IA : « 2025 constitue une année de bascule » (Marc Grosser, Topics)
« L’ambition du Cercle de la Transformation du Travail était de produire une lecture croisée, documentée pour mesurer l’impact de l’IA sur le travail, pour aider les dirigeants dans leurs prises de décisions, et non pas de produire une énième étude technique. Nous souhaitions poser les bonnes questions sur ce que l’IA change concrètement dans les entreprises : dans l’organisation du travail, dans la gestion de l’emploi et dans les compétences mobilisées », déclare Marc Grosser
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, senior partner de Topics
• Cabinet de conseil• Création : 07/11/2018• Mission : proposer un appui stratégique et opérationnel des grandes transformations RH en entreprises• Effectif : 6 collaborateurs et un réseau d’experts…
, à News Tank le 28/04/2025.
Le Cercle de la Transformation du Travail a été créé en octobre 2023 par Bruno Mettling, président de Topics. Il a pour ambition de poser un regard prospectif et structurant sur les grandes questions qui ont un impact sur l’organisation du travail avec un triple angle de vue : travail - emploi - compétences.
« Nous avons identifié que 2025 constitue une année de bascule. Jusqu’ici, les usages de l’IA en entreprise se sont souvent développés de manière informelle, expérimentale, individuelle. L’approche du sujet IA doit désormais être stratégique, alignée avec les enjeux métiers, pensée et coconstruite avec les acteurs internes. Le rapport évoque une double pression : d’un côté, l’impératif d’efficacité (gains de temps, de productivité, d’innovation) ; de l’autre, la nécessité de préserver l’employabilité, de sécuriser les parcours, de maintenir un collectif de travail solide. »
Pourquoi le Cercle de la Transformation du Travail a-t-il décidé de mener cette nouvelle étude sur l’IA et le travail ?
C’est l’objet même du Cercle de la Transformation du Travail de poser un regard prospectif et structurant sur les grandes questions qui ont un impact sur l’organisation du travail avec un triple angle de vue : travail - emploi - compétences, en croisant les regards des acteurs politiques, des partenaires sociaux et des DRH de grandes entreprises.
Ne pas produire une énième étude technique »Notre ambition était de produire une lecture croisée, documentée pour mesurer l’impact de l’IA sur le travail, pour aider les dirigeants dans leurs prises de décisions, et non pas de produire une énième étude technique. Nous souhaitions poser les bonnes questions sur ce que l’IA change concrètement dans les entreprises : dans l’organisation du travail, dans la gestion de l’emploi et dans les compétences mobilisées.
Nous avons donc structuré notre approche autour de ce triptyque : travail - emploi - compétences, et mobilisé un collectif pluriel (DRH, syndicalistes, experts…) pour croiser les regards, et produire de l’intelligence collective, sans posture idéologique. Nous avons tenu à adopter une approche lucide : ni euphorique ni alarmiste.
Comment avez-vous travaillé ?
Le Cercle a d’abord organisé une phase d’acculturation commune, en lien avec des partenaires technologiques comme Acadys ou Artefact. Nous avons souhaité mettre tout le monde à niveau, pour garantir la qualité des échanges. Ensuite, nous avons mené une vingtaine d’entretiens approfondis avec des professionnels directement confrontés aux usages de l’IA : DRH, responsables syndicaux, directeurs de l’innovation, chercheurs et experts de la transformation du travail et de l’IA, représentants de l’administration.
Rester centrés sur les usages concrets de l’IA »Le rapport s’appuie sur ces témoignages, mais aussi sur de nombreuses études, sur une veille active des évolutions technologiques et sur les retours d’expérience de nos membres. Par exemple, nous avons recueilli les retours de Bouygues sur l’impact de l’automatisation des traductions de contenus audiovisuels, ou encore d’Engie sur les apports de l’IA en matière de prévisions fines de consommation énergétique.
Nous avons également pris soin de suivre une ligne directrice : rester centrés sur les usages concrets de l’IA dans les organisations, et leurs impacts humains, organisationnels, sociaux.
Pourquoi avoir intitulé ce rapport : « 2025, l’heure des choix » ?
Parce que nous avons identifié que 2025 constitue une année de bascule. Jusqu’ici, les usages de l’IA en entreprise se sont souvent développés de manière informelle, expérimentale, individuelle - ce qu’on appelle parfois la « shadow IA ». De nombreux salariés se sont approprié des outils d’IA comme ChatGPT, Copilot ou Mistral sans validation managériale. Cette IA de terrain est très majoritairement perçue comme une opportunité par ses utilisateurs, qui y voient un gain d’efficacité immédiat. Mais elle reste méconnue, peu structurée et suscite la méfiance de ceux qui n’en ont pas encore l’usage.
Désormais, les entreprises doivent faire un choix : soit elles intègrent l’IA de manière structurée, proactive dans leurs processus métiers clés, soit elles se contentent de réagir et risquent de prendre du retard ou de s’adapter de manière non optimale (par exemple en automatisant les tâches effectuées par les salariés qui partent en retraite).
L’approche du sujet IA doit donc être stratégique, alignée avec les enjeux métiers, pensée et coconstruite avec les acteurs internes. Le rapport évoque une double pression : d’un côté, l’impératif d’efficacité (gains de temps, de productivité, d’innovation) ; de l’autre, la nécessité de préserver l’employabilité, de sécuriser les parcours, de maintenir un collectif de travail solide. C’est ce que nous appelons l’heure des choix. Certains grands groupes ont déjà enclenché des déploiements massifs, ce qui obligera les autres à se positionner, comme cela a été observé dans le secteur bancaire.
Quels sont les autres enseignements de l’étude ?
L’un des premiers constats, c’est la diversité des situations. Si 94 % des entreprises de plus de 50 salariés ont engagé des projets IA selon une étude de Salesforce, seules 6 à 8 % ont dépassé le stade du POC. Moins d’un tiers des PME a réellement initié une dynamique de transformation.
L’IA rebat les cartes des compétences »Deuxième enseignement : l’IA rebat les cartes des compétences. Elle rend certaines tâches plus accessibles grâce aux outils no-code, par exemple, ce qui peut favoriser la mobilité professionnelle. Mais elle banalise aussi certaines expertises. Par exemple, dans la programmation, des outils permettent à des non-spécialistes d’écrire du code simple. Cela modifie les frontières entre les métiers. Un autre exemple évoqué dans l’étude est celui du doublage audiovisuel : l’IA a permis de diviser les coûts tout en augmentant le volume de contenus traités, sans pour autant réduire les heures payées aux techniciens.
Troisième enseignement : la gestion des compétences doit se transformer. Trop d’entreprises sont encore focalisées sur une cartographie statique des métiers. Ce qu’il faut désormais, c’est une GEPP dynamique, stratégique, capable d’anticiper les transformations, de raisonner par scénarios, de s’adapter en continu. Certaines entreprises industrielles que nous avons rencontrées ont commencé à travailler avec des prestataires mixtes RH-tech pour croiser anticipation des compétences et IA générative.
Quelles sont les recommandations concrètes formulées dans le cadre de ce rapport ?
Nos recommandations s’articulent autour de quatre priorités :
- La première est de passer à une stratégie collective : il faut aujourd’hui dépasser l’expérimentation et coconstruire les cas d’usage avec les utilisateurs, en priorisant les déploiements à fort impact, sur un nombre limité de cas, avec des moyens dédiés.
- La deuxième recommandation porte sur la reconfiguration nécessaire des politiques RH. Il est indispensable d’intégrer l’IA dans la gestion stratégique des emplois et des compétences, en s’appuyant sur le potentiel de personnalisation des parcours, et en développant massivement l’up-skilling et le re-skilling.
- La troisième recommandation porte sur la création d’un espace de confiance autour de l’IA. L’objectif est de garantir l’autonomie décisionnelle des salariés, organiser le « tuilage » entre humains et IA, développer des IA explicables, et mettre en place un dialogue social technologique itératif.
- Enfin, il apparaît nécessaire de chercher à anticiper les défis de moyen terme : investir dans les soft skills distinctives, limiter l’empreinte écologique en optant pour des IA frugales, répondre aux enjeux de souveraineté et de sécurité, promouvoir une IA inclusive, et préparer le partage équitable de la valeur créée.
Quels sont les principaux risques identifiés dans l’étude ?
Le premier risque majeur est celui de la fracture. Fracture entre ceux qui s’approprient rapidement l’IA, souvent les jeunes diplômés, les cadres, les profils technophiles, et ceux qui s’en tiennent à distance par crainte, par manque de temps ou de formation. Cette fracture peut être sociale, générationnelle, mais aussi symbolique.
L’IA doit être mise au service d’une transformation positive du travail »Il y a aussi un risque d’approche réductrice. Si l’IA est utilisée uniquement comme levier de productivité, sans réflexion sur l’organisation du travail, la qualité de vie, l’autonomie des salariés, les effets peuvent être contre-productifs. L’IA doit être mise au service d’une transformation positive du travail. C’est pourquoi nous recommandons d’associer les utilisateurs dès les phases amont, comme l’ont fait certaines entreprises en intégrant des agents IA dans les services client de manière progressive.
Quelles sont les conséquences pour les politiques RH et pour le management ?
La montée en puissance de l’IA est une transformation qui touche au cœur des pratiques RH : recrutement, GEPP, formation, organisation du travail, management. Le manager, en particulier, doit être accompagné : l’IA peut l’aider à déléguer certaines tâches administratives, à mieux piloter, à gagner du temps. Mais elle pose aussi des questions d’éthique, de responsabilité, de sens.
Nous lançons d’ailleurs une nouvelle étude sur l’attractivité du management. Beaucoup de managers ne souhaitent plus exercer ces fonctions, qu’ils jugent trop lourdes, trop peu valorisées. Si on n’accompagne pas mieux ces populations, on risque une crise du management intermédiaire.
Quels sont les prochains chantiers prévus pour le Cercle de la Transformation du Travail ?
Nous poursuivons notre travail sur l’IA, car elle traverse tous les sujets RH. Mais nous lancerons également deux nouvelles explorations :
- Une étude sur l’absentéisme, qui s’installe à un niveau élevé depuis la crise sanitaire, avec une part croissante d’arrêts longs.
- Un chantier sur l’attractivité du rôle de manager, dans un contexte où les injonctions se multiplient et où la reconnaissance fait parfois défaut.
Notre méthode reste la même : travailler en collectif, croiser les expertises, produire des analyses opérationnelles, et nourrir le débat social sur les transformations en cours.
Le Cercle de la Transformation du Travail
• Créé en octobre 2023 par Bruno Mettling, président de Topics, le Cercle de la Transformation du Travail a pour ambition de poser un regard prospectif et structurant sur les grandes questions qui ont un impact sur l’organisation du travail avec un triple angle de vue : travail - emploi - compétences.
• Cette recherche de pluralisme dans l’approche, le Cercle l’aborde aussi à travers ses membres :
- des acteurs politiques (Xavier Bertrand et Stanislas Guerini, anciens ministres),
- des partenaires sociaux (Laurent Mahieu, ex-secrétaire général UCC Cadres CFDT, Florence Poivey, présidente de WorldSkills France, ex-présidente de la Fédération de la plasturgie, Guillaume Trichard, secrétaire général adjoint Unsa)
- DRH de grandes entreprises (Valérie Decaux, Groupe La Poste, Jean-Sébastien Blanc, Engie, Jean-Manuel Soussan, Groupe Bouygues, Stéphane Dubois, Safran)
- Experts de Topics Bruno Mettling, Marc Grosser et Fanny Barbier
Parcours
Senior Partner
Directeur des Ressources Humaines
VP HR Africa & Head of Corporate Culture, Engagement and Social Innovation
VP HR Africa-Middle East
VP HR Danone Waters Worldwide
VP Labor Relations & CSR
Industrial Relations Director
HR Group Services Director
HR Director
Project Manager
Senior Consultant
Établissement & diplôme
Diplôme
Licence/Maîtrise Law
Law 's degree
Fiche n° 29589, créée le 21/03/2018 à 16:56 - MàJ le 28/04/2025 à 17:25
Topics
• Cabinet de conseil
• Création : 07/11/2018
• Mission : proposer un appui stratégique et opérationnel des grandes transformations RH en entreprises
• Effectif : 6 collaborateurs et un réseau d’experts indépendants
• Chiffre d’affaires (2024) : 3,8 M€
• Président fondateur : Bruno Mettling
• Contact : Sophie Felden
• Tél. : 06 03 34 42 75
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
27b rue Duret
75116 Paris France
Fiche n° 14131, créée le 21/10/2022 à 17:10 - MàJ le 14/05/2025 à 15:56