Apprentissage : « Consolider le système sans renier la réforme de 2018 » (Stéphane Rémy, DGEFP)
« La participation de 750 € ne constitue pas un reste à charge au sens habituel, car elle ne repose pas sur une logique tarifaire ou commerciale. C’est une participation forfaitaire fixée par la loi. Les CFA doivent l’intégrer dans leur facturation, mais il n’est pas exigé qu’ils la recouvrent absolument. En revanche, la preuve de l’émission de la facture est nécessaire pour débloquer le solde de financement. C’est un dispositif qui s’inscrit dans une volonté de partage du financement avec les entreprises, sans remettre en cause l’accessibilité aux formations », déclare Stéphane Rémy
Sous-directeur des politiques de formation et du contrôle (DGEFP) @ Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle à la DGEFP, lors d’un débat consacré à la réforme du financement de l’apprentissage organisé par Centre Inffo dans le cadre de la Grande journée de l’apprentissage, le 24/06/2025.
« Je suis bien conscient que cette mesure, comme celle sur la minoration des NPEC pour les formations à distance, soulève des inquiétudes. Sur ce second point je tiens à signaler la création d’une possibilité de dérogation : si, pour une certification donnée, tous les CFA proposent la formation à plus de 80 % à distance, alors la minoration pourra être neutralisée. France compétences établira une liste des certifications concernées, après déclaration des CFA, et cette liste fera l’objet d’un arrêté. »
« Sur le fond, je tiens aussi à rappeler l’importance de la qualité. Le renforcement des contrôles, l’observation des coûts, la prise en compte des 14 missions obligatoires des CFA prévues par le Code du travail : tout cela participe d’une même exigence. La réforme de 2018 a ouvert le champ de l’apprentissage, permis l’arrivée de nouveaux acteurs, mais elle s’accompagne aussi d’un devoir de structuration. Tous les CFA doivent être au même niveau d’exigence, quel que soit leur modèle. »
Participaient également au débat :
• Arnaud Brizé
Expert juridique national @ OPCA DEFi
, expert en droit à la formation professionnelle au Cesi
Centre des études supérieures industrielles
;
• Philippe Perfetti
Directeur de la formation @ CMA France (CMA)
, chargé de mission emploi-formation à CMA France ;
• Thierry Teboul
Directeur général @ Afdas
, directeur général de l’Afdas
Opco des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications, du sport, du tourisme, des loisirs et du divertissement
;
• Olivier Marquet
Président @ ASCOR COMMUNICATION
, co-dirigeant du groupe de formation Ascor.
News Tank relate leurs échanges sur les mesures de la réforme qui entrent en vigueur au 01/07/2025 : participation obligatoire de 750 € pour les employeurs embauchant un apprenti de niveau 6 ou 7, minoration de 20 % des NPEC pour les formations à distance et proratisation journalière du niveau de prise en charge versé aux CFA.
Participation obligatoire de 750 € pour les employeurs embauchant un apprenti de niveau 6 ou 7
« Il y a un risque réel que, peu à peu, le supérieur soit évincé du périmètre de financement public » (Arnaud Brizé, Cesi)
Pourtant, l’enseignement supérieur a été un moteur de la dynamique de l’apprentissage depuis la réforme de 2018. Il a porté une grande part de la hausse des effectifs. Mais aujourd’hui, les établissements du supérieur, souvent à but non lucratif, risquent de ne plus pouvoir suivre. Entre les baisses de prise en charge, les coûts pédagogiques spécifiques et les nouvelles obligations, la soutenabilité devient problématique.
Je ne remets pas en cause le principe d’une régulation budgétaire, mais elle doit être pensée en tenant compte des réalités du supérieur. Si l’on continue sur cette voie sans clarification politique, c’est toute une partie de l’offre d’apprentissage qui pourrait s’éroder, avec des conséquences lourdes pour les jeunes, les établissements et les entreprises. »
Arnaud Brizé, expert en droit à la formation professionnelle, Cesi
« Faire contribuer les entreprises à hauteur raisonnable » (Stéphane Rémy, DGEFP)
Cela dit, il faut trouver un équilibre. Les modèles économiques du supérieur ne sont pas toujours identiques à ceux d’autres formations, notamment quand ils recourent massivement au distanciel. Ce n’est pas une remise en cause du digital - la loi de 2018 l’a ouvert -, mais une nécessité d’ajuster les niveaux de prise en charge en fonction des coûts réels observés. C’est pourquoi une minoration a été décidée, avec des modalités de dérogation dans certains cas.
La participation obligatoire de 750 € pour les niveaux 6 et 7 s’inscrit dans cette même logique : faire contribuer les entreprises à hauteur raisonnable, tout en maintenant un cadre soutenable pour les CFA. L’objectif n’est pas d’exclure le supérieur de l’apprentissage, mais de garantir sa qualité, sa soutenabilité, et d’éviter les excès ou les déséquilibres dans le système. »
Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle, DGEFP
Minoration de 20 % des NPEC pour les formations à distance
« On parle du distanciel comme d’un modèle économique, alors que c’est avant tout un choix pédagogique » (Thierry Teboul, Afdas)
On passe à côté du vrai sujet : comment valoriser la qualité dans la formation à distance ? Ce n’est pas moins cher de former à distance. Ce n’est pas forcément plus rentable que le présentiel. Dans certains cas, cela peut même coûter plus cher. Mettre un formateur devant 200 personnes dans un amphi, c’est moins coûteux que d’avoir un mentor ou un accompagnement individualisé à distance. Et c’est exactement ce qu’on fait dans beaucoup de CFA du supérieur.
Ce que je regrette, c’est qu’au lieu de poser des critères de qualité spécifiques au distanciel, on applique une minoration aveugle. C’est contre-productif. Et cela touche particulièrement l’enseignement supérieur, qui a massivement investi dans ces modalités. Je le dis clairement : si on voulait pénaliser l’innovation pédagogique dans le supérieur, on ne s’y prendrait pas autrement. »
Thierry Teboul, directeur général, Afdas
« On applique une règle comptable uniforme sans prendre en compte les réalités pédagogiques ni les modèles économiques spécifiques » (Olivier Marquet, Ascor)
Le distanciel, c’est un mode d’organisation, pas un indicateur de qualité ou de coût. Dans de nombreux cas, nos coûts sont équivalents, voire supérieurs à ceux du présentiel, notamment en raison de l’ingénierie pédagogique, de la personnalisation des parcours, de l’animation des communautés d’apprenants.
Appliquer une décote automatique, c’est envoyer un message très négatif à tous ceux qui innovent, qui ont structuré des CFA autour du digital, et qui répondent à de vrais besoins, y compris dans des territoires peu couverts par des CFA physiques. Cette minoration ne tient pas compte de la diversité des pratiques. C’est une règle aveugle, qui casse une dynamique. On risque de décourager un écosystème entier alors même qu’il contribue activement à la réussite de l’apprentissage. »
Olivier Marquet, co-dirigeant, Ascor
« Une régulation fondée sur des constats objectifs » (Stéphane Rémy, DGEFP)
« Il n’y a pas, de notre part, de vision négative ou de jugement de valeur sur le digital. Ce qui est en jeu aujourd’hui, avec la minoration de 20 %, c’est une régulation fondée sur des constats objectifs. On a observé, à partir des données de comptabilité analytique, des structurations de coûts différentes selon les modalités pédagogiques. Cette minoration ne vise donc pas à dévaloriser le distanciel, mais à ajuster les niveaux de prise en charge en fonction des réalités économiques.
Cela dit, nous avons entendu les inquiétudes exprimées par les CFA concernés. C’est pourquoi un mécanisme de dérogation a été introduit : lorsque, pour une certification donnée, tous les CFA la dispensent à plus de 80 % à distance, la minoration peut être neutralisée. Ce n’était pas prévu initialement, et cela montre que nous avons été à l’écoute du secteur.
L’objectif, ce n’est pas de bloquer l’innovation ou de pénaliser un modèle. C’est de garantir un usage cohérent et équitable des fonds publics, en veillant à ce que les niveaux de financement correspondent aux coûts réellement engagés, tout en maintenant la qualité des formations pour les apprentis. »
Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle, DGEFP
Proratisation journalière du niveau de prise en charge versé aux CFA
« Une variabilité très forte des financements, parfois pour des écarts minimes dans les durées de contrat » (Arnaud Brizé, Cesi)
« La proratisation modifiera profondément les équilibres économiques des CFA. Jusqu’ici, la règle était simple : un mois commencé valait un mois financé. Avec la nouvelle logique au prorata temporis, on entre dans une granularité inédite, calculée au jour près. Et cela va créer une variabilité très forte des financements, parfois pour des écarts minimes dans les durées de contrat.
Prenons un contrat de 364 jours : il ne sera plus financé de la même façon qu’un contrat de 365 jours, alors que, sur le plan pédagogique, cela ne change strictement rien. Ce genre de détail peut générer des pertes significatives à l’échelle d’un CFA. Et je ne parle même pas des situations où le contrat est interrompu à quelques jours près, en fin de parcours.
Ce que je crains, c’est une instabilité qui va rendre la gestion très complexe pour les CFA. On se retrouvera à recalculer les équilibres budgétaires en permanence, sans lisibilité ni prévisibilité. Cette proratisation pose une vraie question : est-ce qu’on veut un modèle de financement rigide et technocratique, ou un modèle qui sécurise les acteurs sur la durée ? Parce que dans l’état actuel, ce sont les CFA qui devront absorber l’aléa. »
Arnaud Brizé, expert en droit à la formation professionnelle, Cesi
« La proratisation mensuelle pouvait générer des effets d’aubaine » (Stéphane Rémy, DGEFP)
« La proratisation des niveaux de prise en charge constitue une évolution nécessaire, mais elle ne doit pas être vue comme une révolution. Ce que nous faisons, c’est simplement ajuster une règle qui, jusqu’ici, pouvait générer des effets d’aubaine. La logique précédente — un mois commencé valait un mois payé — entraînait des situations où des contrats très courts ouvraient droit à des versements complets sur le mois. Cela n’était pas soutenable à long terme.
Désormais, nous passons à une proratisation journalière. Concrètement, cela signifie que le financement sera calculé au nombre de jours effectivement couverts par le contrat. Ce n’est pas une complexification inutile, c’est une mise en cohérence avec la réalité de l’exécution des contrats. Il ne s’agit pas de bouleverser l’ensemble du système, mais de garantir que les fonds publics soient utilisés avec justesse.
Je comprends que cela puisse représenter une adaptation pour les CFA, notamment sur le plan comptable ou dans les outils de gestion. Mais sur le fond, c’est un mécanisme plus équitable, plus transparent, et qui permet aussi de mieux maîtriser les ressources. Il y aura bien sûr des outils d’accompagnement, des précisions dans les textes, et des cas d’usage concrets pour sécuriser la mise en œuvre. »
Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle, DGEFP
Centre Inffo
• Association loi 1901
• Création : 1976
• Missions :
- Contribuer au développement de la formation sur l’ensemble du territoire national,
- Accompagner la dématérialisation du secteur de la formation,
- Participer à l’information et au soutien des personnes bénéficiaires finales de la formation et du développement des compétences,
- Renforcer la professionnalisation et l’information des acteurs des ressources humaines, de l’orientation et la formation.
• Présidente : Anne de Blignieres-Légeraud, depuis le 25/06/2025
• Directrice générale : Pascale Romenteau
• Tél. : 01 55 93 91 68 / 01 55 93 91 91
Catégorie : Entreprises de Taille Intermédiaire
Adresse du siège
4 avenue du Stade de France93218 La plaine saint denis Cedex France
Fiche n° 7520, créée le 23/08/2018 à 03:40 - MàJ le 26/06/2025 à 09:40