Le télétravail : et si l’on se trompait ? (Daniel Dreux, Dare to Transform)
Avec la crise sanitaire provoquée par la Covid 19, et l’urgence de sa gestion, nous avons stoppé quasiment l’intégralité de notre économie pour rester confinés à la maison à l’exception :
• Des personnels soignants et de nos héros de première et seconde lignes qui permettaient à la population de continuer à vivre ;
• Des personnes en télétravail qui assuraient une continuité de service nécessaire ou a minima, et nous avons placé en chômage partiel le reste de la population active.
Le télétravail n’est ni la France des territoires, ni le monde de l’entreprise.
Les Français ont-ils vraiment pris goût au travail à la maison ?
Une analyse de Daniel Dreux
CEO @ Dare to Transform
, CEO de Dare to Transform, ancien VPHR de Disneyland Paris.
Crise sanitaire : ouverture de l’acte IV
Six mois après le début de la crise sanitaire, nous abordons l’acte IV de la crise sanitaire, après avoir traversé trois phases :
- acte I - le confinement,
- acte II - le déconfinement,
- acte III - les congés.
En cette rentrée, qui ne se situe pas seulement sur le plan scolaire mais aussi sur celui de la santé publique, économique et sociale, c’est dans un climat anxiogène largement relayé par les médias et en complément des mesures sanitaires prises pour un retour à la normale aussi vite que possible, que l’on encourage les entreprises à recourir au télétravail.
Une crise révélatrice de tendances
Les crises sont toujours des révélateurs de tendances. Celle du Coronavirus à fait la preuve que l’activité économique a pu continuer car à l’échelle mondiale, les outils et les systèmes jusqu’ici jamais testés à cette échelle et à cette intensité, ont tenu, démontré qu’ils étaient fiables, et qu’ils s’avéraient tout à fait performants. Nous avons aussi démontré que même les tâches et rôles à forte valeur ajoutée pouvaient être exercés en dehors de la sphère de l’entreprise ou de l’administration.
En cette rentrée, où l’on se questionne sur l’envie des Français à retourner sur leur lieu de travail, nous sommes assaillis d’analyses sur le télétravail.
- Les chiffres sur les volumes se contredisent,
- Les sondages sur le vécu sont très orientés « classe sociale »,
- Les entreprises s’interrogent sur le nombre optimal de jours télétravaillés qu’elles doivent envisager.
L’impact sur les conditions de travail et les conditions de vie trop peu étudié
Paradoxalement, on constate peu de regards ou d’études sur les risques psychosociaux, les impacts à moyen terme sur les conditions de travail et les conditions de vie que le télétravail peut générer.
Partant de cette réalité ou perception d’avoir oublié la France des territoires, il ne faudrait pas ignorer les 65 % voire plus de nos citoyens en situation de travail présentiel, qui n’ont pas cette liberté de choix de vie et de lieux de travail ; ce sont les Hommes et Femmes en travail posté.
Dans un pays qui regarde le statut social comme un élément d’un passé révolu (les trente glorieuses), qui aspire à aller vers l’hybridation des formes de relation, il serait dommageable de recréer un nouveau clivage entre ces deux populations formées par les salariés en télétravail et ceux en travail posté.
Notre préoccupation pour les 18/24 prochains mois sera focalisée sur l’emploi, non seulement sur le plan quantitatif - avec la surveillance de l’évolution de l’indicateur chômage - mais aussi sur l’apport de solutions pertinentes à la transformation du monde du travail, bousculé comme jamais auparavant.
Nous avions les défis du volume d’actifs versus inactifs, de l’avenir pour notre jeunesse, le défi technologique et toutes ses conséquences sur l’emploi, celui de la pyramide des âges, de 4 générations au travail pour la première fois de notre histoire auxquels s’ajoute une segmentation des modes de travail/production.
Nous avons les personnes avec des emplois postés, celles en télétravail - qu’il soit subi ou choisi -, les personnes en chômage partiel, bientôt celles en chômage partiel de longue durée auxquelles s’ajouteront les licenciés pour motif économique qui viendront grossir les rangs des chômeurs indemnisés ou pas.
Dans ce contexte, faut-il voir le télétravail comme une opportunité ou un danger selon la manière dont on appréhende le besoin ?
Le télétravail n’est pas un phénomène saisonnier et encore moins la prochaine collection printemps/été 2021, seulement un choix d’organisation mûrement réfléchi, ou chacun est pleinement conscient des impacts pour l’entreprise, le salarié, la société.
Peu importe que ce sujet soit une mode, une aspiration à quitter la ville, un phénomène générationnel : installer le télétravail de façon durable et en masse a des impacts sur l’organisation, les métiers, la culture, l’image de l’entreprise etc…
Nos Dirigeants et les Ressources Humaines doivent l’envisager dans une réflexion globale dans le cadre de leurs travaux sur la vision et la raison d’être de l’entreprise en impliquant toutes les parties :
- Du côté des salariés : doit-on considérer le poste plutôt que la personne ? Dans quelle proportion ? etc…
- Du côté des encadrants : leur nombre et fonction dans une horizontalité de plus en plus souhaitée ; leur rôle dans ces organisations polyformes etc…
- Du côté de la direction : décentralisation de la prise de décision, révision des systèmes de reconnaissance, externalisation pour créer de la charge variable etc…
Et si nécessaire les parties publiques peuvent être impliquées, car les décisions peuvent avoir un impact sur l’économie locale.
On met en avant beaucoup d’arguments pour justifier le bien-fondé du télétravail : moins de stress, économie de temps, empreinte carbone, qualité de vie, souplesse organisationnelle, économie de coûts etc.
Certes tout cela est probablement vrai, mais qu’en sera-t-il dans 2 ans, 5 ans voire plus ?
- Cette marche en avant présente-t-elle la possibilité d’une marche arrière ?
- Sommes-nous faits pour rester à la maison ?
- Comment apprécie-t-on la performance à distance ?
- Comment la culture de l’entreprise s’en trouve-t-elle modifiée ?
- Comment intègre-t-on les nouveaux arrivants ?
- Comment développer et garder du lien entre les collaborateurs ?
Première certitude : nous avons besoin du lien social
Une certitude : il est nécessaire de garder et conserver un lien social, notre espèce humaine ne peut vivre sans, à de rares exceptions près…
Notre regard sur ce sujet doit nous interroger sur le télétravail de masse et sa densité.
- Est-il l’antichambre de délocalisation de poste à forte contribution et une migration douce vers l’IA qui prendra demain le relais sur une partie de ces postes ?
- Combien de temps avons-nous devant nous pour nous y préparer ? Sans oublier la mise en place ou accélération de plateforme partagées (Shareservices) justifiées dans la course aux économies des prochains mois et plus, dans le seul but de faire des économies d’échelle sur les coûts fixes et les investissements.
Autre certitude : le seuil de basculement du collaborateur vers un monde inconnu
Autre certitude : au-delà de 3 jours par semaine de télétravail, le concept et la philosophie même de la pratique s’effacent dans l’esprit du collaborateur ; de même ce dernier n’identifie plus l’entreprise comme un lieu de production et de socialisation. Le télétravail génère alors un effet de basculement du collaborateur vers un monde inconnu ou il se voit obligé d’accueillir l’entreprise chez lui. Mais y a-t-elle été invitée ? A-t-elle obtenu son adhésion ? Non, trop souvent cela est imposé au collaborateur.
Certes la marche en avant est irréversible, mais pour autant devons-nous oublier les 20 dernières années de progrès en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail ?
- Et qu’en est-il des incidences sur la santé à moyen terme quand on voit comment s’organise le poste de travail à la maison (positions précaires sur un canapé, un fauteuil, l’ordinateur en équilibre sur les jambes, sur un tabouret dans la cuisine, ordinateur posé sur une table trop haute / trop basse, un casque sur les oreilles une partie de la journée).
- Qu’en est-il de l’isolement social et de l’appauvrissement des relations, phénomènes amplifiés par la disparition de la spontanéité, ou tout simplement du hasard au profit d’échanges programmés sur des plateformes de conférence numériques ?
- Devons-nous oublier de considérer qu’un domicile n’est pas forcément un endroit où le collaborateur se sent en sécurité et libre ?
- Qu’en est-il des impacts du télétravail sur le reste de la famille ?
Alors pensons maintenant le coup d’après. Ne créons pas de la rigidité ou d’acquis irréversibles alors que notre société a plus que jamais besoin d’agilité.
Reconnaître que nous ne savons pas tout…
Malgré des signes encourageants, nous nous attendons à ce que l’environnement sanitaire continu de peser négativement sur l’économie pour les 12/18 prochains mois ce qui renforce la thèse que nous avons à gérer une double crise : conjoncturelle et structurelle. La période est donc propice à l’expérimentation voire à des accords à durée déterminée.
Dans ce contexte à multiples inconnues, il nous faut faire preuve de pragmatisme notamment reconnaître en toute humilité que nous ne savons pas tout, que nous devons être réactifs dans des temps très courts, qu’au-delà de 6 mois les certitudes deviennent faibles et que nous devons abandonner les sacro-saints plans à 5 voire 10 ans pour du 2 ou 3 ans maximum.
De ce fait, toutes les communications doivent être régulières et transparentes, les salariés doivent bénéficier du même niveau d’information que la gouvernance (y compris l’encadrement), les actionnaires ou les instances représentatives au risque de voir l’engagement et l’adhésion aux valeurs s’étioler.
Ne considérons pas non plus uniquement le côté angélique du télétravail, mais - comme l’a dit le Premier Ministre Jean Castex
Président-directeur général par intérim @ Groupe RATP • Président-directeur général @ Groupe RATP
• Ecole nationale d’administration (promotion Victor Hugo 1991)
• Institut d’études politiques de…
, gardons en tête que l’objectif est de trouver par le dialogue le bon équilibre entre les parties prenantes, à savoir l’entreprise, le salarié et la famille en prenant en compte l’outil, la personne et la fonction.
Parcours
CEO
Membre du Comité de direction générale
Vice-président Ressources humaines
HR Steering Committee Member
Vice-président du Syndicat, Président de la Commission sociale
Vice-président Relations sociales
Directeur du Développement des Ressources humaines Corporate
Directeur Services généraux, Sécurité et Sûreté
Directeur-adjoint des Achats généraux
Directeur des Ressources humaines, Division Hôtelière
Responsable Relations sociales
Responsable d’Unité et des Opérations & des Relations sociales
Responsable du service restauration et salons privés
Fiche n° 26203, créée le 03/10/2017 à 19:21 - MàJ le 22/09/2020 à 17:20
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