Apprentissage : renforcer les liens CFA - entreprise pour la réussite des jeunes (J-C Bellanger)
Au cours de mes rencontres avec les différents centres de formation, j’ai eu la confirmation qu’il n’y avait pas assez de relations entre l’entreprise et le CFA dans le cadre d’un contrat d’apprentissage. Il faut que l’on puisse vraiment travailler sur cette problématique afin de créer une vraie collaboration et un échange constructif entre les deux parties prenantes.
Dans la construction même de l’apprentissage, il est nécessaire de prendre en compte la situation de travail du jeune dans l’entreprise. Si l’on considère la manière dont le dispositif est construit aujourd’hui, dans de nombreux cas, on pourrait dire qu’il n’y a pas d’apprentissage réel puisque la compétence acquise en entreprise n’est pas vraiment reconnue par le CFA. Et si nous ne pouvons pas parler d’apprentissage nous ne devrions pas, par la même occasion, bénéficier des niveaux de prise en charge du contrat d’apprentissage.
Une analyse de Jean-Claude Bellanger
Directeur général @ INDICOM conseil
, fondateur du cabinet de conseil Indicom. Ancien secrétaire général des Compagnons du Devoir et du Tour de France, il a conseillé l’équipe de campagne du candidat Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2022, sur l’apprentissage et l’enseignement professionnel.
Relations CFA-entreprises : une obligation selon Qualiopi
Dans le cadre des règles de Qualiopi, nous devons renforcer l’indicateur 13 correspondant aux relations entreprise / CFA. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une simple visite de courtoisie, quand elle a lieu.
Extrait du référentiel national qualité Qualiopi (v.7 du 29/03/2021)
Critère 3 : L’adaptation aux publics bénéficiaires des prestations et des modalités d’accueil, d’accompagnement, de suivi et d’évaluation mises en œuvre
• Indicateur13 : Pour les formations en alternance, le prestataire, en lien avec l’entreprise, anticipe avec l’apprenant les missions confiées, à court, moyen et long terme, et assure la coordination et la progressivité des apprentissages réalisés en centre de formation et en entreprise.
Un lien régulier entre le CFA et l’entreprise
Il est essentiel que les CFA proposent des maquettes pédagogiques. Autrefois on appelait cela des projets d’établissement qui permettaient d’organiser la relation entre l’entreprise et le centre de formation et de fournir un livret de l’alternance - livret qui a le mérite d’exister car il permet quand même d’établir formellement le lien attendu sous forme de passage de relais. De plus, il existe de nombreux dispositifs, notamment Y Paréo, qui sont des relais entre le centre de formation et l’entreprise.
Le carnet de liaison est le seul support existant matérialisant la relation entre le CFA et l’entreprise mais ce n’est qu’une relation contractuelle. Il n’y a pas de points réguliers sur l’avancement du jeune, sur l’acquisition de ses compétences sur le champ de l’entreprise.
Aujourd’hui nous suivons un référentiel et nous ne nous occupons pas du tout de ce que le jeune pratique en entreprise, ce qui peut engendrer des doublons. Il faudrait que l’on puisse avoir un modèle de validation de compétences en entreprise et accompagner les tuteurs des entreprises pour leur permettre de valider des compétences directement sur le champ de l’entreprise.
Un million d’apprentis : un enjeu aussi qualitatif que quantitatif
En évoquant cela, je ne demande pas que l’on revienne sur l’ancien schéma. Nous devons simplement nous poser afin de réussir l’enjeu fixé par le président de la République, c’est-à-dire atteindre le million d’apprentis en 2027. Cependant, nous devons être attentifs à la qualité de la pédagogie de l’alternance car nous devons réussir l’enjeu qualitatif autant que quantitatif. Cela passe par un accord de formation qui est un accord formel, contractualisé dans la convention de formation. En réalité, la convention de formation devrait partir d’un diagnostic et ce n’est pas le cas aujourd’hui : nous sommes souvent dans la construction des contrats avec un objectif d’un certain volume à réaliser, dans un délai très court et la convention de formation est pratiquement toujours la même pour l’ensemble des contrats de la même section.
D’autre part, nous constatons sur le terrain la mise en place de différents contrôles. Il serait important de globaliser ces contrôles en faisant l’inventaire des intentions et des angles de conception de ces contrôles en faisant un état des compétences à acquérir sur le champ de l’entreprise et en obligeant de faire un point chaque trimestre. Sinon, nous risquons de passer à côté de l’essentiel. La modalité de dialogue ne doit pas être uniquement le cahier de liaison car il n’est pas systématiquement complété.
Un changement de pédagogie nécessaire
Apprentissage : l’enseignement supérieur n’a pas encore initié son changement de pédagogie
Il faut que le schéma de l’alternance nous permette d’obtenir que le formateur ait la capacité d’avoir des moments personnalisés et que sa mission ne se résume pas au cours unique dispensé à la totalité d’un groupe. L’enseignement supérieur n’a pas encore initié, à quelques exceptions près, un vrai changement de méthode pédagogique. Je suis persuadé qu’au niveau de la licence, c’est-à-dire là où l’on a fait le plus de progrès depuis deux ans concernant le nombre de contrats, il n’y a pas de maquette pédagogique de l’alternance.
Des universités ont forcé les aides aux employeurs et ont transformé des étudiants en apprentis.
Nous devons retravailler la façon dont nous utilisons l’argent public. D’une part, ce phénomène n’est pas bon pour la santé financière du système et d’autre part, il déprécie encore une fois la valeur de l’apprentissage.
Un système meilleur que le système allemand
Notre système en réalité est meilleur que le système allemand dans sa conception car il permet d’avoir des apprentis à tous les niveaux de compétence et de considérer que la situation de travail est formatrice. À partir de ce postulat, il y a un dispositif pédagogique qui peut se mettre en place autour de l’acquisition des compétences au travail.
Une forme de scolarisation de l’apprentissage
L’apprentissage se traduit par le moment où l’on commence à apprendre en situation de travail et ensuite le dispositif pédagogique se met au service du développement des compétences. Le problème est que l’on a beaucoup souffert, y compris les CFA historiques, d’une forme de scolarisation de l’apprentissage avec des rentrées et des coutumes. Lorsque l’on dit que l’on organise une réunion de préparation de la rentrée de l’apprentissage, on a encore ce réflexe de scolarisation avec des professeurs, un certain rythme et cela nous a incités à ouvrir des classes et à traiter les apprentis comme des élèves appartenant à un groupe.
Face aux apprentis, nous nous adressons à une classe, alors que nous sommes face à des individus en voie de professionnalisation.
Nous avons fait un grand pas sur la notoriété de l’apprentissage et spécialement auprès des familles. Nous pouvons faire référence au niveau 3 et niveau 4. L’enseignement supérieur est dans une autre logique d’approche sauf pour le BTS. Jusqu’au niveau 5 nous parlons d’un système qui a une véritable valeur ajoutée et aujourd’hui les parents ont confiance car ils disent facilement : « tu vas en apprentissage parce qu’effectivement c’est la garantie d’une formation utile, c’est la garantie d’une insertion professionnelle ».
Une filière sélective
L’objectif est de cibler un public qui aujourd’hui n’envisage pas l’apprentissage. Il y a des études qui montrent que même au niveau du CAP, l’apprentissage est sélectif, particulièrement dans certains métiers.
Donc il y a effectivement des jeunes aujourd’hui qui pourraient devenir coiffeur, charcutier, maçon ou charpentier… et qui n’accèdent pas à l’apprentissage alors qu’il y a de l’emploi dans ces métiers. Pour ces jeunes, nous avons mis en place la prépa apprentissage qui permet d’acquérir des codes et une certaine éducation grâce à un sas.
Faciliter l’accès à la formation des tuteurs
Je pense qu’il nous faut faire évoluer les missions en rationalisant tous les contrôles existants. Il faut qu’il y ait une réelle relation entre le tuteur et l’apprenti et même, pourquoi pas, aller plus loin sur la formation des tuteurs en entreprise afin de les préparer à la formation d’apprentis. Il serait intéressant de prendre en charge complètement ces formations via les Opco. Nous ne pouvons pas les rendre obligatoires parce que politiquement cela serait trop difficile, mais en tout cas, il faut faire tout ce que l’on peut pour faciliter l’accès à ces formations. Nous pourrions, par exemple au moment de la signature du contrat d’apprentissage, obliger le tuteur à justifier de ses capacités à accomplir ce rôle.
Dans 60 % des cas de rupture : pas d’échange entre le CFA et l’entreprise
L’enjeu reposera sur notre capacité à avoir une modalité d’alternance qui sera reconnue par tous, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous voyons bien que, dans le supérieur, les jeunes commencent à décrier l’alternance. Nous devons donc agir. Nous avons des jeunes qui préparent un CAP ou un bac Pro en alternance et nous ne pouvons pas être d’accord sur la façon dont les choses se passent, notamment du fait de l’absence de relation entre l’entreprise et le CFA : le CFA ou l’entreprise n’a pas été informé pour 60 % des ruptures. On peut donc en conclure que les deux parties ne se sont pas rencontrées pour faire un point sur la situation de rupture.
Objectif : divisons par deux les ruptures de contrat d’apprentissage
Nous pourrions faire quelques propositions afin de diviser, au moins par deux, le nombre de ruptures et trouver un accord afin que la jeunesse réussisse en choisissant cette modalité de formation. Nous constatons qu’une rupture est synonyme d’échec pour le jeune, la famille et l’entreprise.
Faisons en sorte d’améliorer ce dispositif afin que l’apprentissage soit la voie royale pour s’insérer dans la société et qu’il permette aux jeunes de devenir des citoyens responsables.
Parcours
Directeur général
Secrétaire général
Directeur
Associé et directeur
Gérant
Maître artisan
Responsable régional
Établissement & diplôme
Diplôme d’ingénieur en génie civil
Maître artisan
CAP de Charpentier
Fiche n° 25969, créée le 26/09/2017 à 12:40 - MàJ le 02/08/2022 à 13:41