« En 2018, nous étions à zéro sur l’apprentissage, nous sommes devenus n° 2 derrière le BTP » (Syntec)

News Tank RH - Paris - Actualité n°305934 - Publié le
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Jean-Marie Guerout, Jessica Gonzalez-Gris, Jean-Marie Guerout et Nathalie Delorme. - ©  D.R.

« En 2018, nous sommes partis de zéro sur l’apprentissage. Nous étions plutôt coutumiers du contrat de professionnalisation. Il faut préciser que notre secteur compte une très forte population de cadres, plutôt issus de l’enseignement supérieur avec des niveaux entre Bac+3 et Bac+5. L’apprentissage, par définition et initialement, n’était pas un dispositif utilisé par nos entreprises pour répondre à leurs besoins de compétences. La branche travaille depuis quinze années sur “comment accompagner les entreprises à répondre à ces besoins ?”  », déclare Jessica Gonzalez-Gris, déléguée emploi-formation du Syntec, le 08/11/2023. Elle s’exprime à l’occasion d’une table ronde organisée dans le cadre d’une matinée proposée par L’Observatoire de l’Alternance.

« Nous sommes sur 50 000 créations nettes d’emplois par an, ce qui est énorme et nous pourrions faire davantage, si nous pouvions répondre à l’ensemble des besoins. L’ouverture de l’apprentissage, en 2018, à des certifications qui correspondaient aux besoins de nos métiers, a eu un effet majeur : nous sommes aujourd’hui la deuxième branche pourvoyeuse d’apprentis derrière le BTP et juste devant la métallurgie. »

« Nous comptons 65 000 alternants dont 90 % en apprentissage aujourd’hui. Ils se répartissent sur 1 500 certifications. C’est un spectre large, même si nous sommes à 85 % sur des formations en apprentissage débouchant sur des certifications de niveaux Bac+3 à Bac+5. »En termes d’insertion, nous avons investi le dispositif de la POEC lorsqu’elle est apparue. Il nous permettait de répondre à des besoins sectoriels pour les entreprises. Derrière, lorsque nous recourons à ce type de dispositif, qu’il s’agisse de POEC ou de contrat d’apprentissage, c’est que l’entreprise propose une continuité et une insertion. Nous sommes sur du 86 % en emploi à six mois du contrat d’apprentissage et 85 % à 24 mois après l’apprentissage."


• Nathalie Delorme, conseillère technique formation et emploi, Confédération Générale de l’Alimentation en Détail ;

• Jean-Marie Guerout, directeur de la stratégie emploi des Jeunes, Orange ;

• Roland Grimault, directeur de l’Union Nationale des Maisons Familiales et Rurales ;

• Jessica Gonzalez-Gris, déléguée emploi-formation, Syntec.

NPEC : « Travaux de nos branches ciblés sur 30 à 40 diplômes majeurs » (Nathalie Delorme, CGAD)

Nathalie Delorme. - ©  D.R.
« Les organisations professionnelles rassemblées au sein des branches que nous représentons ont ciblé leurs travaux liés aux coûts contrats sur 30 ou 40 diplômes majeurs pour nos métiers.
À la différence d’autres branches, elles n’ont pas fait le choix de fixer un niveau de prise en charge dès lors qu’il y a au moins un apprenti dans la branche. »

« La baisse des NPEC nous inquiète énormément, car derrière, c’est tout l’écosystème en termes de formation et du recrutement des salariés qui va être impacté dans un secteur où la plupart des métiers sont en tension. »

« Tous les niveaux de prise en charge ont baissé. Si l’on regarde quelques CAP emblématiques, celui de boulanger, par exemple, avait un niveau de prise en charge de 5 992 €. Nous sommes aujourd’hui à 6 015 € en 2023. Il y a certes une très légère augmentation, mais entre ces deux périodes, nous avons vécu une forte hausse de l’inflation et les charges ont augmenté. Les charges de salaire, l’accompagnement social, la pédagogie et l’accompagnement à mettre en place ont un coût. Ce différentiel ne permet plus de retomber sur un équilibre. En 2019, l’ensemble des organisations des branches, en collaboration avec les CFA qui forment à ces diplômes et à ces métiers, se sont rassemblées autour du travail de fixation des niveaux de prise en charge. Nous avons travaillé à partir des comptabilités analytiques et avec des outils de cartographie pour avoir une idée de l’offre existante. »

Nathalie Delorme, conseillère technique formation et emploi, Confédération Générale de l’Alimentation en Détail.

Conversion : « Parler d’expériences plutôt que de chiffres » (Jean-Marie Guerout, Orange)

Jean-Marie Guerout. - ©  D.R.

« Aujourd’hui, nous gardons environ 25 % de nos apprentis. J’aimerais que ce pourcentage soit plus élevé, mais nous avons des jeunes qui préparent des BTS ou des DUT, que nous aimerions pouvoir garder mais, qui nous disent vouloir poursuivre et aller jusqu’au master, voire jusqu’à une école d’ingénieur. Aussi, nous les encourageons et nous tenterons de les récupérer plus tard. Nous avons également des jeunes qui font leur apprentissage chez nous, qui en sont satisfaits, mais qui veulent découvrir d’autres environnements professionnels. Ils veulent changer, avoir différentes expériences et peuvent revenir chez nous après trois ou quatre ans d’expérience. »

Taux de ruptures : « Des ruptures par le haut, en période d’essai et liées au financement »

« Nous ne savons pas ce qu’il y a derrière le taux de rupture, souvent utilisé comme l’un des marqueurs de la qualité dans l’apprentissage. Cela peut être quelqu’un qui va interrompre un cycle d’étude. Sur des gens qui vont préparer un Bac+3, par exemple, qui sont parmi les meilleurs de leur promotion et qui vont avoir accès aux écoles d’ingénieur à l’issue de la deuxième année. Dans ce cas il y a rupture, mais c’est une bonne rupture, par le haut. Il y a également des ruptures de période d’essai, ou d’autres qui sont liées à ce système de financement.

En revanche, le taux d’insertion professionnelle serait plus intéressant à regarder. L’apprentissage et l’alternance ont permis d’augmenter l’insertion professionnelle des jeunes, notamment de ceux en difficultés. C’est le succès sur lequel nous pouvons capitaliser. »

Jean-Marie Guerout, directeur de la stratégie emploi des Jeunes, Orange.

Ruptures : « Nous communiquons sur les sorties du système » (Roland Grimault, Union des MFR)

Roland Grimault. - ©  D.R.

« Nous faisons des sondages dans le réseau pour mesurer nos taux de rupture de contrat d’apprentissage et nous communiquons sur un taux de 5 % de rupture de contrats. C’est un taux très faible, mais il désigne les ruptures qui donnent lieu à une sortie de notre système de la formation. Si nous rajoutons tous les contrats rompus avec la signature d’un autre contrat d’apprentissage avec une autre entreprise, nous sommes autour de 10 à 12 %. Mais nous considérons dans ce cas qu’il n’y a pas vraiment de rupture au sens ou nous l’entendons souvent. Accompagner un jeune qui avait choisi une entreprise et pour lequel ça n’a pas marché, vers une autre, fait partie de notre mission. »

Education et orientation

« Notre nom exact, à l’origine, était un peu long : “Maisons familiales rurales d’éducation et d’orientation” . Pourtant chacun de ces mots est extrêmement important. Nous sommes quelques anciens élèves à être aux responsabilités et nous sommes convaincus par ce parcours. Nous regardons celui des anciens élèves : ce n’est pas parce qu’ils ont été formés en agroalimentaire, par exemple, qu’ils sont restés dans le même métier et dans le même secteur. Je pense toujours à cette apprentie qui avait de l’agroalimentaire et qui est aujourd’hui responsable d’une agence bancaire parce qu’elle a fait des détours. »

Accompagnement : « Une organisation qui amène une présence d’adultes assez forte au quotidien auprès des jeunes »

« Nous avons une certaine connaissance des jeunes, une organisation pédagogique et une organisation du travail qui fait qu’il y a une présence d’adultes assez forte au quotidien auprès des jeunes, en soirée et avec l’internat. C’est un ensemble qui constitue ce que nous considérons être un système. Il y a la place de l’équipe dans l’accompagnement, il y a la relation aux parents, qui est essentielle, et celle à l’entreprise. Nous avons parfois des maisons familiales qui marchent un peu moins bien et nous nous apercevons qu’il y a un élément de ce système qui a un peu été oublié ou qu’il y a eu une difficulté. »

Roland Grimault, directeur de l’Union Nationale des Maisons Familiales et Rurale.

Coûts : « Un accompagnement pour rassurer les entreprises » (Jessica Gonzalez-Gris, Syntec)

Jessica Gonzalez-Gris. - ©  D.R.

« Quand nos entreprises ont vu s’ouvrir l’apprentissage, l’Opco Atlas nous a accompagnés en s’accordant avec elles sur des éléments de langage et rappelant qu’il s’agissait d’une voie d’insertion professionnelle et  d’accompagnement que doit assurer l’entreprise, en interne.

Ensuite, il a fallu rassurer sur le coût de la formation. La branche a essayé de se positionner sur les coûts en déceler rapidement les formations relevant du cœur de métier et là où étaient les pénuries, afin de soutenir au mieux ces formations. La branche a décidé, à l’inverse, de moins soutenir d’autres niveaux de prise en charge. Toutefois il faut relativiser ce pouvoir de décision des branches sur les niveaux de prise en charge. Effectivement, les branches peuvent se positionner entre deux valeurs, mais parfois nous n’avons que 500€ d’écart entre les deux. S’agit d’un véritable pouvoir décision ? Je dirais plutôt que nous essayons de marquer une intention. »

NPEC : La piste du conventionnel ?

À propos d’une éventuelle contribution conventionnelle qui pourrait être créée par les branches pour compléter les NPEC : « Au niveau de la branche, nous avons pensé à nous positionner pour soulager et venir accompagner financièrement, mais il s’agit d’apporter un plus et non pas d’utiliser le conventionnel pour financer le restant à charge. Par ailleurs, le sujet pose la question des moyens, toutes les branches n’ont pas de conventionnels. On introduit alors un biais inégalitaire et nous risquons d’entrer dans des stratégies de concurrence.

Par exemple, nous nous avons des besoins de formation qui ne sont pas encore totalement satisfaits et ces compétences sont donc à développer pour nos clients. Or l’inscription au RNCP permettant une prise en charge de la formation, nécessite deux cohortes, durant lesquelles le coût de la formation est brut et direct pour l’entreprise. Avec les partenaires sociaux, nous nous sommes dit qu’il y avait peut-être là un intérêt à flécher notre conventionnel pour appuyer les créations de certifications. Pour les accompagner, répondre à nos besoins et correspondre aussi au sujet de parité. Cela nous permettrait, dans la construction, d’établir des communications un peu différenciées pour attirer la population manquante dans nos effectifs. »

Co-construction : « Se rapprocher des écoles pour introduire davantage de compétences nécessaires aux entreprises »

"Autre conséquence de l’émergence de l’apprentissage dans notre branche, de plus en plus, les écoles se rapprochent de nous pour identifier nos besoins et travailler sur la pédagogie. Elles ont appris à nous contacter pour voir comment travailler ensemble, créer des certifications au plus près du besoin. Là où nous avons le plus de mal, c’est avec les universités. Nous peinons davantage à travailleur eux. Nous avons récemment pu parler au nom des branches, au Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). C’est encore quelque chose qui leur semble assez lointain dans la construction et dans l’élaboration des diplômes. Sur le prisme qualité, nous allons plutôt nous rapprocher, essayer de discuter et de travailler davantage ensemble pour permettre une réponse. Cela engagera de l’insertion ensuite.

Jessica Gonzalez-Gris, déléguée emploi-formation, Syntec.

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Jean-Marie Guerout, Jessica Gonzalez-Gris, Jean-Marie Guerout et Nathalie Delorme. - ©  D.R.