Fixation des NPEC : il va bien falloir intégrer que l’apprentissage est un marché (J-P Willems)
Avec la loi du 05/09/2018, l’apprentissage a changé de nature. Il était inscrit dans une logique de service public, avec des ouvertures de CFA et de sections d’apprentissage décidées par les conseils régionaux, il est devenu une activité de marché : libre dans son accès et soumis à quelques règles particulières dans son exercice. Toutes les conséquences de ce changement de nature ne paraissent pas avoir été tirées, comme en témoignent le projet de décret de carence et les dernières recommandations de France compétences.
Une analyse de Jean-Pierre Willems pour News Tank.
Des niveaux de financement disparates pour des diplômes ayant la même finalité
La méthode retenue pour définir les NPEC a privilégié la définition d’un montant par certification. Ce qui aboutit à avoir des NPEC différents pour des certifications qui poursuivent pourtant le même objectif et préparent aux mêmes métiers.
Si l’on prend comme exemple les certifications préparant aux métiers des ressources humaines, on peut trouver, dans les recommandations de France compétences, les différences suivantes (recommandations pour le secteur de la banque) :
- un master de l’Éducation nationale en management des ressources humaines, avec un maximum à 8 245 euros ;
- un titre de “manager de développement des ressources humaines” d’un organisme privé, avec un maximum à 7 532 euros ;
- un titre de “manager des ressources humaines” d’un autre organisme privé, avec un maximum à 5 355 euros.
Les trois diplômes sont de niveau 7 et conduisent aux mêmes métiers. Entre le minimum et le maximum, il y a donc 54 % d’écart.
Dans le projet de décret de carence, plusieurs diplômes en ressources humaines de niveau 6 et de niveau 7 sont présents. On peut relever les valeurs suivantes, qui ne constituent plus des maximums mais le coût effectif de prise en charge (nous n’avons retenu que les certifications actives en juin 2024).
Sur les diplômes de niveau 6, la différence entre le minimum et le maximum est de 25 %, et pour les diplômes de niveau 7 la différence est de 15 %.
Dans une activité de marché, comment justifier que la prise en charge puisse représenter de telles différences sans considérer que ces écarts très significatifs ne viennent fausser la concurrence, puisque le financement accordé par l’État à des formations qui ont les mêmes finalités ne permet pas aux organismes concernés de mobiliser les mêmes moyens ?
La question se pose d’autant plus que rien, dans la loi, n’impose de travailler les NPEC au niveau des certifications.
Une approche par certification qui n’est pas imposée par la loi
L’article L.6332-14 I.1° du Code du travail précise que le niveau de financement « est déterminé pour les contrats d’apprentissage en fonction du domaine d’activité du titre ou du diplôme visé ».
Concernant la régulation par France compétences, l’article L.6123-5 au 10° précise que France compétences doit émettre des recommandations sur « a) Le niveau et les règles de prise en charge du financement de l’alternance afin de favoriser leur convergence ».
Sur la base de ces deux principes, on peut constater :
- que rien n’impose de fixer les NPEC par certification ;
- que l’approche doit se faire par domaine d’activité ;
- et que la convergence des niveaux de financement est un objectif.
Au regard de ces textes, il paraîtrait assez logique que, d’une part, les titres et diplômes conduisant à un même métier soient tous financés à la même hauteur et, d’autre part, qu’une cohérence soit assurée entre les familles de métiers. Ce que ne permet absolument pas une approche par la certification.
Une simplification qui serait bienvenue
On sait que le chantier de la révision du mode de fixation des NPEC est ouvert. Dans ce cadre, on ne peut que souhaiter l’abandon d’une maille de détermination des NPEC fixée par certification, qui conduit à l’illisibilité des décisions prises, mais peut-être également à leur illégalité, tant les textes relatifs à la détermination des niveaux de financement n’instituent en aucun cas des possibilités de déroger aux règles relatives à la libre concurrence.
Au-delà de la dimension juridique, un système de financement, pour être lisible et légitime, doit cumuler les critères de simplicité et de transparence. La loi a ouvert le chemin : on peut raisonner par domaines d’activité et donc par finalités. Nul besoin de modification législative, donc, pour faire évoluer des modalités qui sont à l’évidence problématiques. Et même si le rattachement des titres et diplômes à des métiers n’est pas toujours simple, rappelons que tous les titres sont liés à des fiches ROME et que l’on en compte un peu plus de 500. De quoi disposer d’une base de travail stabilisée pour un dialogue efficient avec les différents acteurs et une solution sécurisée.
Jean-Pierre Willems
Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH @ Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Consultant @ Willems Consultant
Parcours
Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH
Consultant
Responsable du master RH
Partenaire
Établissement & diplôme
DESS Gestion du personnel - Droit (Michel Despax)
Fiche n° 24709, créée le 10/08/2017 à 15:40 - MàJ le 04/12/2024 à 07:40