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Si l’on veut réformer la VAE il faut aussi réformer la certification (Jean-Pierre Willems)

News Tank RH - Paris - Analyse n°254682 - Publié le 13/06/2022 à 14:07
© News Tank.
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La VAE est en chantier avec :
• un rapport réalisé par Claire Khecha Déléguée générale @ Les Acteurs de la Compétence (ex Fédération de la Formation Professionnelle)
, David Rivoire Conseiller expert et chef de projet @ Haut-commissariat à l’emploi et à l’engagement des entreprises (HC3E)
et Yanic Soubien Enseignant @ Rectorat de Caen
qui prône une validation permanente des compétences,
• une expérimentation de simplification réussie dans le secteur de la santé,
• une expérimentation à plus grande échelle en cours de mise en route.
Les 20 ans de la VAE voient fleurir les initiatives pour relancer un dispositif qui s’est essoufflé ces dernières années.

Mais si des évolutions sont à l’évidence nécessaires dans les pratiques de VAE, c’est sans doute du côté des certifications qu’il faut regarder pour créer les conditions de son développement.

Une analyse de Jean-Pierre Willems Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH @ Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne • Consultant @ Willems Consultant
pour News Tank.


Des évolutions nécessaires dans les pratiques de la VAE 

Une rupture avec des siècles de prédominance de l’enseignement et de la formation pour l’accès au diplôme

La création de la VAE en 2022 a fait l’effet d’un éclair dans un ciel bleu. En effet, même si la VAP (Validation des acquis professionnels VAP) a permis, en 1985 pour l’enseignement supérieur, puis en 1992 pour l’ensemble de l’Éducation nationale, de dispenser les candidats d’épreuves pour l’obtention d’un diplôme, la VAE a été une rupture avec deux siècles de prédominance de l’enseignement et de la formation pour l’accès à un diplôme par rapport au travail.

Remettre les deux voies à égalité de légitimité, de dignité pourrait-on dire, n’était pas une mince affaire et ne s’est d’ailleurs pas réalisé sans heurts (lire sur le sujet l’article « Génèse de la loi de janvier 2002 sur la VAE », par Vincent Merle dans la revue de l’Ires )

La liberté laissée aux certificateurs

En 2002 la loi a fait le choix de ne pas imposer de modalité de VAE et de laisser une grande liberté aux certificateurs. Chacun a donc pu développer des pratiques conformes à sa culture :

  • le ministère de l’Éducation nationale a ainsi privilégié l’écrit et son commentaire,  
  • le ministère du Travail a privilégié la mise en situation et l’observation des pratiques.

Dans les deux cas, il n’a pas été si simple d’échapper à la logique de l’examen et en pratique on peut constater que la capacité à passer les épreuves de validation est parfois mieux valorisée que le travail réflexif sur les pratiques professionnelles et la prise en compte du chemin de développement de compétences que constitue la démarche de VAE. Au demeurant, le débat entre « si tu sais, tu saura faire » et « si tu sais faire, c’est que tu sais » reste culturellement non tranché.

Sans doute la mise en place d’un système de validation permanente, proposée par le rapport Khecha, Rivière et Soubien  Publié le 15/03/2022 à 14:33
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, pourrait-elle contribuer à s’émanciper de la référence à l’examen, à condition que l’on échappe au travers du « tout validation » qui finirait par créer un monstre bureaucratique.

Ne pas tomber dans la tyrannie du « tout validation » 

Après la modularisation des formations, la règlementation a modularisé les titres et diplômes professionnels aujourd’hui systématiquement découpés en blocs de compétences. Depuis plusieurs années, un niveau de micro-certification s’est développé, notamment par le système des Open Badges, l’Union Européenne ayant engagé par ailleurs des travaux sur la reconnaissance de micro-crédits certifiants.

Cette atomisation de la certification a ses vertus :

  • elle permet de valider des expériences de toute nature, pouvoir être agrégées pour accéder à des certifications plus larges,
  • elle donne de la visibilité sur le marché du travail avec la garantie de tiers certificateurs.

Pour autant, si sa généralisation devait en faire un impératif, les écueils ne manqueraient pas depuis la prolifération des micro-certifications aboutissant à l’effet inverse de celui recherché, à savoir rendre illisible un système composé de dizaine de milliers de références, jusqu’à la question de la valeur de ces micro-certifications si les certificateurs eux-mêmes se démultiplient rapidement.

Par ailleurs, existe également le risque d’exclusion porté par tout système certifiant pour celui qui n’est pas certifié. Loin d’être une possible valorisation du parcours, la certification en deviendrait ainsi une étape obligée. La voie est donc étroite entre la nécessaire reconnaissance des compétences acquises par l’expérience dans toutes leurs diversités, et la mise en place d’un système tentaculaire et bureaucratique qui pourrait devenir un passage obligé des parcours professionnels.

Repenser les formes de la certification

Vincent Merle (ancien  directeur du cabinet de la secrétaire d’État à la formation professionnelle et pédagogue considéré comme l’un des pères de la VAE) en faisait le constat : la principale innovation portée par la VAE ce n’était pas de permettre l’accès au diplôme par la voie de l’activité, mais d’imposer que les diplômes tiennent compte de l’activité et soient bâtis autour d’elle pour permettre la validation.

Pour Vincent Merle, même s’il n’a jamais utilisé cette formule, la VAE était le cheval de Troie de la rénovation des certifications professionnelles en France (sachant que l’ensemble des diplômes de l’enseignement supérieur sont considérés par principe comme professionnels).

Le vrai enjeu, pour le principal promoteur de la VAE, se trouvait justement dans l’impact que celle-ci pouvait avoir dans la manière même de construire les titres et diplômes.

Force est de constater qu’après 20 ans d’existence de la VAE, c’est toujours sur ce plan que le bât blesse le plus.

En effet, en ne remettant pas en cause l’enregistrement de droit des diplômes délivrés par l’État, au motif qu’ils sont travaillés en CPC (Commissions paritaires consultatives), la loi n’a d’une part pas permis à la Commission de la certification de France compétences • Établissement public administratif créé par la loi du 05/09/2018, placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle. Mise en route le 01/01/2019 • Gouvernance quadripartite… de jouer son rôle de régulateur des certifications (elle n’intervient que sur les enregistrements sur demande) et d’autre part elle a consacré le fait que chaque ministère pouvait continuer à avoir son propre rythme et ses propres méthodes pour construire ses diplômes. Et de fait nombre de diplômes professionnels continuent à être construits autour de savoirs disciplinaires et non d’activités et de compétences.

Parmi les autres conséquences fâcheuses :

  • Le fait que contrairement aux titres et diplômes enregistrés sur demande, qui sont réexaminés au plus tard tous les 5 ans, les diplômes enregistrés de droit ne sont soumis à aucune échéance ;
  • Souvent conçus pour la formation initiale, les diplômes enregistrés de droit n’offrent pas, en pratique, un cadre de référence qui est toujours adapté à la VAE, ni même aux formations par alternance, ce qui n’est pas sans poser problème avec le développement de l’apprentissage comme on peut le voir notamment dans le domaine de la santé ;
  • L’absence de levier pour inciter les Ministères à favoriser la VAE, y compris pour les métiers règlementés par un travail fin sur les compétences véritablement spécifiques, souvent surestimées. 

Dans tous ces domaines, il faut bien reconnaître que les CPC, pourtant réformées par la loi du 05/09/2018, n’ont pas été véritablement efficientes et qu’elles ne jouent ni un rôle d’initiative ni un rôle de régulation suffisant.

La question peut donc se poser, soit de donner les moyens aux CPC de gagner en efficacité, soit de revoir ce système à double vitesse entre les titres et diplômes enregistrés de droit et ceux qui le sont sur demande. Car on voit mal quel principe justifie, aujourd’hui, cette distinction qui n’était jamais qu’une manière de préserver le rôle historique des certificateurs ministériels (et leur monopole avant la loi de 1971 sur l’homologation des titres et diplômes).

Faute de s’attaquer frontalement à ces questions, on s’expose à ce que toutes les évolutions, éminemment souhaitables par ailleurs, des modalités de VAE ne trouvent au final d’application que sur un champ restreint des certifications. En ces temps de pénuries croissantes de compétences et de candidats pour un nombre toujours plus important d’activités, l’urgence est déjà là. 

Jean-Pierre Willems

Parcours

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH
Willems Consultant
Consultant
IGS Toulouse
Responsable du master RH
Centre de recherche et d’information sur le droit de la formation (UT1)
Partenaire

Établissement & diplôme

Université Toulouse 1 Capitole
DESS Gestion du personnel - Droit (Michel Despax)

Fiche n° 24709, créée le 10/08/2017 à 15:40 - MàJ le 04/12/2024 à 07:40


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