« France Travail : un métadéfi de l’emploi pour le modèle social français ! » (B. Lamberti, Quintet)

News Tank RH - Paris - Analyse n°253604 - Publié le 01/06/2022 à 18:37
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Bertrand Lamberti, associé fondateur de Quintet Conseil - © DR.

• Défi de souveraineté : sans compétence, c’est-à-dire le plus grand nombre d’actifs français en capacité de « faire », les organisations (acteurs économiques et sociaux publics et privés) ne pourront adapter leur proposition de valeur aux futurs enjeux sociétaux qu’ils soient économiques, climatiques, géopolitiques ou encore civilisationnels ;

• Défi de modèle social : derrière une idée de France Travail, on peut imaginer qu’il s’agit en définitive de la traduction opérationnelle d’un modèle social à la française qui garantirait qu’aucune partie prenante du marché du travail ne se retrouve en difficulté (acquisition et gestion de compétences pour les uns, périodes de transition professionnelle pour les autres) ;

• Défi de gouvernance : politique ou/et politicien ? Jacobins de France ou girondins de province…ou l’inverse… État ou Partenaires Sociaux, nationalisme ou paritarisme…et/ou ? ou/et ? jusqu’à présent tout a été expérimenté sans pour autant faire émerger un marqueur indélébile de réussite ;

• Défi de transformation : l’écosystème protéiforme du SPE (Pôle Emploi, Missions Locales, Cap Emploi, DREETS, Régions, Départements, Apec) complexifie d’un côté l’expérience des organisations (en recherche de compétences et non de statuts), de l’autre l’expérience usagers (qui peinent à savoir vers quel opérateur se tourner pour quels services et quelles garanties de résultats…).

Tels sont les défis auxquels doit faire face « la construction du France Travail de demain », indique une analyse de Bertrand Lamberti Associé fondateur @ Quintet Conseil • Conseiller en charge du suivi de l’exécution des réformes @ Cabinet de la ministre du Travail
, associé fondateur du cabinet Quintet Conseil.


« Renoncer à France Travail serait nier un principe simple de marché : une offre servicielle est pérenne si elle répond à des besoins en constante évolution » 

« Face à de tels défis, construire le France Travail de demain constitue dès lors un défi de transformation profonde au point de se demander si c’est bien utile de s’y lancer tellement les forces de résistance installées risquent de s’y opposer et qu’il faudra plus de 5 ans pour y arriver.

Or, y renoncer, ce serait nier un principe simple de marché : une offre servicielle est pérenne, quel que soit son modèle économique, si elle répond à des besoins en constante évolution.

Dès lors, comment justifier que quand les opérateurs privés de l’emploi (jobboards, réseaux professionnels, intérim, cabinet de recrutement et de placement…) font évoluer leurs modèles en permanence pour répondre au besoin du marché, les acteurs publics de l’emploi n’auraient pas à le faire de concert ? Comment justifier que la performance économique et sociale, éclairée d’indicateurs d’impacts durables sur l’emploi (recrutement, insertion, placement) ne soit pas la console commune de pilotage de notre bien commun que serait France Travail ? Comment justifier que ce bien commun ne soit pas accessible à tout actif par simple égalité de droits ? Plus basiquement, comment justifier qu’en 2022, il faille être un expert de l’emploi pour comprendre qui fait quoi et ce à quoi nous avons droit ? » 

Qu’on le souhaite ou non, ce métadéfi nous oblige au regard des enjeux sociétaux qui sont devant nous.

Les quatre enjeux de la construction de France Travail

« La solution facile qui pourrait être « d’afficher une pancarte commune sur des bâtiments existants et de formaliser des conventions d’objectifs adaptées à chaque structure pour ne froisser personne » ne serait assurément pas à la hauteur des attentes des actionnaires et potentiels clients que nous sommes.

Pour y répondre, il faudra sûrement poursuivre 4 enjeux majeurs : 

  • Une vision partagée : le travail est possible grâce à la valeur créée par les organisations. Partant de ce principe immuable, France Travail devra avant tout répondre aux besoins des organisations qui ne satisfont pas leurs besoins en compétences. Pour satisfaire ces besoins, France Travail devra être notamment en capacité :
    • De délivrer des services publics et de promouvoir des services privés en vue de satisfaire rapidement et efficacement les organisations,
    • D’accompagner les personnes en difficulté (et ce quel que soit leurs statuts) à correspondre aux besoins des organisations (accompagnement, formation…).

Un tel positionnement permettrait à France Travail de devenir une plateforme, un tiers-lieu serviciel du marché du travail couvrant l’ensemble de la chaine de valeur de l’emploi (observatoire & données, recrutement, placement, accompagnement, formation, indemnisation…) au profit des organisations et des personnes qui ne peuvent satisfaire leurs besoins en toute autonomie. Une telle approche inverserait la philosophie de construction de l’offre de services : d’une approche catégorielle (des superpositions de dispositifs pour des groupes de publics) à une approche situationnelle centrée sur le contexte du besoin de l’organisation ou de la personne.

  • Une volonté de simplification : dans un monde fortement digitalisé, guidé par les usages, une simplification drastique des règles de l’assurance chômage permettrait à France Travail de flécher ses investissements sur la performance de l’accompagnement et non la gestion des droits et des contrôles associés ;

Au même titre que la révolution a eu lieu dans le champ de la formation professionnelle avec le CPF, il pourrait en être de même avec un Compte Personnel d’Indemnisation, fondé sur des droits acquis par le travail et associé à une liberté et une responsabilité de chacun quant à sa mobilisation.
  • Une méthode assumée :
    • Premièrement, le cap : l’État, en tant que garant du modèle social, fixe le cap et pilote la mise en œuvre avec les Partenaires Sociaux et les Régions ;
    • Deuxièmement, l’existant : il n’est pas nécessaire de partir d’une page blanche. Les acteurs actuels du Service Public de l’Emploi ont en leur sein déjà engagé des éléments constitutifs de cette nécessaire transformation (numérique, offre de services culture économique…). L’enjeu est donc la massification et la mutualisation, sans concession, des meilleures pratiques qui concourent à ce nouveau positionnement ;
    • Troisièmement, la mise en œuvre opérationnelle : toujours en analogie des pratiques du secteur privé, « définir le comment ? », ne peut se faire que par les collaborateurs qui au quotidien le mettent en œuvre.

  • Un choc de gouvernance : afin de mener cette transformation profonde et permettre aux équipes dirigeantes et collaborateurs de l’intérêt général des différentes structures d’écrire cette nouvelle partition, il va inévitablement falloir donner l’exemple en mettant fin à la superposition de conseils d’administration, comités paritaires, comités régionaux, etc…allant à l’encontre de la nécessaire agilité qu’impose cette profonde ambition. Seul un modèle reposant sur une unique gouvernance et une gestion déconcentrée permettra que le cap soit atteint alliant ainsi un même modèle social pour tous et une adaptation aux réalités locales."

France Travail, ne serait-ce que par son nom, ne peut être qu’une simple intention de campagne présidentielle. En relevant ces défis de transformation, on pourrait émettre l’hypothèse que France Travail deviendrait, tel un Groupe avec ses filiales, le bras armé performant, économiquement et socialement, d’une politique, qui garantira à chaque partie prenante en difficulté sur le marché du travail, de trouver des solutions et ainsi contribuer au plein emploi.

Bertrand Lamberti

Parcours

Quintet Conseil
Associé fondateur
Cabinet de la ministre du Travail
Conseiller en charge du suivi de l’exécution des réformes
Cabinet de la ministre du Travail
Conseiller
Agence pour l’emploi des cadres (APEC)
Directeur de la stratégie - Web & Marketing

Établissement & diplôme

HEC Paris (Ecole des hautes études commerciales de Paris)
Mastère management unité stratégique
ESCE Paris - École supérieure du commerce extérieur
Diplôme

Fiche n° 36561, créée le 01/10/2019 à 10:25 - MàJ le 01/06/2022 à 19:18

Quintet Conseil

Cabinet de conseil en stratégie sociale, formation et raison d’être
Création  : octobre 2020 (par Antoine Foucher, Pauline Calmès, Damien Delevallée, Alain Druelles et Bertrand Lamberti, cinq anciens membres du cabinet de l’ex-ministre du Travail, Muriel Pénicaud).
Missions : Accompagner les entreprises dans leur démarche de conjuguaison de business et de bien commun sur cinq champs :
- La stratégie sociale
- La raison d’être
- Les compétences
- Les relocalisations
- La stratégie de communication
Président : Antoine Foucher
Contact : François Coën
Tél.  : 06 77 82 56 94


Catégorie : Etudes / Conseils


Adresse du siège

66 rue Saint-Dominique
75007 Paris France


Fiche n° 10548, créée le 06/10/2020 à 01:14 - MàJ le 17/09/2024 à 17:53

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