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Comment préparer aux compétences de demain ? (Jean-Pierre Willems)

News Tank RH - Paris - Analyse n°389062 - Publié le
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Notre pays, comme tous les autres, est placé devant un défi immense en matière de compétences. La technologie bien sûr, mais peut-être plus encore la prolifération de la data et la nécessité de recourir à des moyens toujours plus sophistiqués pour pouvoir l’appréhender est un changement comparable à celui de l’imprimerie ou de la machine à vapeur. Comment ne pas être emporté par le flot informationnel, la nouveauté permanente, la capacité à disposer de volumes toujours plus importants de données de toutes natures. En se laissant porter par le flux ou en se déportant et en changeant de rôle, étant entendu que lutter contre le courant est perdu d’avance.

Une analyse de Jean-Pierre Willems Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH @ Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne • Consultant @ Willems Consultant
pour News Tank.


Un outil dépassé  : la prévision

Le Code du travail, plus souvent à la remorque des pratiques qu’à leur origine, enjoint toujours les entreprises de 300 salariés et plus de mettre en place un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (art. L. 2242-20). De même les Opco doivent apporter un appui technique aux branches adhérentes pour établir la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (art. L. 6332-1).

La question de préparer aux compétences de demain ne peut emprunter aux vieilles recettes de la planification ou de la prévision »

Ces dispositions ont bien vieilli  : combien de scénarios se sont envolés, emportés soit par la crise des subprimes en 2008, soit par le Covid en 2020, soit par la guerre en Ukraine en 2022 ou encore par l’arrivée de ChatGPT en 2023 (on notera l’accélération). Le plus certain concernant l’avenir est la survenance d’évènements imprévus, sinon imprévisibles, qui viendront déséquilibrer les laborieuses constructions prospectives des économistes, sociologues et autres spécialistes. J’ai souvenir que l’on m’expliquait au début des années 80 que le développement du Japon supposerait 30 ans plus tard une file ininterrompue de pétroliers depuis le Moyen Orient pour pourvoir à ses besoins énergétiques.

La question de préparer aux compétences de demain ne peut donc emprunter aux vieilles recettes de la planification ou de la prévision. Elle doit être posée à partir d’un constat déjà acté  : l’accélération foudroyante du rythme des changements en tous domaines.

Un contexte de changement toujours plus rapide

Le flux n’est pas nouveau  : Héraclite avait déjà identifié que l’on ne se baignait jamais deux fois dans le même fleuve. C’est le rythme qui s’est accéléré nous confrontant à un tsunami de datas que l’humain est de moins en moins capable de traiter et qui ne pourra plus être travaillé à l’avenir, et déjà aujourd’hui, sans le recours à l’IA.

Face à la prolifération des données disponibles, seule l’IA peut nous préserver de la submersion »

Face à la prolifération des données disponibles, seule l’IA peut nous préserver de la submersion. Le temps des Encyclopédistes à la mode Léonard de Vinci, ou D’Alembert et Diderot, qui pouvaient embrasser la diversité des disciplines techniques et artistiques avec le seul cerveau humain est définitivement passé. Il nous faut alors envisager des encyclopédistes d’une autre nature, qui devront recourir à la technologie… pour maîtriser les effets de la technologie.

Le combat perdu d’avance de l’adéquationnisme

Par définition, on ne peut acquérir des compétences correspondant à des activités qui n’existent pas encore. La compétence étant définie comme la capacité à mobiliser des ressources pour réaliser une activité, dans un contexte donné et pour atteindre un résultat identifié, celle-ci ne peut s’acquérir qu’au regard d’activités existantes. Et se développer en s’astreignant à mettre en œuvre des activités nouvelles.

Comment alors se préparer à développer des compétences nouvelles et à exercer des activités qui n’existent pas encore  ? En acquérant les ressources qui faciliteront l’acquisition des compétences le moment venu. Ce qui nous conduit à distinguer deux catégories de ressources.

Deux catégories de ressources

Les ressources nécessaires à la mise en œuvre de compétences se répartissent en deux catégories  : les ressources de flux et les ressources structurantes.

Les ressources de flux  : elles permettent l’acquisition et le développement de compétences techniques, procédurales, organisationnelles, normatives directement liées au flux incessant d’évolutions techniques, règlementaires, organisationnelles. Ces ressources ont un double caractère, le premier étant leur abondance et le second leur péremption toujours plus rapide. Il est donc indispensable de disposer d’outils de sélection performants de ces ressources (moteurs de recherche avec des algorithmes dopés à l’IA) et d’avoir des garanties sur la fiabilité, et l’actualisation, des bases de données utilisées. Pour l’acquisition de ce type de ressources, le format traditionnel de la formation théâtrale (unité de temps, de lieu et d’action sous la houlette d’un formateur) sera de plus en plus inadapté. Et les propriétaires ou producteurs de données (les éditeurs par exemple) auront de plus en plus de coups d’avance sur les simples passeurs de données que sont les organismes de formation non propriétaires de la ressource initiale. Pour prendre un exemple, on peut déjà constater la place qu’occupent les éditeurs du droit (Lefebvre Dalloz, LamyLiaisons, LexisNexis) dans la formation au droit. Elle a vocation à devenir toujours plus importante. Dans un autre domaine, le champ de la formation outil sera l’apanage de ceux qui disposent des meilleures bases de données sur les spécificités techniques, les cas d’usage, les retours d’expériences utilisateurs et les actualisations en temps réel.

Les ressources structurantes  : ce sont celles qui développeront les capacités d’adaptation, d’agilité, de traitement des données, mais également de relations tant avec la technologie qu’avec les autres. On peut citer parmi ces ressources  : la capacité à apprendre, la capacité méthodologique, mais également la capacité à travailler avec les technologies incluant le rapport que l’on entretient avec les outils (compréhension de l’outil, capacité d’usage, distance critique, absence de personnification de l’outil ou de mise en concurrence en se plaçant sur un plan d’égalité  : la machine qui me remplace ou qui fait mieux le travail que moi et me renvoie à mes incapacités, etc.) et les relations interpersonnelles qui ne font pas, à ce jour, l’objet d’une mise en data, laquelle s’avérera en tout état de cause, plus complexe que la donnée technique et strictement calculable, mais qui ne manquera pourtant pas d’advenir à travers des modèles toujours plus fins d’analyse des comportements comme le fait déjà le marketing avec les expériences clients.

Se préparer aux compétences de demain peut donc prendre deux voies  :

  • Celle de l’innovation via l’utilisation du flux d’information à valeur ajoutée couplée à l’exercice d’activités nouvelles et la création de ces activités. Soit l’articulation permanente entre la formation en flux et l’expérimentation en situation  ;
  • Celle du développement de ressources structurantes autour de ses capacités à apprendre, à travailler utilement et sereinement avec une technologie toujours plus abondante dont on sait utiliser les atouts et réduire les nuisances, et la collaboration avec autrui sous toutes ses formes (coopération, management, relation de service, etc.).

Notre conviction est que cette distinction est déjà opérante et que la différenciation ne fera que s’accélérer.

Jean-Pierre Willems

Parcours

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH
Willems Consultant
Consultant
IGS Toulouse
Responsable du master RH
Centre de recherche et d’information sur le droit de la formation (UT1)
Partenaire

Établissement & diplôme

Université Toulouse 1 Capitole
DESS Gestion du personnel - Droit (Michel Despax)

Fiche n° 24709, créée le 10/08/2017 à 15:40 - MàJ le 13/03/2025 à 10:41


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