tél. : 06 74 29 69 61
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
20-24 rue Martin Bernard75013 Paris France
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Fiche n° 5381, créée le 21/07/2017 à 10:17 - MàJ le 13/01/2025 à 14:46
© News Tank RH - 2025 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »