« La faiblesse de notre industrie est un frein à la mobilité sociale » (Patrick Artus, économiste)
« Le renforcement de notre mobilité sociale dépendra de notre capacité à transformer des emplois peu qualifiés en emplois qualifiés. C’est par une structuration plus équilibrée de notre marché du travail, et le développement d’emplois intermédiaires (principalement manufacturiers) que nous y parviendrons. Ces emplois sont, pour les moins qualifiés, un pont vers des emplois de qualité », déclare Patrick Artus
Directeur de la recherche et des études @ Natixis
, économiste français et directeur de la recherche et des études de Natixis
• Banque de financement, de gestion et de services financiers (filiale du groupe BPCE)
• Création : 2006
• Effectif : 16 000 collaborateurs dans 38 pays
• Produit net bancaire 2021 …
, lors de la conférence « Industrie de la connaissance et compétences » organisée par la fédération Syntec
• Organisation regroupant des syndicats professionnels dans les professions de l’ingénierie, du numérique, du conseil, de l’événementiel et de la formation professionnelle• Création …
le 06/09/2022 à Paris.
« Le redéploiement en France d’une activité industrielle forte est donc indispensable au renforcement de notre mobilité sociale. Notre système de formation professionnelle aura un grand rôle à jouer de ce point de vue, pour former les candidats et répondre aux besoins des entreprises. »
« Le pari d’une économie fondée sur les services et l’abandon progressif de l’industrie sont les problèmes majeurs de la politique économique menée en France depuis 20 ans. Le recul de l’industrie dans les pays développés n’est pas une fatalité comme on a tenté de nous le faire croire. Le succès industriel allemand l’illustre parfaitement. »
« La France, avant redistribution, est un des pays les plus inégalitaires au monde » (Patrick Artus)
Les « effets pervers » de la politique française de redistribution sur le taux d’emploi
« La performance économique peut être synthétisée par le taux d’emploi. Or le taux d’emploi en France (67,9 % des 15-64 ans au 2e trimestre 2022) est sensiblement inférieur à celui d’autres pays de l'OCDE (79,7 % en Allemagne, 78,5 % au Japon). Ce taux d’emploi bas est à l’origine de nombreuses problématiques :
- plus de personnes sans emploi et aux revenus limités,
- plus d’inégalités à corriger,
- plus d’entreprises qui peinent à recruter.
L’État multiplie les dépenses et les baisses des impôts pour corriger ces effets : baisse du coût du travail, subvention des entreprises, multiplication des dépenses de redistribution et de protection sociale. La masse d’agent publique engagée pour compenser les conséquences du faible taux d’emploi a un effet pervers : elle pousse les pouvoirs publics à financer les dépenses de protection sociale en augmentant la pression fiscale sur les entreprises, et aboutit in fine à un affaiblissement de l’emploi. Les 15-29 ans sont particulièrement touchés par ce phénomène : le taux d’emploi de cette tranche d’âge est seulement de 33 %. »
La faiblesse de l’industrie en France, « source de polarisation du marché du travail »
« L’autre problème macroéconomique de la France est la faiblesse de son industrie qui aujourd’hui représente moins de 10 % du PIB, soit 10 points de moins qu’en Allemagne ou au Japon, les deux pays les plus industrialisés de l’OCDE. C’est un frein pour notre mobilité sociale, car les emplois industriels sont :
- des emplois très bien rémunérés : les salaires de l’industrie sont 50 % supérieurs à la moyenne du reste de l’économie,
- un pont entre emplois peu qualifiés et emplois hautement qualifiés sans lequel notre marché du travail est polarisé. »
Le « lien étroit » entre faiblesse des compétences scientifiques et faiblesse de l’industrie
« Les enquêtes Piaac, qui évaluent au plan international les compétences des adultes en termes de numératie, de littéracie et de maîtrise des technologies, indiquent que les compétences des Français se situent parmi les plus basses des 24 pays participant à l’évaluation.
Or le lien entre le niveau de compétences, notamment scientifiques, et plusieurs indicateurs de santé économique (taux d’emploi, poids de l’industrie, balance commerciale), est très étroit. On comprend donc facilement que la situation est inquiétante, et que le niveau dégradé de compétences de nos actifs est directement à l’origine de notre décrochage économique. »
Notre acharnement à dégrader la compétitivité de nos entreprises par une trop forte pression fiscale, à n’agir que pour augmenter le pouvoir d’achat via des prestations sociales élevées, renforce la polarité de notre marché du travail et nos inégalités de revenus. Nous sommes en effet, avant redistribution, un des pays les plus inégalitaires au monde.
« La Dares résume bien la problématique française de polarisation croissante des métiers : selon ses projections, on retrouve à la fois des métiers très qualifiés et peu qualifiés parmi les 15 métiers en plus forte expansion d’ici 2030, mais peu de métiers intermédiaires. Le risque est de piéger les générations futures dans des emplois moins qualifiés que ceux de leurs parents. »
Patrick Artus
Parcours
Directeur de la recherche et des études
Conseiller économique senior
Chef du service des études économiques
Conseiller scientifique à la direction générale des études
Directeur des études
Directeur du département économique
Établissement & diplôme
Ingénieur
Fiche n° 47121, créée le 06/09/2022 à 17:33 - MàJ le 18/10/2022 à 16:19