« Qu’est-ce qu’un apprentissage de qualité ? » (Jean-Pierre Willems)
Le pari quantitatif étant gagné, c’est désormais la qualité de l’apprentissage qui commence à faire débat, soit pour de mauvaises raisons par ceux qui ne peuvent nier le succès quantitatif et trouvent là le moyen d’attaquer un dispositif qu’ils ne cautionnent pas, soit par les acteurs de bonne volonté qui savent que l’essai ne sera véritablement transformé que si l’on peut garantir le sérieux et donc la qualité des cursus.
Mais comment définir un apprentissage de qualité ?
Une analyse de Jean-Pierre Willems
Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH @ Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne • Consultant @ Willems Consultant
pour News Tank.
La qualité n’est pas la performance
Comme la performance ne peut être la seule mesure de la compétence, les résultats obtenus par le CFA ne peuvent être les seuls garants de la qualité du travail fourni.
Certes des taux élevés d’obtention des titres et diplômes préparés et d’insertion dans l’emploi peuvent laisser présumer de la qualité des cursus. Pour autant, ils peuvent être dus à d’autres paramètres, par exemple :
- un recrutement très sélectif,
- un marché du travail extrêmement pénurique.
La seule approche par les résultats porte donc des biais et ne peuvent suffire à caractériser la qualité d’un dispositif de formation par apprentissage.
Qualiopi est par principe, trop générique
Le référentiel Qualiopi s’applique à l’apprentissage, mais comme à tout processus de formation professionnelle.
Certes, 4 indicateurs spécifiques viennent s’ajouter aux 28 indicateurs qui concernent la formation, mais ils sont insuffisants pour caractériser les spécificités de l’apprentissage. Car il s’agit bien de définir la qualité de la formation par apprentissage et non la qualité d’un parcours de formation. Ce qui importe est d’identifier en quoi la formation par apprentissage se distingue et qu’est-ce qui ne la caractérise pas. Par exemple, le fait de préparer un diplôme n’est pas l’apanage de l’apprentissage, pas plus que l’existence d’un parcours de formation ou la poursuite d’un objectif d’insertion.
Comment alors définir les particularités d’une formation par apprentissage que l’on ne retrouvera pas systématiquement dans d’autres cursus de formation ? Et bien, peut-être en s’intéressant aux objectifs de l’apprentissage et aux 14 missions des CFA.
4 objectif pour l’apprentissage et 14 missions pour les CFA
Si l’on considère les 4 objectifs assignés à l’apprentissage (C. trav., art. L. 6313-6) et les 14 missions confiées aux CFA (C. trav., art. L. 6231-2), on parvient à identifier 4 grandes caractéristiques d’un dispositif de formation par apprentissage.
L’apprentissage est :
- Intégré
- Accompagné
- Inclusif
- Inscrit dans un parcours.
Ce sont ces 4 caractéristiques cumulées qui font la spécificité de l’apprentissage.
- Un apprentissage intégré
L’acquisition d’un titre ou diplôme au moyen d’une formation articulée entre l’entreprise et le CFA, tels sont les deux premiers objectifs de l’apprentissage : faire de l’alternance le moyen d’un développement de compétences par la formation en CFA et par la formation en entreprise. Ces objectifs se retrouvent dans 3 missions des CFA : garantir la cohérence entre la formation en CFA et en entreprise, assurer le suivi et l’accompagnement en cas de formation à distance et procéder à l’évaluation des compétences des apprentis. Ce qui est décrit ici c’est une alternance intégrée, et non juxtaposée, qui associe l’entreprise, et les maîtres d’apprentissage, au CFA pour l’atteinte des objectifs de développement des compétences.
Si l’on souhaite mesurer la qualité de l’apprentissage, le premier critère serait donc celui du degré d’intégration du parcours de développement des compétences et l’on pourrait même prétendre qu’en l’absence d’une telle intégration, on fait de la formation mais pas de l’apprentissage. - Un apprentissage accompagné
L’accompagnement est constitué par 4 missions dévolues aux CFA :- informer les apprentis sur leurs droits et devoirs,
- mettre en place un accompagnement professionnel (notamment pour la recherche d’entreprise soit en entrée de cursus soit en cas de rupture de contrat)
- mettre en place un accompagnement social (pour traiter des éventuelles difficultés qui pourraient faire obstacle à la poursuite du contrat)
- permettre aux apprentis de bénéficier des aides auxquelles ils peuvent prétendre. Ces engagements n’existent pour aucun autre cursus de formation, y compris le contrat de professionnalisation qui est pourtant également une formation en alternance. Ils confèrent à l’apprenti un statut particulier et expliquent peut-être pourquoi l’apprentissage demeure une formation initiale même s’il s’est considérablement rapproché des pratiques de la formation continue.
- Un apprentissage inclusif
L’apprentissage est un dispositif de formation qui permet de se former à un métier, qui se réalise sous statut de salarié et qui est donc par définition confronté aux difficultés d’inclusion qui existent sur le marché du travail. Les missions des CFA intègrent donc l’engagement de favoriser l’accès à l’apprentissage aux personnes en situation de handicap, notamment en désignant un référent handicap, d’encourager la mixité des métiers et l’égalité professionnelle, de montrer l’exemple en favorisant la mixité au sein même du CFA et de favoriser tout autant la diversité.
Ce sont les vertus intégratives de l’apprentissage qui sont ici mises en avant et le marchepied qu’il peut constituer pour favoriser l’égalité d’accès à l’emploi. L’évaluation de la qualité de l’apprentissage ne peut s’effectuer sans prendre en compte cette obligation faite au CFA d’avoir une action inclusive. - Un apprentissage inscrit dans un parcours
L’apprentissage ne se résume pas au contrat d’apprentissage et à la relation employeur-salarié avec l’obligation d’aller se former dans un organisme extérieur. Le CFA a pour mission de permettre au jeune de poursuivre son parcours en cas de rupture du contrat, de lui permettre de bénéficier de programmes de mobilité internationale et de l’accompagner sur les suites de son parcours en cas de rupture du contrat. On pourrait ajouter que le troisième objectif de l’apprentissage vise à permettre l’accès à la culture nécessaire pour l’exercice de la citoyenneté.
Le CFA doit donc non seulement inscrire son action non pas dans le strict cadre du contrat d’apprentissage, mais dans l’appréhension du parcours de l’apprenti, y compris après la fin du contrat et pas seulement sur le strict plan professionnel mais également sur le plan culturel ou citoyen.
4 indicateurs pour la qualité de l’apprentissage
À l’aune des règles actuellement applicables à l’apprentissage, on peut donc identifier quatre champs d’évaluation de la qualité d’un parcours d’apprentissage et se poser quatre questions clés, qui pourraient ensuite être déclinées :
- La formation par apprentissage est-elle véritablement intégrée et pas seulement juxtaposée ?
- Les apprentis bénéficient-ils d’un accompagnement social et professionnel qui contribue à sécuriser leur parcours de formation ?
- Le CFA met-il en œuvre des actions concrètes favorisant l’inclusion à travers la mixité des métiers, l’égalité professionnelle, la diversité et la prise en compte des situations de handicap ?
- Le CFA propose-t-il des services qui permettent aux apprentis de construire leur parcours d’étude et/ou d’emploi tout en s’ouvrant à la culture et à la citoyenneté ?
S’il fallait objectiver la qualité de l’apprentissage, c’est sans doute à partir de ces 4 critères que l’on pourrait appréhender les véritables spécificités de l’apprentissage. Et la manière de répondre à ces 4 questions en dirait certainement davantage sur la qualité des cursus que les seuls résultats. Peut-être même, pourraient-ils être considéré, comme c’est déjà le cas pour l’inclusion des personnes en situation de handicap, pour bonifier les niveaux de prise en charge qui dès lors pourraient être définis de manière plus simple qu’aujourd’hui avec des socles de financement et des primes non pas aux résultats mais à la qualité.
Jean-Pierre Willems
Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH @ Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Consultant @ Willems Consultant
Parcours
Chargé d’enseignement politiques droit et pratiques de formation - master DRH
Consultant
Responsable du master RH
Partenaire
Établissement & diplôme
DESS Gestion du personnel - Droit (Michel Despax)
Fiche n° 24709, créée le 10/08/2017 à 15:40 - MàJ le 04/12/2024 à 07:40