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« 4 jours de travail : la meilleure mesure que je n’ai jamais prise » (Laurent de la Clergerie, LDLC)

News Tank RH - Paris - Entretien n°233193 - Publié le 04/11/2021 à 19:29
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©  Marie-Eve Brouet
Laurent de la Clergerie - ©  Marie-Eve Brouet

« Quand je leur demande s’ils auraient vécu la même expérience avec 32 heures de travail par semaine sur cinq jours, ils répondent “non” de manière unanime. Ce qui change leur vie c’est d’avoir un jour de repos par semaine. J’ai mis en place diverses mesures pour améliorer le bien-être mais la semaine de quatre jours, c’est puissance 10. C’est la meilleure mesure que je n’ai jamais prise », déclare Laurent de la Clergerie Fondateur @ L’Ecole LDLC • Investisseur @ NLCL • Président du directoire @ LDLC.com
, PDG de LDLC à propos de ses salariés, dans un entretien à News Tank, le 04/11/2021.

Depuis le passage en janvier 2021 à la semaine de 4 jours à raison de 32 heures par semaine payées 35, « ils font la même quantité de travail qu’avant avec moins de pression car ils ont un jour de repos dans la semaine. Et à la fin de la semaine, ils sont bien plus reposés et heureux. »

« Le pays que je regarde en ce moment, c’est l’Espagne, qui va tenter une expérimentation sur 200 entreprises. C’est une bonne idée car dans certains secteurs, la mise en place des 32 heures, peut être un peu plus compliquée. Choisir un certain nombre d’entreprises, les tester, faire un retour et prendre des mesures en fonction de cette expérimentation me semble être la meilleure solution. »

« S’il y a quelque chose à faire ce n’est pas sur les 32 heures. Une entreprise a intérêt à passer à quatre jours par semaine avec 33, 34 ou 35 heures si elle le souhaite plutôt que de tenter les 32 heures sur cinq jours. »


Laurent de la Clergerie, PDG de LDLC, répond à News Tank

Comment se déroule le passage à la semaine de 4 jours à raison de 32 heures par semaine payées 35 depuis janvier 2021 ?

Ce dispositif concerne 800 salariés du groupe sur un total de 1 000 salariés. En avril 2022, les autres salariés appartenant à nos filiales passeront à la semaine de quatre jours sauf deux filiales :

  • L’une car le président est contre ;
  • L’autre car elle ne comprend que quatre salariés avec des métiers différents.

Le dispositif est assez simple  : nous avons passé les salariés en temps partiel avec un meilleur taux horaire et nous avons maintenu les salaires. Il a fonctionné du jour au lendemain. C’était impressionnant à vivre. C’est comme s’il n’y avait pas eu de changement dans l’entreprise sauf le fait de recevoir des mails réguliers indiquant « je suis off ». 

Pourquoi l’un des présidents d’une de vos filiales refuse le passage à la semaine des 4 jours ?

Il s’agit de la filiale Anikop qui a déjà mis en place les congés illimités et qui ne souhaite pas en plus ajouter le passage aux quatre jours de travail par semaine.

Songez-vous aux congés illimités ?

J’y avais songé mais je ne le ferai pas. L’intérêt du congé illimité ne serait pas très grand avec la semaine de quatre jours. Pour moi c’est de l’hypocrisie car le salarié doit faire le travail habituel et s’il le fait, il prend autant de congés qu’il le souhaite. Le côté pratique de ce congé intervient en cas de déménagement, décès, etc.. où il faut poser des jours supplémentaires en les demandant au manager.

Avant la mise en place de cet accord, vous nous aviez dit que l’idéal pour vous serait que les salariés posent le mercredi et pas le lundi ou le vendredi comme jour « off ». Qu’en est-il dans les faits ?

J’avais en effet cette idée en tête mais au final nous avons ouvert l’intégralité des jours à tous les services. Chaque service s’est organisé. Certains ont interdit le mardi afin qu’il soit un jour de collectif de travail. La logistique a limité le lundi car c’est un gros jour de production.

Des binômes pour que tout le monde obtienne le jour souhaité »

Comme nous avions beaucoup de demandes sur le vendredi et que la boîte doit fonctionner le vendredi, nous avons créé des binômes pour que tout le monde obtienne le jour souhaité au moins une fois de temps en temps.

Le vendredi est possible la semaine impaire et la semaine paire, le salarié est « off » un autre jour et inversement pour chaque binôme.

L’une des questions qui restait sur la table concernait vos salariés à 37 et 39 heures par semaine…

Entre-temps, nous avons augmenté les salaires et les salariés aux 37 heures sont tous passés à la semaine de 4 jours à 32 heures par semaine. Et quelques salariés aux 39 heures sont passés aux 32 heures par semaine plus deux heures supplémentaires.

Les cadres au forfait jours ont perdu leurs RTT avec le passage aux 32 heures. Comment l’ont-ils vécu ?

En effet, les cadres au forfait jours ne bénéficient plus de RTT. J’ai eu une seule remontée d’une personne qui n’est pas contente. Avant la mise en place, ils étaient plus nombreux à râler mais une fois l’accord appliqué, ils ne souhaitent pas revenir en arrière.

Vous aviez identifié des difficultés avant la mise en place de la semaine de 4 jours : trois ou quatre salariés travaillaient sept heures par jour avec un deuxième emploi à trois heures par jour…

Ces salariés ne sont pas revenus vers nous après la mise en place du dispositif. Je pense qu’ils se sont adaptés.

Concernant le coût, vous l’aviez estimé à un million d’euros avec une prévision de 30 à 40 embauches… Vos prévisions étaient-elles exactes ?

Sur ce sujet je me suis complètement planté. Nous n’avons pas effectué des embauches et cela n’a rien coûté. Je pense même que j’ai gagné de l’argent.

Comment l’expliquez-vous ?

Ce dispositif a obligé les gens à se réorganiser. Le fait d’être présent quatre jours et non plus cinq jours et devoir faire passer le travail à quelqu’un d’autre a forcé à mieux s’organiser et à mieux clôturer ses journées afin que les gens qui enchaînent puissent réaliser le travail. Cela a aussi limité les réunions, en plus du télétravail.

Sur des services où j’imaginais embaucher comme dans la relation client ou la logistique, en modulant les emplois du temps des jours par rapport aux jours d’activité et en rééquilibrant les jours en fonction du travail effectif, nous n’avons pas eu besoin d’embaucher.

Plus reposés et heureux »

La question que l’on pourrait se poser est que tout le monde fait le travail d’avant en 32 heures au lieu de 35 ou 37h avec plus de stress. C’est le contraire, les gens sont heureux. Ils font la même quantité de travail qu’avant avec moins de pression car ils ont un jour de repos dans la semaine. Et à la fin de la semaine, ils sont bien plus reposés et heureux.

Avant la mise en place du dispositif, vous nous aviez confié que certains salariés avaient peur, notamment les managers pour la gestion des équipes et la tenue des délais. Les avez-vous rassurés depuis ?

Nous avons effectué un sondage sur l’accueil du dispositif :

  • 8 % des gens ont indiqué comme remarque : «  je n’y croyais pas mais finalement c’est bien » ;
  • 35 % ont dit : «  ça a changé ma vie, c’est que du bonheur » ;
  • 50 % :«  c’est un vrai plus dans ma vie ».

Tous les ans, vous rencontrez l’ensemble des salariés pendant une semaine par groupe de vingt en mode questions-réponses. Ces échanges ont-ils été sources de propositions ou d’inspirations pour passer à une autre étape ?

Je les ai rencontrés en octobre 2021 et ils sont enthousiastes, cela fait plaisir à voir. J’ai passé une superbe semaine. J’ai déjà des idées mais je ne les mettrai pas en place tout de suite car, j’aimerais que d’autres entreprises nous suivent. Je l’ai expliqué aux collaborateurs. Je leur ai dit : « ce que vous vivez, le fait que vous soyez heureux, c’est dommage que ce dispositif n’existe quasiment que dans notre boîte. Aujourd’hui, nous ne devons pas aller trop loin dans les étapes pour que d’autres basculent en y croyant. Si nous courons trop loin devant les autres, nous n’arriverons plus à convaincre les autres entreprises de nous suivre et ce serait dommage. »

Ce qui change leur vie c’est d’avoir un jour de repos par semaine »

Quand je leur ai demandé s’ils auraient vécu la même expérience avec 32 heures de travail par semaine sur cinq jours, ils ont répondu « non » de manière unanime. Ce qui change leur vie c’est d’avoir un jour de repos par semaine. J’ai mis en place diverses mesures pour améliorer le bien-être mais la semaine de quatre jours, c’est puissance 10. C’est la meilleure mesure que je n’ai jamais prise.

Quels sont les retours des partenaires sociaux depuis la mise en place des 32 heures ?

Le climat social est au zénith. Nous avons accueilli un journaliste de Médiapart. Il a d’abord passé la journée à l’entrepôt à la rencontre des syndicats et des salariés. Et le lendemain, lorsqu’il a échangé avec moi, il m’a dit : «  j’ai vu que ça marchait. Ici, même la CGT vous aime. »

La CGT a d’ailleurs relancé en octobre 2021 le débat en faveur des 32 heures par semaine…

4 jours par semaine avec 33, 34 ou 35 heures »

En effet, une délégation CGT s’est déplacée pour venir voir comment nos salariés travaillaient. J’insiste sur la notion des 4 jours de travail par semaine et non sur les 32 heures par semaine. Ce qui a changé la vie des gens, ce sont les quatre jours de travail par semaine. S’il y a quelque chose à faire ce n’est pas sur les 32 heures. Une entreprise a intérêt à passer à quatre jours par semaine avec 33, 34 ou 35 heures si elle le souhaite plutôt que de tenter les 32 heures sur cinq jours.

À la suite de la mise en place de l’accord, vous avez augmenté les salaires lors des NAO…

En effet, en avril 2021, nous avons eu les NAO Négociation annuelle obligatoire de l’année 2021 et comme le passage à la semaine de 4 jours fonctionnait, nous en avons profité pour remonter fortement les bas salaires. Nous avions déjà un Smic qui était à +15 % et nous l’avons augmenté de +25 %. Donc nous avons augmenté en moyenne les bas salaires de +10 %

Beaucoup de chefs d’entreprise vous contactaient sur LinkedIn avant la mise en place du dispositif. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il y en a de plus en plus quel que soit le secteur d’activité. Ils cherchent à comprendre les risques à prendre sur le passage à 4 jours. Et de nombreux clubs de dirigeants me demandent d’intervenir. Je le fais régulièrement si bien que lorsqu’on me demande si j’applique la semaine de quatre jours, je réponds qu’entre les demandes des dirigeants et les interviews, c’est impossible en gérant aussi l’entreprise.

Le sujet des 32 heures est devenu d’actualité. Comment l’expliquez-vous ?

Maintenant que je le vis chez LDLC, c’est un vrai plus de bien-être pour les salariés même si je ne sais pas si le dispositif peut s’appliquer partout.

Sur les embauches, je me suis rendu compte que ça ne génère pas autant d’embauches que de temps de travail en moins. Par contre, ça génère un bien-être qu’il faut vire pour le comprendre. Nous avons reçu des journalistes sceptiques, puis après leurs échanges avec des salariés qu’ils ont choisis eux-mêmes, ils sortent de notre entreprise, en étant enthousiastes. Ils ont vu des gens heureux.

Ne pensez-vous pas que ce sujet interpelle car après la crise de la covid-19, les aspirations des salariés ont changé ?

Il faut en tenir compte mais c’est bien plus que la quête de sens post-covid. Le fait d’avoir un jour de pause dans la semaine est un vrai rééquilibre de la vie. Si la crise sanitaire n’avait pas eu lieu, le sentiment aurait été le même.

Les médias parlent beaucoup des cadres, managers et salariés qui ont mal vécu la crise sanitaire ainsi que la pression mentale. Cela n’existe pas chez nous. Les gens ont tous le sourire.

Le temps de travail sera l’un des sujets de la présidentielle 2022. La gauche prône les 32 heures, la droite pour un assouplissement des 35 heures… Quel est votre avis en tant que dirigeant ?

Espagne : une expérimentation sur 200 entreprises »

Le pays que je regarde en ce moment, c’est l’Espagne, qui va tenter une expérimentation sur 200 entreprises. C’est une bonne idée car dans certains secteurs, la mise en place des 32 heures, peut être un peu plus compliquée. Choisir un certain nombre d’entreprises, les tester, faire un retour et prendre des mesures en fonction de cette expérimentation me semble être la meilleure solution.

Mais l’on reproche à l’Espagne de mettre en place la semaine des 32 heures alors que le pays a des difficultés de productivité…

Ceux qui disent cela n’y croient pas. Mais moi je suis certain que la productivité est meilleure aux 32 heures par semaine qu’aux 35 heures. Je pense que les salariés font non seulement le même travail qu’avant mais ils sont capables d’en faire plus car ils sont beaucoup mieux dans leur tête.

« ça ne marche que chez toi Laurent » »

Je suis attentif à l’actualité car comme le dispositif fonctionne parfaitement, je trouve dommage qu’il ne soit pas plus appliqué. Certaines personnes me disent :«  ça ne marche que chez toi Laurent car le bien-être des salariés a toujours été une préoccupation pour toi. Cela ne peut pas se reproduire ailleurs car tu gères ta boîte de façon particulière ». Ils trouvent toutes les excuses pour ne pas l’appliquer chez eux. Je suis persuadé que le dispositif marcherait dans plein d’autres entreprises.

Dans quel contexte la mise en place des 32 heures ne fonctionnerait pas ?

J’ai eu le témoignage d’une entreprise de vente de transport par exemple qui m’a dit que mes salariés ont augmenté la cadence en logistique sans que j’aie eu besoin d’embaucher. Mais chez eux, les chauffeurs roulent à 90km/h et demain, ils ne pourront pas rouler à 100km/h.

J’ai eu aussi le témoignage d’une entreprise qui vend des journées de conseil. En faisant travailler les consultants 4 jours au lieu de 5, elle aura du mal à faire augmenter les prix de 20 % aux clients et elle perdra un jour de facturation.

Il existe peut-être des solutions mais c’est moins intuitif que chez LDLC.

Laurent de la Clergerie


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Parcours

L’Ecole LDLC
Fondateur
NLCL
Investisseur
LDLC.com
Président du directoire
KATZAMI
Président

Fiche n° 40597, créée le 24/09/2020 à 17:20 - MàJ le 24/09/2020 à 17:24

Groupe LDLC

Groupe spécialisé dans le commerce en ligne
Activités  : dans le domaine de l’informatique, du high-tech, de la maison ou encore de l’éducation.
11 marques dont 5 sites marchands
Création : 1996
Président : Laurent de la Clergerie
Implantation : France, Belgique, Luxembourg et Suisse
Effectif : 1017 salariés
Chiffre d’affaires (2022) : 567,4 M€
Contact : Isabelle Charconnet, attachée de presse
Tél. : 04 27 46 32 47


Catégorie : Grandes Entreprises Privées


Adresse du siège

2 Rue des Érables,
69760 Limonest France


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Fiche n° 10208, créée le 24/09/2020 à 17:08 - MàJ le 26/09/2023 à 18:34


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©  Marie-Eve Brouet
Laurent de la Clergerie - ©  Marie-Eve Brouet