OFA/CFA : « Une comptabilité analytique rigoureuse pour plus des 2/3 » (R. Bricq, France compétences)
« Au moment où le report de la deuxième révision des NPEC a été décidé, tout le monde s’est accordé - la gouvernance de France compétences
• Établissement public administratif créé par la loi du 05/09/2018, placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle. Mise en route le 01/01/2019
• Gouvernance quadripartite…
et la ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels - pour lancer un travail d’investigation approfondi des comptabilités analytiques des OFA/CFA », indique Renaud Bricq
Directeur de la régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage @ France compétences
, directeur de la régulation de France compétences, dans un entretien avec News Tank le 27/04/2023.
40 CFA ont été expertisés sous deux angles :
• Comptable (la comptabilité analytique transmise par les OFA
Organisme de formation par l’apprentissage
est-elle fiable, rigoureuse, cohérente ?),
• Économique et financière : les CFA ayant des marges très supérieures à la moyenne, ceux dispensant des formations avec des écarts importants entre le coût observé et la valeur maximale recommandée, les CFA de l’artisanat.
Les services de France compétences ont eu un mois et demi pour réaliser ces investigations afin que les résultats puissent être pris en compte et présentés à la commission recommandations du 26/04 et du 02/05, puis au Conseil d’administration du 11/05.
Renaud Bricq répond aux questions de News Tank.
Pourquoi avoir lancé ces investigations auprès des OFA/CFA ?
Au moment où le report de la deuxième révision des NPEC a été décidé, tout le monde s’est accordé - la gouvernance de France compétences et la ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels - pour lancer un travail d’investigation approfondi des comptabilités analytiques des OFA/CFA.
Il ne s’agit pas d’un audit à proprement parler car France compétences ne dispose pas d’un pouvoir de contrôle ou d’audit auprès des OFA. Pour autant, c’est dans le cadre d’un travail d’approfondissement des données remontées par les OFA que nous avons demandé des éléments complémentaires à ces organismes, éléments qui ont ensuite été analysés par notre prestataire retenu dans le cadre d’un marché public.
Nous avons eu un mois et demi pour réaliser ces investigations afin que les résultats puissent être pris en compte et présentés à la commission recommandations du 26/04 et du 02/05, puis au Conseil d’administration du 11/05.
Quels sont les thèmes d’investigation ?
Nous avions deux angles d’étude :
- Une analyse comptable consistant à regarder la qualité de la donnée remontée par les OFA (la comptabilité analytique transmise est-elle fiable, rigoureuse, cohérente, etc. ?)
- Une analyse économique et financière consistant à approfondir trois sujets :
- Les CFA ayant des marges très supérieures à la moyenne,
- Les CFA dispensant des formations avec des écarts importants entre le coût observé et la valeur maximale recommandée,
- Les CFA de l’artisanat.
40 CFA ont été expertisés, ce qui est une vraie prouesse en un mois. Nous avons fait attention à leur diversité (toute taille, 100 % apprentissage ou pas…). France compétences leur a demandé des pièces complémentaires qu’ils lui ont fournies et le prestataire les a tous rencontrés. C’est un gros travail mais qui n’est pas pour autant représentatif statistiquement : ces 40 CFA représentent un peu moins de 10 % des effectifs et des charges remontés en 2021. On ne peut donc pas faire d’extrapolation. Toutefois, cela ne signifie pas que l’on ne peut pas tirer des enseignements de ces investigations.
40 OFA/CFA sélectionnés
40 OFA ont été étudiés de façon plus approfondie :
- 12 organismes représentants des métiers et des formations de l’artisanat,
- 14 organismes ayant présenté en 2021 un niveau de marge significativement élevé,
- 11 organismes ayant présenté en 2021 un résultat sur une certification présentant un fort écart entre les valeurs moyennes observées et les recommandations,
- Par ailleurs, trois CFA ont été regardés en tant qu’organismes d’enseignement supérieur en tant que tel (qui ne rentrent pas dans une des trois précédentes catégories).
Ces 40 CFA représentent :
- 70 888 apprentis,
- 1 406 certifications différentes,
567 M€ de produits incorporables,
470 M€ de charges incorporables,
97,4 M€ de résultat incorporable (soit, en moyenne un taux de marge de 17,2 % sur les produits incorporables, le taux de marge incorporable sur l’ensemble des OFA étant de 11,2 %).
La question de la situation économique actuelle, et de son impact sur la situation financière des CFA en 2023, a-t-elle été traitée ?
Dans notre étude, nous analysons la situation économique à partir des données que les organismes nous remontent et des documents qui nous ont été communiqués. Nous travaillons donc sur des données de 2021. Je comprends que certains CFA fassent état des effets de l’inflation sur leur activité mais France compétences n’a à sa disposition que les comptabilités analytiques 2021.
France compétences ne déduit pas de ces constats qu’il faut baisser ou non les NPEC. Nous décrivons la situation en 2021 pour ces 40 organismes.
D’autre part, certains CFA disent rencontrer des problèmes de trésorerie en raison notamment du versement parfois tardif des Opco. Cette question n’est pas directement du ressort de France compétences mais c’est un sujet d’attention et je crois que la situation s’est déjà améliorée. D’autres OFA qui développent de l’hébergement pour les apprentis ou qui ont de lourds investissements nous disent rencontrer des problèmes de financement. Rappelons que, au regard des textes réglementaires, le NPEC n’est fait ni pour financer de l’hébergement, ni de l’investissement. Il ne s’agit pas de nier ces sujets mais ils n’entrent pas dans notre travail d’investigation auprès des CFA, et ne concernent pas les NPEC.
L’autofinancement ne serait pas suffisant pour certains CFA qui ont de lourds investissements. Lorsqu’ils se tournent vers la Région, ils disent ne pas toujours obtenir d’aide. Qu’en pensez-vous ?
Pour financer les dépenses d’investissement des OFA, les Régions disposent d’une enveloppe que l’État détermine (181 M€ par an). Les Opco disposent aussi d’une section d’investissement pour les OFA. Enfin, les marges que les OFA dégagent doivent leur permettent de réaliser de l’autofinancement.
Avec la réforme de 2018, il y a un enjeu pour les OFA sur leur capacité à aller chercher des financements ailleurs que sur les seuls NPEC puisque ceux-ci, pour rappel, n’ont pas vocation à financer l’entièreté du coût de formation, ni les investissements lourds.
Quels sont les constats sur la partie comptable de l’étude ?
Sur la partie comptable, il n’y a pas de difficulté majeure :
- Plus des deux tiers (représentant un peu moins de 90 % des charges) présentent une comptabilité analytique rigoureuse. Dans leur très grande majorité, les organismes imputent bien au réel les produits « Opco » à la certification qui les a générés, et opèrent une affectation de la masse salariale des personnels enseignants (principal poste de charges susceptibles d’être traité comme une charge directe par certification) à la fonction « pédagogie » et au prorata des heures passées par certification.
- Seul un tiers des CFA (représentant seulement 10 % des charges) prennent des libertés avec la comptabilité analytique. Sachant que nous sommes allés voir un échantillon de CFA où l’on s’attendait à trouver davantage de pratiques de ce type. Quelques CFA par exemple globalisent leurs charges ou leurs produits (y compris les charges et produits directs).
- Par exemple, lorsqu’un CFA prépare le CAP boucher avec un formateur qui n’est là que pour ce CAP, il s’agit d’une dépense directe. Elle ne doit pas être mise en commun avec les autres dépenses. Elle doit être directement affectée. Même chose pour les produits : lorsqu’un Opco verse de l’argent au CFA pour un apprenti dans une formation, ce produit doit être affecté au réel. Ces libertés prises par les CFA pourraient produire des charges sous-évaluées ou surévaluées. Et certains biais sont parfois uniquement à la hausse des charges.
Sur cette partie comptable, nous n’avons aucune alerte importante. Le prestataire n’a constaté aucune erreur factuelle entre la remontée à France compétences et les fichiers de calcul. Les quelques biais introduits par les comptabilités insuffisamment rigoureuses ne sont pas suffisants pour fausser nos analyses.
Toutefois, à l’occasion de la nouvelle campagne des remontées des données comptables et analytiques de l’apprentissage, nous allons en profiter pour bien rappeler aux OFA qu’ils doivent affecter leurs charges et leurs produits au réel, comme le fait déjà l’immense majorité des organismes.
D’autre part, les données transmises par les OFA à France compétences seront encore plus sûres depuis que l’arrêté du 30/03/ 2023 prévoit qu’une attestation relative à la fiabilité des éléments comptables et financiers du CFA doit être adressée à France compétences par le commissaire aux comptes ou, à défaut, son expert-comptable. Cette attestation était déjà demandée par France compétences en 2021 et 2022 mais elle est désormais prévue dans un texte réglementaire.
Vous dites que des directives plus précises seront données sur l’affectation de certaines charges. Pouvez-vous préciser ?
Nous avons constaté que parmi les 40 OFA expertisés, un OFA avait, par exemple, tendance à inscrire en charge pédagogique l’ensemble de ses charges. Nous allons donc rappeler certaines règles d’affectation (par exemple, pour les dotations aux amortissements, entre moins de trois ans et plus de trois ans).
Pour rappel, les charges pour frais annexes (hébergement, restauration, transport…) ainsi que les charges de dotations aux amortissements de plus de trois ans ne rentrent pas dans le NPEC. Il est donc important de disposer d’une observation cohérente avec la définition réglementaire du NPEC.
Quels sont les enseignements de la partie économique de l’étude ?
Une marge globale importante de 17,2 % »Sur les 40 OFA expertisés, nous constatons une situation financière en 2021 globalement positive et homogène, avec une marge globale importante de 17,2 %, alors que le taux de marge (différence entre les produits et les charges) sur les 2 000 CFA est de 11 % (environ 700 M€).
Ce taux est plus élevé que le taux global puisque nous avons choisi dans l’échantillon quelques OFA ayant un taux de marge justement important. Mais si l’on retire les 14 OFA qui ont le plus de marge, il en reste cependant 26 qui ont en moyenne 12,4 % de taux marge. Sur ces 40 organismes, seuls cinq ont des marges inférieures à 5 %.
Globalement, les 40 CFA étudiés n’ont donc pas de difficulté économique. Nous précisons cependant dans l’analyse que certains CFA ont attiré notre attention sur le fait que leurs revenus des années 2020 et 2021 incluaient encore une part liée au mode de financement antérieur pour les contrats d’apprentissage signés jusqu’au 31/12/2019 dans le cadre des conventionnements régionaux. Ces organismes déclarent que l’éventuelle évolution du régime de financement et la situation économique récente impliqueraient, pour eux, une perte de revenus.
Est-ce que ce sont les NPEC qui créent de la marge ?
Les NPEC sont faits pour couvrir le coût de la formation principalement sur les parties « pédagogie » et « accompagnement ». Aussi, nous avons voulu regarder cette question de près. Il y a trois effets dans la marge constatée pour ces 40 OFA :
- L’effet coût : le CFA est capable de minimiser ses coûts. Il est moins cher que ses concurrents et il réalise ainsi une marge. Cet effet coût représente 13 % de la marge (12,8 M€ des 97,4 M€ de résultat dégagé). Derrière cet effet coût, il pourrait y avoir parfois un sujet d’efficacité, mais aussi pour partie un effet de moindre qualité.
- L’effet surplus de recettes : Il s’agit de la capacité de l’organisme à aller chercher des fonds ailleurs, au-delà du coût-contrat, auprès des Régions ou des entreprises par exemple. C’est ce qu’on a appelé ici d’optimisation des recettes. Cet effet représente 29 % de la marge (27,8 M€ des 97,4 M€ de résultat).
- L’effet NPEC : Il n’est pas anodin puisqu’il représente 58 % de la marge (56,8 M€ des 97,4 M€ de résultat). Cela signifie que 58 % de la marge des 40 CFA étudiés est due à des NPEC qui étaient trop élevés en 2021. Ce constat doit être évidemment nuancé sur 2022 et 2023 (l’inflation pouvant modifier les marges et la répartition de ces 3 effets).
Cet effet NPEC est-il justifié ou pas ? C’est une question posée à la gouvernance de France compétences. D’une part, dans cette étude, nous parlons de l’année 2021 ; d’autre part, la cible n’est pas forcément d’avoir des NPEC couvrant les charges moyennes, qui ne sont qu’une moyenne.
Que constatez-vous dans les CFA de l’artisanat ?
La comptabilité des CFA de l’artisanat étudiés ne fait pas ressortir de particularité pour 2021. Du point de vue de la construction analytique des comptes, les CFA étudiés ne présentent pas de distorsions particulières. Les 12 organismes sélectionnés ont même des pratiques de comptabilité analytique globalement de meilleure qualité que la moyenne des CFA des autres catégories.
La situation économique des CFA de l’artisanat étudiés apparaît saine et ne dénote pas de risque financier particulier pour l’année 2021.
Seuls deux CFA sur les 12 étudiés présentent des fragilités économiques, toutefois dues essentiellement au faible effectif en apprentissage par section et non au NPEC. On peut, dans ce cas, s’interroger sur le seuil de rentabilité de ces sections. Là encore avec précaution car dans le secteur de l’artisanat, des formations très pointues sur certains savoir-faire peuvent exister, y compris avec un petit nombre d’apprentis. L’intervention d’autres financeurs, en particulier les Conseils régionaux, sont dans ce cas largement justifiés.
Renaud Bricq
Directeur de la régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage @ France compétences
Parcours
Directeur de la régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage
Conseiller technique en charge de l’animation et du pilotage de la commission territoires et de la commission des comptes auprès du président et de la secrétaire générale du Cnefop
Chef du service actions territoriales
Conseiller technique en charge de la communication, des partenariats et des relations avec les usagers et les associations dans le domaine de l’eau, de l’assainissement et des canaux
Assistant parlementaire
Établissement & diplôme
Master 2 Sciences sociales
Master 2 Sciences éco
Fiche n° 47984, créée le 04/12/2022 à 16:53 - MàJ le 25/04/2023 à 16:36
France compétences
• Établissement public administratif créé par la loi du 05/09/2018, placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle. Mise en route le 01/01/2019
• Gouvernance quadripartite (État, Régions, organisations d’employeurs : CPME, Medef, U2P, syndicats de salariés : CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO). France compétences compte aussi un collège de deux personnalités qualifiées dont le président est issu. 15 administrateurs nommés pour trois ans par arrêté
• Missions :
- Répartition des financements (à la Caisse des Dépôts, aux Opco, aux associations Transitions Pro)
- Régulation de la qualité (France compétences est le point national de référence qualité pour la France auprès de l’Union européenne)
- Veille sur les coûts et les règles de prise en charge de la formation professionnelle et de l’alternance
- Actualisation des deux répertoires nationaux (Répertoire national des certifications professionnelles - RNCP et Répertoire spécifique - RS)
- Animation du réseau des OPMQ, consolidation et mise en visibilité de leurs travaux
• Président du Conseil d’administration : Pierre Deheunynck
• Directeur général : Stéphane Lardy
• Président de la commission de la certification professionnelle : Joël Ruiz
• Contact : Emilia Moldovan, directrice de la communication
• Tél. : 01 81 69 01 52 / 07 87 78 46 92
Catégorie : Etat
Adresse du siège
6, rue du Général Audran92400 Courbevoie France
Fiche n° 8223, créée le 13/02/2019 à 09:35 - MàJ le 06/12/2024 à 15:31