« On voit clairement les limites du “full” télétravail » (Jean-Marc Morel, RSM)
« On voit clairement les limites du “full” télétravail : on a besoin d’une vie d’entreprise. Et les structures qui ont été trop “cools” sur le sujet s’en mordent les doigts. En revanche, lorsqu’il est correctement géré, que ce soit au travers d’une charte ou d’un accord, le télétravail améliore le bien-être des salariés, sans baisse de productivité », déclare Jean-Marc Morel
Associé / Partner - Membre du Comité Stratégique. Responsable du pôle RH, Conseils et Organisation RH, paie et gestion sociale @ RSM France • Président @ Centre Interprofessionnel de Médiation et…
, associé conseil RH social et paie chez RSM France
• Membre du 6e réseau mondial d’audit, d’expertise comptable et de conseil• Création France : 2005 (1964 pour le réseau mondial). En octobre 2015, le réseau s’unifie sous une seule marque RSM…
, à News Tank, le 7/10/2024.
Il réagit à la décision du PDG d’Amazon, diffusée mi-septembre aux salariés, de revenir à du 100 % présentiel. Avant le géant du e-commerce, d’autres grandes entreprises, comme IBM, ont également durci leur position sur le télétravail à temps plein. Les différentes enquêtes menées sur le sujet montrent cependant que les entreprises françaises se sont montrées plus mesurées en la matière que les firmes anglo-saxonnes. Et que les salariés éligibles n’imaginent pas revenir au bureau cinq jours sur cinq.
« Ce que nous constatons, c’est qu’un retour en arrière sur le télétravail peut générer des démissions. Le turnover est beaucoup plus important dans les entreprises qui n’offrent pas cette souplesse d’organisation », dit-il.
Jean-Marc Morel, associé conseil RH social et paie chez RSM, répond aux questions de News Tank
Comment peut-on expliquer la décision d’Amazon de faire revenir ses salariés au bureau à plein temps après avoir mis en place le « full » télétravail ?
Cela fait des années - bien avant la crise Covid - que j’accompagne des entreprises sur la mise en place du télétravail. Et, au-delà du problème des populations éligibles ou non, le point qui revenait régulièrement concernant le « full » télétravail était le risque de perte de cohésion des équipes. Pour les commerciaux qui travaillent à distance à temps plein, les entreprises organisent très régulièrement des séminaires, des challenges et des visioconférences pour fédérer cette population. Si on ne gère pas cet aspect-là, on perd non seulement la cohésion, mais cela conduit aussi, au fil des mois, à une perte d’identité dans l’entreprise. Comment accueille-t-on, par exemple, les nouveaux arrivants ? Si l’équipe n’est pas au bureau dans les premiers temps pour leur donner des repères, il n’y a pas de véritable intégration. Par ailleurs, ce mode de fonctionnement ne convient pas aux salariés qui ne sont pas pleinement autonomes.
Comment le télétravail est-il mis en place dans les entreprises françaises ?
Essentiellement de deux façons : via une charte ou un accord d’entreprise. Le gré à gré est certes possible, mais je le déconseille fortement, car il faudrait alors que le chef d’entreprise justifie pourquoi il accorde le télétravail à tel ou tel salarié et pas aux autres. La charte ou l’accord d’entreprise permettent justement de fixer toutes les règles concernant l’éligibilité, les jours octroyés, le temps de travail, la charge de travail, les plages horaires durant lesquelles le salarié peut être contacté, le droit à la déconnection, la réversibilité, etc. Si tout cela n’est pas défini, le travail à distance est ingérable. Et l’on a d’ailleurs vu certains salariés, partis s’installer loin de leur lieu de travail, s’octroyer des droits.
Dans le cas d’une charte, les règles sont imposées par le chef d’entreprise, mais il faut surtout qu’elles soient claires et comprises par tous. Elle doit de toute façon être présentée au CSE et il vaut mieux qu’elle soit discutée en amont si l’on veut mettre tout le monde d’accord. Une fois le télétravail mis en place, l’employeur peut prendre la décision unilatérale de revenir en arrière. Dans le cas d’un accord, tout changement significatif devra être renégocié (à expiration de l’accord ou dans le cadre d’une dénonciation partielle si cette possibilité est prévue dans l’accord et si les signataires sont d’accord).
Cette remise en cause totale du télétravail par de grandes entreprises emblématiques peut-elle faire des émules ?
Ce que nous constatons, en tout cas, c’est qu’un retour en arrière sur le télétravail peut générer des démissions. Le turnover est beaucoup plus important dans les entreprises qui n’offrent pas cette souplesse d’organisation. Mais le télétravail demande du pragmatisme : chaque entreprise doit l’organiser en fonction de ses contraintes : Si, dans une usine, les administratifs (le comptable, le RRH, etc.) ne sont jamais dans les bureaux lorsqu’on a besoin d’eux, cela va forcément générer du mécontentement et des tensions parmi les ouvriers et chefs d’équipe qui, eux, doivent venir travailler tous les jours.
Dans les TPE et PME peut aussi se poser le problème des outils de communication et de l’accès aux applications maison. L’une des grandes questions qui se posent aux chefs d’entreprise étant surtout : comment mesurer le travail fait à la maison, donc la productivité ? Cela n’est pas forcément gênant dès lors qu’il y a des objectifs à tenir, des livrables à fournir. Mais un collaborateur peut y voir le moyen de s’occuper de ses enfants ou, à l’inverse, ne pas parvenir à déconnecter et souffrir d’une surcharge de travail.
Il y a donc toujours une appréhension des chefs d’entreprise à l’égard du travail à distance. Et certains de nos clients, qui avaient été contraints de s’y mettre durant l’épidémie de Covid-19, ont rapidement abandonné ensuite. Mais dans les professions qui ont des problèmes de recrutement, le télétravail est clairement devenu un facteur d’attractivité. Et, aujourd’hui, en France, les collaborateurs et candidats le réclament.
Vous n’envisagez donc pas de retours au bureau massifs à court ou moyen terme ?
Non, ce n’est pas d’actualité. Le télétravail n’est pas mort. Lorsque j’organisais, avant le Covid, des conférences sur le télétravail, j’avais un public clairsemé. Maintenant, les chefs d’entreprise ont bien compris que le télétravail était un outil à leur disposition pour gérer leur activité et leur attractivité.
En revanche, on voit clairement les limites du « full » télétravail : on a besoin d’une vie d’entreprise. Et les structures qui ont été trop « cools » sur le sujet s’en mordent les doigts. En revanche, lorsqu’il est correctement géré, que ce soit au travers d’une charte ou d’un accord, ce mode d’organisation améliore le bien-être des salariés, sans baisse de productivité. En télétravail, les collaborateurs peuvent se concentrer sur des sujets de fonds, et les jours en présentiel permettent les moments de convivialité, les échanges direct avec ses collègues, y compris sur des problématiques très techniques.
Je suis, pour ma part, persuadé que c’est une bonne solution, mais dans un cadre raisonné, et pas pour tout le monde. Les entreprises doivent aussi veiller à organiser, chaque année, l’entretien obligatoire qui porte, notamment, sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail. À défaut et en cas de litige sur le télétravail, cela serait une cause aggravante pour l’employeur.
Jean-Marc Morel
Associé / Partner - Membre du Comité Stratégique. Responsable du pôle RH, Conseils et Organisation RH, paie et gestion sociale @ RSM France
Parcours
Associé / Partner - Membre du Comité Stratégique. Responsable du pôle RH, Conseils et Organisation RH, paie et gestion sociale
Président
Directeur marché de la paie
Directeur du contrôle de gestion
Président du club social
Expertise comptable & commissariat aux comptes
Établissement & diplôme
Expert-comptable, organisation et RH
Fiche n° 52517, créée le 04/10/2024 à 17:41 - MàJ le 07/10/2024 à 15:07
RSM France
• Membre du 6e réseau mondial d’audit, d’expertise comptable et de conseil
• Création France : 2005 (1964 pour le réseau mondial). En octobre 2015, le réseau s’unifie sous une seule marque RSM, adoptée par tous ses membres.
• Mission : Accompagnement des dirigeants (PME, ETI, grandes entreprises) pour se développer, se structurer, piloter son activité (audit, expertise, conseil, juridique et fiscal, RH, corporate finance, IT et data
• Effectif : 1 500 collaborateurs, 90 associés
• Implantations : 18 bureaux en France
• Chiffre d’affaires : 155 millions d’euros (2023)
• Président : Paul Vaillant
• Contact : Lara Célié, La Nouvelle Agence (relations presse)
• Tél. : 07 77 72 52 57
Catégorie : Etudes / Conseils
Adresse du siège
26, rue Cambacérès75008 Paris France
Fiche n° 16086, créée le 04/10/2024 à 10:59 - MàJ le 04/10/2024 à 12:56