Apprentissage : « Où va-t-on aller chercher les jeunes pour aller au million ? » (J-P. Audrain, Fnadir)
« Pour atteindre le million d’apprentis, il va falloir aller chercher chez les “NEETs” », déclare Jean-Philippe Audrain, président de la Fnadir, à l’occasion d’une d’une table ronde organisée par l’Ajis (Association des journalistes de l’information sociale), le 23/05/2024, pour répondre à la problématique : « Un million d’apprentis, à quel prix ? ». Étaient également présents Bruno Coquet, économiste et chercheur à l’OFCE, et Aurélien Cadiou, président de l’Anaf.
D’après l’Insee, en 2019, en France :
• 12,9 % des jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. On les appelle plus communément les NEETs.
• De 25 à 29 ans, près d’un jeune sur cinq est NEET.
Après un début de phénomène de plateau de l’apprentissage, ces jeunes sortis du cadre apparaissent, pour Jean-Philippe Audrain, comme étant une cible de choix pour parvenir au million d’apprentis visé par le Gouvernement pour 2027.
Objectif un million d’apprentis
Le gouvernement vise le million d’apprentis d’ici à 2027. Un objectif qui s’inscrit dans la continuité de la réforme de 2018, qui avait donné une place prépondérante à l’apprentissage. D’après les derniers chiffres de la Dares, le taux d’entrées en l’apprentissage a augmenté de 1,9 % en 2023, soit 850 000 nouveaux contrats, bien loin des valeurs à deux chiffres observées les années précédentes.
Malgré ce ralentissement, une nouvelle révision des NPEC (niveaux de prise en charge) des contrats d’apprentissage est confirmée par le ministère du Travail, après l’annonce qui en a été faite par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, dans le cadre du plan d’économies de 10 Md€ supplémentaires en 2024. Il s’agit d’une baisse ciblée sur les niveaux 6 (bac+3/4) et 7 (bac+5 et plus), car « l’impact de l’investissement social de l’apprentissage, en termes d’insertion dans l’emploi, est plus important pour les bas niveaux de qualification », indiquait l’entourage de Geoffroy de Vitry, haut-commissaire à l’enseignement et à la formation professionnels, le 29/04/2024 à News Tank.
Par ailleurs, l’aide de 6 000 euros maximum accordée aux employeurs qui recrutent des alternants ne s’applique plus aux contrats de professionnalisation conclus après le 30 avril 2024 (cf. décret n° 2024-392 du 27 avril 2024 portant suppression de l’aide exceptionnelle aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation.)
Le gouvernement a, en revanche, écarté, dans le projet de loi de finance pour 2024, un amendement restreignant les aides à l’apprentissage pour réaliser 700 millions d’euros d’économies. L’aide de 6 000 € à l’embauche d’un apprenti pour les contrats signés entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2024 est maintenue.
« Nous avons plus de NEETs que fin 2019 », Bruno Coquet (OFCE)
Pour Bruno Coquet « le chômage des jeunes n’a pas été réduit depuis 2019. C’est assez frappant puisqu’il y a 600 000 apprentis en plus, des contrats d’engagements jeunes ainsi que tout un tas de dispositifs. »
« Nous avons transformé des étudiants en salariés, principalement via l’apprentissage. Mais nous avons aussi plus de NEETs que fin 2019. Cela explique à quel point beaucoup d’argent a été utilisé, en manquant pourtant les cibles, tant au niveau du chômage que de la baisse des jeunes NEETs. On voit bien que cet argent est allé ailleurs et, et n’a pas fait l’objet de contrôle. »
« On a rajouté l’aide exceptionnelle de 6 000 euros qui incite les employeurs à embaucher sous le statut d’apprentis. Mais, contrairement à ce que l’on croit, ces derniers ne vont pas pas embaucher un jeune chômeur non qualifié, ils vont choisir quelqu’un qui va chercher à financer ses études. »
Quelques chiffres :
• En 2022, 17,3 % des actifs entre 15-24 ans sont au chômage ;
• En 2021, 45,4 % des jeunes non diplômés qui ont terminé leurs études depuis un à quatre ans sont au chômage ;
• Chez les 15-29 ans en 2023, la part des NEETs s’élève à 12,3 % soit environ 1,5 million de personnes.
Source Insee.
« Pour atteindre le million d’apprentis, il va falloir aller chercher chez les NEETs », Jean-Philippe Audrain (Fnadir)
« Nous avons un vivier potentiel de jeunes en sortie de troisième ou du lycée qui est en réduction à cause d’une baisse démographique. D’un autre côté, nous observons une tendance croissante des jeunes à aller vers les voies générales plutôt que professionnelles. Le vivier ne s’accroît donc pas non plus de ce côté pour aller vers l’apprentissage » indique Jean-Philippe Audrain, président de la Fnadir.
Selon lui, pour atteindre le million d’apprentis appelé de ses vœux par le président de la République, Emmanuel Macron, la réponse passe par le déploiement de moyens pour aller chercher les NEETs. « Et ce n’est pas la même affaire d’aller chercher ces jeunes sans emploi, de les sortir d’une situation impossible, loin de l’employabilité pour les réintégrer dans un modèle social, que de laisser faire en attendant de voir ce qu’il va se passer. »
« Il faut se demander comment faire pour que la valeur de la formation en apprentissage puisse être reconnue durablement, de même que la façon de travailler et d’apprendre autrement. Il faut que l’on puisse mettre en place des moyens structurels qui ancrent dans la durée le dispositif d’apprentissage dans notre pays. Il y a un certain nombre de jeunes qui ne se retrouvent pas dans l’enseignement bac, infra bac ou dans le supérieur et qui n’adhèrent pas aux modèles d’enseignements les plus classiques. Il faut considérer l’apprentissage comme un dispositif particulier, pris en charge avec un volet socle par la nation. Et arrêter de raisonner en coût, mais en investissement pour le pays. »