NPEC : « La baisse de 10 % ne suffira pas à l’équilibre budgétaire de France compétences » (IGF/Igas)

News Tank RH - Paris - Actualité n°300105 - Publié le

• Permettre aux branches de moduler les NPEC à la hausse comme à la baisse dans le respect d’un cadrage financier par branche fixé par l’État ;

• Fixer un niveau de prise en charge socle déterminé par l’État sur la base de ses priorités, et complété par des contributions conventionnelles traduisant les priorités des branches. 

Tels sont les deux scénarios proposés par l’IGF et de l’Igas pour financer les CFA détaillé dans le rapport intitulé : « Modalités de financement des CFA », rendu public le 01/09/2023.

À court terme, les inspections préconisent de baisser les NPEC « de façon proportionnée à l’écart constaté au coût moyen par certification ». C’est ce que le CA de France compétences • Établissement public administratif créé par la loi du 05/09/2018, placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle. Mise en route le 01/01/2019 • Gouvernance quadripartite… a décidé dans sa délibération n° 2022-06-017 en date du 30/06/2022 relative au principe d’une baisse de 10 % en deux étapes des NPEC. Le modèle de baisse des NPEC au 01/09/2023 expertisé par France compétences aboutit, selon les scénarios, à une fourchette d’économies allant de 277 M€ (-2,6 %) à 768 M€ (-7,4 %) par cohorte.

Les inspections indiquent cependant que « la baisse de 10 % du coût des contrats d’apprentissage ne suffira pas à rétablir l’équilibre budgétaire de France compétences ». À ce jour, « France compétences prévoit un déficit prévisionnel de 2,9 Md€ à fin 2023 avec un risque de rupture de trésorerie dès octobre 2023 ».


Face à l’explosion des dépenses d’apprentissage - 10,3 Md€ en 2023 alors que les ressources de la Cufpa sont de 10,1 Md€, dont un tiers environ est dédié (3,6 Md€) à la prise en charge des contrats en alternance -, la Première ministre a missionné l’IGF et l’Igas en mars 2023 pour mettre en œuvre une revue de dépenses sur le financement des CFA.

Proposition n° 1 : Supprimer la distinction entre les lignes budgétaires Cufpa et péréquation qui financent conjointement la section alternance des Opco et fixer directement l’enveloppe attribuée à chaque Opco pour certaines dépenses des CFA (investissements, financement des maîtres d’apprentissage).

Proposition n° 2 : Poursuivre la fiabilisation des comptabilités analytiques(encadrement des clés de répartition des charges indirectes) et anticiper leur remontée à France compétences à fin juin puis à fin mai N+1.

Proposition n° 3 : Dans le cadre de la révision à court terme des NPEC, réduire le sur-financement de l’apprentissage en simplifiant le modèle de France compétences et en respectant une logique de convergence proportionnée à l’écart constaté entre les NPEC et les coûts observés par contrat (économie envisagée : 580 M€).

Proposition n° 4 : À moyen terme, assurer la soutenabilité budgétaire de l’apprentissage en responsabilisant financièrement les branches, selon deux scénarios alternatifs :

- permettre aux branches de moduler les NPEC à la hausse comme à la baisse dans le respect d’un cadrage financier par branche fixé par l’État ;

- fixer un niveau de prise en charge socle déterminé par l’État sur la base de ses priorités, et complété par des contributions conventionnelles traduisant les priorités des branches.

Proposition n° 5 : Recentrer les dispositifs dérogatoires de Cufpa /TA sur les exemptions applicables au salaire de l’apprenti, dans une logique incitative, et supprimer la réduction de taux pour l’Alsace-Moselle (rendement estimé à environ 300 M€).

Proposition n° 6 : Étudier la modulation du taux de la Cufpa en fonction des tensions de recrutement sur le marché du travail.

Proposition n° 7 : Réduire le NPEC des niveaux 6 et 7 tout en redirigeant une partie des économies réalisées sur les dispositifs préparant à l’apprentissage sur les niveaux 3 et 4. Alternativement, envisager une modulation des aides aux employeurs en fonction du niveau de diplôme.

Proposition n° 8 : Enrichir les remontées de données des CFA vers France compétences pour permettre une meilleure connaissance de leurs modèles économiques(comptabilité générale détaillée, taux de remplissage des sections).

Proposition n° 9 : Instruire l’opportunité et la possibilité de mettre en place un échantillon de CFA représentatif à la fois de l’ensemble des formations dispensées et de l’ensemble des CFA.

Proposition n° 10 : Supprimer la distinction entre amortissements de plus et de moins de trois ans dans les NPEC, recalibrer l’enveloppe allouée aux Opco pour le financement de l’investissement des CFA et le soutien aux maîtres d’apprentissage en tenant compte de la croissance du nombre d’apprentis depuis 2018, et y intégrer l’enveloppe des régions en faveur de l’investissement (180 M€ en 2022).

« Les paramètres de détermination des fourchettes sont perçus comme arbitraires et ne permettent pas de maîtriser la dynamique des dépenses »

La méthode utilisée par France compétences pour calculer la fourchette de valeurs encadrant les NPEC repose sur deux séquences :

  • Une première séquence permettant d’aboutir à une fourchette de valeurs, au cours de laquelle France compétences retraite les propositions atypiques des branches situées en dehors d’un intervalle fixé conventionnellement (entre 3 000 € et 25 000 €) ; calcule une valeur dite pivot pour chaque certification ; fixe une borne haute aux propositions remontées par les branches ;
  • Une seconde séquence visant à plafonner la fourchette par l’observation des coûts moyens de formation d’un apprenti issus de la comptabilité analytique remontée par les CFA. Lorsqu’il existe une remontée de comptabilité analytique, la fourchette est plafonnée par le coût moyen majoré conventionnellement de 50 %. En l’absence de remontée, la fourchette est plafonnée par le coût moyen sur le domaine de spécialité de la certification majorée de 90 %.

« Cette méthode repose sur des paramètres déterminés sans rationnel évident, ce qui nuit à sa compréhension et son acceptabilité par les acteurs de l’apprentissage », selon les inspections. D’autre part, « la méthode de détermination des fourchettes de NPEC n’intègre pas de manière satisfaisante l’objectif de soutenabilité des dépenses publiques d’apprentissage ». L’absence de pondération des propositions de NPEC effectuées par les branches en fonction de l’effectif d’apprentis concernés revient ainsi à donner le même poids à toutes les branches. Cette méthode est « intrinsèquement inflationniste car elle ne responsabilise pas les branches professionnelles ».

Un écart moyen de 1 006 € est observé entre le NPEC et le coût moyen

En conséquence, il existe « des écarts importants selon les certifications, entre le NPEC et le coût moyen par apprenti ».  

« Il existe aujourd’hui une situation de sur-financement des contrats d’apprentissage en raison de l’écart entre NPEC et coût moyen lorsque les effectifs sont pondérés par certification. »

« Lorsque France compétences fixe les NPEC, sans pondération par les effectifs, la différence entre les NPEC et le coût moyen issu de la comptabilité analytique par certification est légèrement supérieure à zéro. Dès lors que cette différence est pondérée par les effectifs, la distribution de cet écart est modifiée et on observe un écart moyen de 1 006 € entre le NPEC et le coût moyen. Les certifications avec le plus d’apprentis sont celles qui présentent l’écart le plus important entre NPEC et coût moyen par apprenti. »

Financement de l’investissement dans les CFA

« L’absence de mécanisme d’indexation des enveloppes dédiées à l’investissement des Régions et des Opco soulève la question du financement de l’investissement des CFA, dans un contexte macro-économique inflationniste. Le montant des enveloppes dédiées n’a pas évolué à due proportion de l’augmentation du nombre d’entrées en apprentissage depuis 2018. Toutefois, les investissements peuvent être financés par la capacité d’autofinancement dégagée par les CFA, qui est directement liée aux montants des NPEC (plus de la moitié des CFA indiquaient avoir utilisé leur marge en 2021 pour financer des investissements pour un montant d’environ 300 M€).

La mission IGF/Igas n’a pas pu objectiver la situation réelle de l’investissement des CFA. Les données issues de la comptabilité analytique des CFA montrent une baisse du montant des dotations aux amortissements par apprenti (419 €/apprenti en 2020 et 345 €/apprenti en 2021). Ces données doivent néanmoins être interprétées avec prudence car elles donnent une vision imparfaite des CFA en raison de l’impossibilité de comparer leurs charges en fonction des choix de location ou d’acquisition du bâti d’une part, et des pratiques hétérogènes des CFA pour répartir les investissements par certification d’autre part. »

« Les Opco se distinguent par des politiques très hétérogènes en matière de financement de l’investissement des CFA :

• Trois Opco n’ont pas financé d’investissement sur les années 2021 et 2022 ;

• La part de l’investissement dans le total des emplois non éligibles va de 3 % pour l’Opco Commerce à 90 % pour l’Opco Mobilités ;

• En valeur absolue, les crédits dédiés à l’investissement en 2022 vont de 480 426 €pour l’Opco Cohésion sociale à 43 071 495 € pour l’Opco 2i. »

Le maintien d’une distinction entre quote-part Cufpa et dotation de péréquation « mérite d’être questionné »

  • « Dans le contexte de forte croissance du nombre d’entrées en apprentissage (+ 160 %entre 2018 et 2022), la part de la Cufpa dans le financement de l’alternance a diminué jusqu’à représenter en 2022 moins de 40 % du total des ressources.
  • Cette distinction entre deux catégories de ressources finançant l’alternance a perdu aujourd’hui sa pertinence : quelles que soient l’évolution de la Cufpa et celle du nombre d’entrées en apprentissage, France compétences alloue aux Opco le montant de dotation de péréquation nécessaire pour couvrir le besoin de financement des contrats d’alternance. La part de Cufpa allouée au financement de l’alternance, par rapport à celle finançant d’autres catégories de dépenses (formation des demandeurs d’emploi/PIC, CPF, plan de formation des entreprises de moins de 50 salariés) est issue d’une clé de répartition permettant systématiquement d’aboutir à un montant de 3,6 Md€, soit environ un tiers de la Cufpa. »

• « Les limites actuelles des remontées de comptabilité analytique ne doivent pas conduire à renoncer à ce levier important de régulation, qui doit faire l’objet d’une démarche d’amélioration continue dans les prochaines années. 

• La fiabilisation progressive des pratiques de comptabilité analytique des CFA nécessite un suivi renforcé des organismes.

• Une accélération du rythme de remontée et de consolidation des données de comptabilité analytique apparait indispensable. »

Proposition n° 2 : Poursuivre la fiabilisation des comptabilités analytiques (encadrement des clés de répartition des charges indirectes) et anticiper leur remontée à France compétences à fin juin puis à fin mai N+1.

Simplifier le modèle de révision à la baisse des NPEC

La mission a établi une méthode proportionnant une baisse éventuelle des NPEC à l’écart constaté entre NPEC et coût moyen par certification, dans la limite d’un plafond permettant d’éviter des baisses trop importantes. Cinq objectifs ont été retenus par les inspections pour définir les paramètres de leur modèle :

  • « Simplifier la méthode élaborée par France compétences ;
  • Différencier l’effort demandé par certification tout en faisant converger coûts observés et NPEC ;
  • Eviter les effets de seuils induits par la méthodologie établie par France compétences et également retenue par la direction du budget, qui n’impose un effort de convergence qu’aux NPEC les plus éloignées [de l’objectif de convergence] ;
  • Eviter des baisses trop importantes pour les CFA, en plafonnant la baisse des NPEC à 10 % au maximum, niveau considéré comme acceptable par les commanditaires et déjà présent dans le modèle France compétences ;
  • Prendre en compte l’inflation, à l’instar du modèle de France compétences (en réhaussant la valeur observée en 2021 à hauteur de l’évolution du niveau général des prix constatée depuis lors) ainsi que les économies d’échelle et les gains de productivité qui devraient être constatés dans un contexte global de hausse très dynamique de l’apprentissage. »

« La révision proposée aboutit à une économie estimée de 582 M€. Pour comparaison, la révision proposée par France compétences dans son scénario 2 se traduit par des économies attendues de 519 M€ (4,9 % de baisse des NPEC). »

Pour assurer la soutenabilité budgétaire, responsabiliser davantage les branches

« La mise en œuvre d’une baisse paramétrique des NPEC des contrats d’apprentissage ne garantit pas la soutenabilité budgétaire de l’apprentissage à l’aune de l’objectif d’un million d’entrées annuelles en 2027. »

En effet, la méthode actuelle de détermination des NPEC est « intrinsèquement porteuse d’une dynamique haussière de la dépense publique : les NPEC reposent largement sur les propositions des branches sans conséquences financières pour ces dernières ».

En outre, « les entreprises ne contribuent que marginalement au financement des CFA (reste à charge de 111 M€ en 2022, soit moins de 2 % de l’ensemble des ressources de l’activité d’apprentissage des OFA Organisme de formation par l’apprentissage au titre de l’exercice 2022) ».

Les versements conventionnels ne sont, pour leur part, pas autorisés par le cadre juridique en vigueur au titre du financement de l’apprentissage alors qu’ils représentent 675 M€ en matière de formation professionnelle.

« Au préalable, l’État doit déterminer la contribution budgétaire qu’il souhaite allouer, sur une base pluriannuelle, à la prise en charge des contrats d’apprentissage, en tenant compte des aides financières aux employeurs et sans remettre en cause le financement à guichet ouvert. »

« Quelle que soit la proposition retenue, une telle réforme nécessitera de modifier la loi et d’adapter les textes réglementaires en particulier pour modifier les rôles respectifs des branches et de France compétences dans le processus de fixation des NPEC. »

Inspection générale des finances

• Inspection qui exerce une mission générale de contrôle, d’audit, d’étude, de conseil et d’évaluation en matière administrative, économique et financière, pour le compte des ministres chargés de l’économie et du budget ainsi que pour d’autres organismes publiques

• Création  : 1797
• Effectif : 130 membres
• Inspectrice générale des finances : Marie-Christine Lepetit
Cheffe du service de l’Inspection générale des Finances : Catherine Sueur
Contact  : igf.communication@igf.finances.gouv.fr
• Tél. : 01 53 18 14 67


Catégorie : Etat


Adresse du siège

139 rue de Bercy
75012 Paris France


Fiche n° 6131, créée le 08/12/2017 à 07:06 - MàJ le 15/05/2023 à 11:50

Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

Inspection générale des affaires sociales
• Création : 1967
Missions : contrôle, audit et évaluation, conseil auprès des pouvoirs publics en matière de conception et de conduite de réformes / intervient à la demande des ministres, mais aussi sur la base de son programme d’activité / traite des sujets touchant à la vie de tous les citoyens : emploi, travail et formation professionnelle, santé, insertion sociale, systèmes de protection sociale
• Composition  : 136 inspecteurs en service
• Chef de l’Igas  : Thomas Audigé
Secrétaire général : Bruno Campagne
• Contact  : Carmela Riposa, responsable communication
• Tél. : 06 11 01 14 95


Catégorie : Etat


Adresse du siège

39-43 Quai André Citroën
75739 Paris Cedex 15 France


Fiche n° 7863, créée le 07/11/2018 à 11:16 - MàJ le 19/12/2024 à 12:04