Diplômés du supérieur issus des QPV : « Des obstacles majeurs dans l’accès à l’emploi cadre » (Apec)

News Tank RH - Paris - Actualité n°307694 - Publié le
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L’accès à l’emploi cadre des diplômés du supérieur issus des QPV - Apec - ©  D.R.

• Moins diplômés de l’enseignement supérieur que les autres jeunes (29 % contre 56 % pour la génération 2017), les jeunes issus des QPV subissent en particulier des conditions d’éducation dégradées qui impactent négativement leur orientation et leur accès aux filières sélectives.

• Ces jeunes sont victimes d’une discrimination croisée avec une forte composante ethno-raciale (origine réelle ou supposée, couleur de la peau, religion) qui est liée à la surreprésentation des personnes immigrées ou issues de l’immigration.

• Ils subissent une stigmatisation basée sur des préjugés liés aux quartiers et pâtissent de la faiblesse de leur réseau relationnel (personnel et professionnel), pénalisant leur primo insertion sur le marché du travail.

• Une immersion professionnelle rapide, notamment à travers l’alternance, favorise l’accès à l’emploi. Or les jeunes issus des QPV intègrent moins fréquemment les formations en alternance. Un accompagnement spécifique, et plus particulièrement le mentorat, semble profitable à l’insertion professionnelle de ces jeunes.

Tels sont les principaux enseignements de l’étude sur l’accès à l’emploi cadre des diplômés du supérieur issus des QPV, publiée par l’Apec le 28/11/2023.


Le parcours scolaire des jeunes diplômés issus des QPV étudiés a été jalonné de difficultés jusqu’au supérieur

  • Les diplômés du supérieur issus des QPV interrogés évoquent spontanément leurs difficultés pour avoir accès aux études supérieures. Ils soulignent des conditions d’apprentissage globalement défavorables qui doivent être surpassées. Outre les difficultés périphériques (logements précaires, absence d’équipements, défaillance des transports, parfois familles monoparentales, etc.), l’univers scolaire du quartier est lui-même remis en cause.
  • Ces facteurs environnementaux constituent un sérieux obstacle à un apprentissage de bonne qualité, dans lequel les problématiques d’orientation ont une place importante. Aujourd’hui, l’accès à l’enseignement supérieur et à un vaste choix de formations ne se fait pas naturellement. Les diplômés issus des QPV interrogés rapportent une orientation parfois biaisée qui est renforcée par l’existence d’un phénomène d’autocensure concernant la poursuite des études dans le supérieur.
  • Certains se projettent difficilement vers des filières sélectives ou d’excellence, souffrant aussi de l’absence de modèles qui auraient pu les inspirer ou les guider dans leur orientation et leur parcours.

Une stigmatisation liée aux discriminations et aux quartiers

  • Les diplômés du supérieur issus des QPV interrogés évoquent principalement une discrimination croisée avec une forte composante ethno-raciale. Elle correspond aux comportements discriminatoires qui touchent le plus les habitants des QPV et sont liés à l’origine réelle ou supposée, la couleur de la peau et la religion supposée, comme le souligne un rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville.
  • Un rapport de la Cour des comptes indique par ailleurs que la plupart des jeunes diplômés issus des QPV expliquent spontanément cette discrimination par la surreprésentation des personnes étrangères ou issues de l’immigration dans les quartiers.
  • Selon les diplômés du supérieur issus des QPV interrogés, la stigmatisation liée aux quartiers subie durant leur parcours est souvent implicite. Elle peut générer ou nourrir une frustration et en conséquence un phénomène de repli sur soi et d’autocensure. Cette stigmatisation est liée à une perception extérieure négative de l’environnement défavorable du quartier. Des références sont ainsi faites à la violence et à l’insécurité, aux difficultés économiques, à la disponibilité de services publics ou aux possibilités de déplacement dans et hors de ces zones.
Néanmoins, les personnes interrogées s’attachent aussi spontanément à donner une image positive de leur quartier, venant contrebalancer les stigmates souvent associés. La solidarité qu’elle soit intergénérationnelle, intercommunautaire ou interconfessionnelle est souvent mise en avant. La diversité de communauté et le multiculturalisme sont également décrits comme source de richesse et d’ouverture d’esprit, de même que le dynamisme impulsé par les associations locales.

Une faible connaissance des codes culturels et des dispositifs en matière d’orientation 

  • Les diplômés du supérieur issus des QPV interrogés affirment parfois subir une stigmatisation spécifiquement liée à une certaine méconnaissance des codes culturels du monde de l’éducation supérieure et de l’entreprise. Leur prise de conscience a généralement commencé dès la fin du secondaire lorsqu’ils se sont retrouvés confrontés à une plus grande mixité sociale et à des différences culturelles au contact de leurs camarades.
  • Ainsi, durant leur parcours scolaire puis professionnel, ils rapportent avoir ressenti l’impact des différences de références culturelles qui peuvent être à l’origine de décalages sociaux, notamment dans les moments de convivialité (évènements, restauration, échanges informels). Ces différences peuvent nourrir des préjugés récurrents sur leur potentiel scolaire et professionnel ainsi qu’un complexe d’infériorité qui s’ancre d’abord sur le langage oral et écrit (accent, intonation, tics, expressions, vocabulaire riche et adapté aux situations), mais aussi sur la tenue vestimentaire, la posture et l’attitude générale de ces jeunes qui attestent d’un parcours ou d’une origine des quartiers.
  • Cette connaissance imparfaite de certains codes culturels impacte la capacité de ces jeunes à s’emparer et à utiliser efficacement les dispositifs en matière d’orientation dans les études supérieures. Elle peut par ailleurs être préjudiciable à leur insertion professionnelle, à commencer par la recherche de stage, d’alternance et plus tard l’accès au premier emploi. Les doutes des recruteurs sur leur maîtrise des codes de l’entreprise ne sont pas toujours directement exprimés, mais sont ressentis par certains jeunes diplômés du supérieur issus des QPV.

Bénéficier d’une immersion professionnelle tout au long du parcours scolaire

  • Indépendamment de leur nature (emplois étudiants, stages ou alternances), les expériences professionnelles menées durant la formation initiale peuvent s’avérer déterminantes pour l’accès à l’emploi des jeunes diplômés du supérieur issus des QPV. À condition de ne pas affecter la poursuite des études, elles viennent consolider les projets professionnels de ces jeunes tout en leur permettant de mieux faire face aux difficultés fréquemment rencontrées.
  • Ces expériences professionnelles sont pour les jeunes issus des QPV l’occasion de mieux connaître et appréhender les codes de l’entreprise, notamment les softskills attendues (ponctualité, respect de la hiérarchie, fiabilité, posture, etc.). Elles permettent d’enrichir leurs candidatures et de rassurer les recruteurs sur leur potentiel d’intégration. Ces premières expériences leur offrent aussi l’opportunité de multiplier des contacts et de développer un réseau professionnel ciblé.
  • Alors que l’alternance apparaît comme une voie particulièrement profitable à l’accès à l’emploi, les jeunes issus des QPV intègrent moins fréquemment que les autres les formations en alternance. Pensée pour concilier le travail en entreprise et la formation théorique, elle limite en effet les principaux risques liés au travail en parallèle des études : le surmenage et l’échec scolaire. La longueur de l’immersion en entreprise, à un poste en cohérence avec les études, favorise par ailleurs l’employabilité encore plus que les stages. De plus, grâce à la rémunération associée, l’alternance permet aussi à ces étudiants d’assumer plus facilement le coût de longues études, plus favorables à l’accès à des postes de cadres.

Profiter d’un accompagnement personnalisé, précoce et surtout du mentorat

  • Par simple méconnaissance ou défiance, de nombreux jeunes issus des QPV ne mobilisent pas toutes les ressources dont ils pourraient bénéficier pour leur insertion professionnelle. Certaines personnes interrogées évoquent une première expérience d’accompagnement décevante ou infructueuse car trop basique et générique, peu adaptée à leurs besoins spécifiques, pour expliquer ce manque d’intérêt.
  • Le recours à l’accompagnement leur semble pourtant rétrospectivement nécessaire, surtout en amont de leur recherche d’emploi. Ils expriment des attentes sur une aide à l’information et l’orientation durant l’intégralité de leur parcours, afin d’anticiper les difficultés dans l’accès aux études supérieures et faciliter leur insertion professionnelle.
  • D’un point de vue psychologique, le mentorat comporte une valeur aspirationnelle importante car il offre un modèle de réussite identificatoire. En confrontant ces jeunes à la concrétisation de projets semblables aux leurs, le mentorat semble être un vecteur de légitimation de leurs propres ambitions.
  • D’un point de vue pratique, pour les jeunes mentorés, il favorise l’acquisition de connaissances, mais aussi de bonnes pratiques favorisant leur employabilité. Il peut par ailleurs permettre la mise en relation avec des employeurs et plus largement aider à la constitution d’un réseau professionnel.

Les analyses présentées dans cette étude s’appuient sur une enquête qualitative confiée au Crédoc Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie entre avril et juillet 2023. 48 entretiens d’une durée d’une heure trente chacun ont été réalisés auprès de jeunes ayant résidé ou effectué une grande partie de leur scolarité en QPV (hors Outre-mer) et étant titulaires au minimum d’un diplôme de niveau équivalent à Bac+3 :

• 29 entretiens avec des diplômés âgés de 30 à 35 ans issus des QPV et actuellement en emploi. Un panachage des profils a été effectué sur le genre, le niveau de diplôme et la filière de formation, la localisation géographique du QPV, le statut (cadre, manager, indépendant, salarié du privé/du public) et le secteur d’activité.

• 19 entretiens avec des jeunes diplômés de moins de 30 ans issus des QPV et actuellement en recherche d’emploi. Un panachage des profils a été effectué sur le genre, le niveau de diplôme, la filière de formation et la localisation géographique du QPV.

APEC (APEC)

• Association pour l’emploi des cadres
• Création  : 1966
• Missions  :
- accompagner et conseiller les cadres tout au long de leur parcours professionnel ainsi que les jeunes issus de l’enseignement supérieur.
- accompagner les entreprises dans leurs recrutements et la gestion de leurs compétences internes
Effectif  : 1 100 collaborateurs (2024)
Président : Pierre Damiani (CFE-CGC)
Vice-présidente : Marie-Laure Collet (Medef)
Directeur général  : Gilles Gateau
Directrice des ressources humaines et de la RSE : Vanessa Robert
• Contact : Mendrika Lozat, responsable relations médias
• Tél. : 06 74 94 76 24


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Fiche n° 5621, créée le 01/09/2017 à 11:27 - MàJ le 16/12/2024 à 17:37

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