Onisep : « Le partage de compétences impliquait de redéfinir nos missions » (F. Alexandre-Bailly)

News Tank RH - Paris - Interview n°300571 - Publié le
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Frédérique Alexandre-Bailly, DG de l’Onisep depuis août 2019 - ©  D.R.

« Le fait d’avoir un partage de compétences concernant l’information sur les formations et les métiers impliquait de redéfinir nos missions. Nous travaillons avec les Régions à des rythmes différents selon les cas. Cela se passe très bien, d’un point de vue du travail au quotidien. Mais il y avait une question juridique : pour pouvoir contractualiser clairement, il faut que nos missions soient clairement définies », déclare Frédérique Alexandre-Bailly Directrice générale @ Onisep
, directrice générale de l’Onisep • Office national d’information sur les enseignements et les professions, un opérateur de l’État relevant du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la… à News Tank, le 15/09/2023.

Elle s’exprime notamment sur le décret réorganisant les missions et les structures régionales de l’Onisep, publié le 14/07, et sa construction. « Nous avons travaillé à définir ce que devenaient nos missions dans le cadre de ce nouveau partage de compétences.

Trois éléments nous semblent très importants dans cette évolution :
• confirmer le fait que l’Onisep reste responsable de la collecte et de l’actualisation des données sur les formations diplômantes à l’échelle nationale ;
• l’ajout d’une mission d’information sur l’orientation et d’accompagnement à l’orientation ;
• enfin, nous nous sommes trouvé une mission d’articulation des différents acteurs. »

À la tête de l’organisation depuis 2019, Frédérique Alexandre-Bailly revient également sur sa vision de l’orientation, qu’elle juge « aussi importante que la maîtrise des fondamentaux ».

« Dans le développement d’un jeune, le fait de pouvoir se projeter avec une vision pas trop faussée de la façon dont on peut aller vers tel type d’avenir, c’est très important. Cela implique de ne pas oublier, quand on évalue un établissement, de regarder comment il accompagne les jeunes dans la construction de leur projet d’études et de métier. »

Frédérique Alexandre-Bailly répond aux questions de News tank.


Un décret réorganisant les missions, les instances et les structures régionales de l’Onisep a été publié le 14/07/2023. Pourquoi ce nouveau texte et que change-t-il pour l’office ? 

À la suite de la loi « Avenir professionnel » du 05/09/2018, il y avait une nécessité de refondre des paragraphes du Code de l’éducation qui concernait l’Onisep. Le fait d’avoir un partage de compétences avec les Régions concernant l’information sur les formations et les métiers impliquait de redéfinir nos missions.  

C’est un travail que nous avons d’abord effectué en interne pour être sûrs que ce soit fait avec l’ensemble des cadres, y compris les DRAIO (délégués régionaux académiques en charge de l’information et de l’orientation), puisque ce sont les délégués régionaux de l’Onisep.

Nous avons organisé un séminaire de l’encadrement en septembre 2019, juste après mon arrivée, et avons travaillé à définir ce que devenaient nos missions.

Trois éléments nous semblent très importants dans cette évolution :  

  • Confirmer le fait que l’Onisep reste responsable de la collecte et de l’actualisation des données sur les formations diplômantes à l’échelle nationale. C’est un gage d’égalité des chances que, quel que soit l’endroit où se trouve une famille, elle ait accès au même type d’information  ; 
  • La nécessité d’informer, pas seulement sur les formations et les métiers, mais aussi sur l’orientation générale.
    • Les procédures d’orientation ne sont pas toujours évidentes à comprendre. Nous avons donc ajouté, dans le Code de l’éducation, une mission d’information sur l’orientation et d’accompagnement à l’orientation.
    • C’est la différence qualitative de ce nouveau décret. Désormais, l’Onisep est l’opérateur des deux ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur pour l’accompagnement à l’orientation, en lien avec la Dgesco et la Dgesip pour apporter une expertise sur ce domaine ; 
  • Enfin, nous nous sommes trouvé une mission d’articulation des différents acteurs. Nous essayons de mettre de l’huile dans les rouages à chaque échelle.  
Définir nos missions dans le cadre du partage de compétences »

Ces éléments essentiels étaient déjà inscrits dans notre COP (contrat d’objectifs et de performance) signé en mars 2021. Il fallait les faire passer dans la loi, mais pour cela nous attendions d’avoir d’autres évolutions : à savoir des évolutions en termes d’organisation.  

Quelles sont ces évolutions organisationnelles ? 

La loi de 2018 implique un transfert de compétences, mais aussi de financement, pour que les Régions puissent disposer des fonds nécessaires pour embaucher des acteurs susceptibles de remplir leurs nouvelles missions.  

Pour l’Onisep, cela s’est traduit par la suppression de 155 postes en région et la redéfinition des missions des collègues qui restaient dans les délégations régionales et qui sont devenues des directions territoriales de l’Onisep. Il y a à présent une équipe par région académique, avec des personnels dans chacune des académies, mais sous la direction du même directeur territorial. 

Depuis la loi de 2018, vous devez donc travailler avec les Régions. Comment cela se passe-t-il ? 

Nous travaillons avec les Régions à des rythmes différents selon les cas. Cela se passe très bien, d’un point de vue du travail au quotidien pour trouver la meilleure articulation possible entre le programme Avenir(s) et les outils que les Régions ont pu déployer.

Mais il y avait une question juridique. Pour pouvoir contractualiser clairement, il faut que nos missions soient clairement définies.

Un autre élément important est que le décret fait rentrer les Régions à notre conseil d’administration. 

En novembre, nous aurons notre premier conseil d’administration avec les Régions. Mais sachant que cela allait arriver, nous les avions invitées à notre CA de juin. C’était notre premier CA de discussion sur l’avenant au COP ; comme c’est un sujet stratégique important, il me semblait important d’inviter les deux VP de région qui siègent à notre CA.  

Vous êtes donc arrivée à la tête de l’Onisep à un moment compliqué pour l’organisation. Comment avez-vous géré cela ? 

Je suis arrivée en août 2019 à un moment où les équipes avaient beaucoup manifesté contre la loi de 2018 et espéré qu’elle ne serait pas mise en œuvre.  

Or, j’avais la facilité d’avoir un discours très clair : on n’a pas le choix, il fallait le faire. Donc nous avons beaucoup travaillé avec les organisations syndicales, qui ont été assez formidables, et nous nous sommes mis d’accord sur le fait que l’objectif était de pouvoir accompagner correctement les collègues qui nous quittaient, tout en assurant la pérennité de la maison. 

Accompagner correctement ceux qui nous quittaient, tout en assurant la pérennité de la maison »

Nous avons fait un bilan de compétences pour tout le monde, avec des formations à la clé pour aider des collègues qui n’avaient pas forcément le niveau de diplôme pour poursuivre la carrière qu’ils voulaient.

Nous avons ainsi pu mener de front l’accompagnement vers la sortie de ceux qui devaient partir et la construction d’une nouvelle configuration des délégations territoriales. Ce n’était pas simple, mais cela fait partie de la réalité du boulot managérial. 

Vous indiquez qu’un avenant à votre COP, qui couvrait la période 2021-2023, est en cours de rédaction. Pourquoi ? 

En effet, notre COP arrive à échéance en décembre 2023. Nous avons écrit notre avenant en participatif et l’avons envoyé à nos tutelles fin juillet. Nous attendons leur retour et cela passera au conseil d’administration en novembre. 

Nous avons décidé de faire un avenant, plutôt qu’un nouveau COP, pour plusieurs raisons. La première est que nous sommes en cours de construction de Programme Avenir(s) qui va sortir à la rentrée 2024. Donc nous voulions passer un petit peu moins de temps sur la construction du COP et attendre d’avoir sorti Avenir(s).

Des ambitions fortes du point de vue de l’intelligence artificielle »

D’autre part, avec la crise sanitaire, quelques projets du COP ont pris un peu de retard et ont besoin d’être poursuivis. Nous avons rédigé un avenant pour rajouter des éléments qui n’existaient pas il y a trois ans, mais aussi pour se mettre des cibles pour les années 2024-2025. Mais une fois que nous aurons sorti Avenir(s), nous retravaillerons pour sortir un nouveau COP pour l’année 2026. 

Quels sont ces projets qui ont pris du retard ? 

Nous avions par exemple des objectifs de création de communautés de partage de pratiques avec des enseignants pour avancer ensemble sur l’accompagnement à l’orientation. Pendant la crise sanitaire, ils étaient au four et au moulin pour assurer les enseignements et donc la question de l’orientation ne pouvait pas être mise en avant. 

Nous avions aussi des ambitions assez fortes du point de vue de l’intelligence artificielle. Nous avons commencé à travailler, mais nous ne sommes clairement pas au niveau de ce que nous ciblions. 

Financé à hauteur de 30 M€ sur dix ans par le plan France 2030, le programme Avenir(s) est coordonné par l’Onisep et opéré par l’ANR (Agence nationale de la recherche). Il a pour ambition « d’améliorer l’accompagnement des jeunes dans la construction de leurs projets d’avenir et d’installer la démarche d’orientation tout au long de la vie ».

Il est articulé autour de trois offres numériques :

• Une plateforme d’information et d’accompagnement à l’orientation qui offrira un compte à chaque jeune à partir de la 5e,

• Des portfolios d’apprentissages et de compétences pour l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, portables vers le passeport de compétences du ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion,

• Une application pour le développement des compétences du 21e siècle.

L’été a également été marqué par la publication du rapport Davi-Cazenave, qui appelle à «  ne pas décentraliser davantage la politique d’orientation  », confortant ainsi le rôle de l’Onisep. Quel regard portez-vous sur ce document ? 

Je n’ai pas à porter d’avis, mais ce que j’ai beaucoup apprécié dans ce rapport est le fait de dire, après le rapport de 2020 de l’Igésr (Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche), qu’il nous faut une politique nationale avec des objectifs clairs et des indicateurs partagés sur des politiques menées par des Régions et celles menées par l’État.

Quand on met en place une nouvelle répartition des compétences, il faut quand même se donner les moyens de se dire si cela fonctionne ou pas.   

À quels types d’indicateurs, pensez-vous ? 

Ce pourrait être une évolution d’un certain nombre de facteurs, du type indicateurs de satisfaction : sont-ils contents, six mois après la procédure d’affectation ? Cela peut aussi porter sur le nombre de premiers choix d’affectation et le taux de réussite dans les formations qui ont été demandées. 

Il faut avoir plusieurs indicateurs qui nous permettent de savoir si l’accompagnement est satisfaisant. Cela implique que l’ensemble des ministres concernés et Régions de France soient d’accord. 

Faut-il donner plus de place à l’orientation dans le cursus scolaire, à l’image de la mise en place de la découverte des métiers à partir de la classe de 5e ?

Nous sommes dans un système dans lequel on voudrait revaloriser la voie professionnelle, mais où l’on n’arrive pas à sortir du lien entre les notes et l’affectation. Or, on sait très bien que la motivation joue pour beaucoup.

« Punir » un élève parce qu’il a de mauvaises notes et l’envoyer dans une filière dont il n’a aucune envie et à laquelle il n’a jamais pensé, cela ne peut pas marcher.

L’orientation est aussi importante que la maîtrise des fondamentaux »

Donc, le travail que nous engageons sur la découverte de métiers est centré sur le cheminement, les intérêts, les goûts et les propres forces des élèves qu’ils mettent en relation avec les métiers qu’ils découvrent, mais aussi avec les parcours des professionnels qui en parlent.

L’orientation est aussi importante que la maîtrise des fondamentaux. Tout le monde n’est pas d’accord avec moi, mais dans le développement d’un jeune, le fait de pouvoir se projeter avec une vision pas trop faussée de la façon dont on peut aller vers tel type d’avenir, c’est très important. Cela implique de ne pas oublier, quand on évalue un établissement, de regarder comment il accompagne les jeunes dans la construction de leur projet d’études et de métier.   

Frédérique Alexandre-Bailly

Parcours

Onisep
Directrice générale
Académie de Dijon
Rectrice
ESCP Business School (ESCP)
Responsable du programme égalité des chances
ESCP Europe
Directrice du Centre de Recherche Includee
ESCP Business School (ESCP)
Professeure de gestion des ressources humaines et d’organisation
Hautes écoles Sorbonne Arts et Métiers (Comue) (Hésam Université)
Directrice des études adjointe
ESCP Business School (ESCP)
Doyen du Corps Professoral
ESCP Business School (ESCP)
Responsable de la filière apprentissage
Stratorg
Consultante

Établissement & diplôme

Université Paris Nanterre
Titulaire d’un master recherche (DEA) en histoire de la philosophie
HEC Paris (Ecole des hautes études commerciales de Paris)
Titulaire d’un doctorat en « business administration and management »

Fiche n° 49956, créée le 20/09/2023 à 11:09 - MàJ le 20/09/2023 à 11:09

Onisep

• Office national d’information sur les enseignements et les professions, un opérateur de l’État relevant du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Création : 1970
Missions :
- I
nformer sur les formations, les métiers, les secteurs professionnels
- Guider les jeunes et leur famille dans leurs choix de parcours de formation et de projet professionnel
- Fournir des ressources aux équipes éducatives qui aident les jeunes dans leur démarche d’orientation
- Accompagne les politiques ministérielles en faveur
des jeunes décrocheurs, de la scolarité des élèves en situation de handicap, de l’égalité filles-garçons et de l’égalité des chances, de la valorisation de secteurs professionnels porteurs d’emplois
Réseau : un siège en Ile-de-France, 17 délégations territoriales, 28 sites
Effectif  : 330 personnes
Directrice générale : Frédérique Alexandre-Bailly
Contact tél. : 01 64 80 35 00


Catégorie : Etat


Adresse du siège

12 mail Barthélémy Thimonnier
77437 Marne la vallee Cedex 2 France


Fiche n° 14996, créée le 19/07/2023 à 10:26 - MàJ le 07/11/2024 à 15:20

©  D.R.
Frédérique Alexandre-Bailly, DG de l’Onisep depuis août 2019 - ©  D.R.