Le succès de l’apprentissage, « une combinaison de la réforme & des aides » (Alain Druelles, Quintet)

News Tank RH - Paris - Article n°252178 - Publié le 19/05/2022 à 20:51
©  Atlas
Alain Druelles. - ©  Atlas

Associé-fondateur du cabinet Quintet et ancien conseiller en charge de la formation professionnelle au cabinet de l’ancienne ministre du Travail Murielle Pénicaud, Alain Druelles Associé fondateur @ Cabinet Quintet
a analysé, dans le cadre d’un entretien qu’il nous a accordé, la situation de l’apprentissage et les pistes à explorer pour favoriser sa progression.


Selon vous, la progression de l’apprentissage est-elle davantage le fait de la réforme de 2018 ou des aides mises en place par l’État ?

Ce succès est une combinaison des effets de la réforme de 2018 et des aides gouvernementales. Si elles ont contribué à ce succès, elles n’auraient pas eu un tel effet seules. Avant la loi Avenir professionnel, les CFA étaient soumis à des accords et à des autorisations des conseils régionaux pour ouvrir des sections ou augmenter le nombre de places disponibles dans l’une d’elles. Le passage au financement « au contrat » favorise le recrutement d’apprentis par les CFA et permet au système de primes gouvernemental de produire son plein effet. L’augmentation de l’apprentissage de 16 points en 2019 en est la preuve.

Quels sont les axes d’améliorations dans les prochaines années ?

Il faut simplifier la partie de gestion administrative et financière du système. Beaucoup d’opco développent des outils numériques dans ce but. Harmoniser les process de traitements et les délais est un travail à mener entre opco.

L’amélioration des contenus pédagogiques est un second point. Cela comprend un travail sur les modalités pédagogiques, les formations à distance, le développement de l’Afest, ou encore les modalités mixtes entre les plateaux techniques d’entreprise et des CFA.

Instaurer un système d’entrée et sortie permanente. »

Il faudrait également instaurer un système d’entrée et sortie permanente pour intégrer les jeunes tout au long de l’année. Cela passe par le développement du contrôle en cours de formation et par davantage de souplesse dans l’organisation des examens. Ces changements ne sont pas sans effets sur l’évolution des métiers au sein des CFA. Elle s’accélère, il faut l’encourager.

Du côté des pouvoirs publics, il faut maintenir le cap et stabiliser le cadre. Sur les politiques financières et budgétaires, les acteurs peuvent comprendre qu’on ne peut pas maintenir les niveaux actuels. Il faut soutenir l’ambition du développement de l’apprentissage, bouger avec discernement et rester à un niveau de prime largement supérieur à celui d’avant crise. Le rapport coûts/bénéfices le justifie. Une approche coût/montant des contributions des entreprises est mortifère.

Quelles pistes pourrait-on explorer pour traiter le problème financier de l’apprentissage ?

Le nombre d’entrées en apprentissage a doublé entre 2018 et 2021. Il est évident que les seules contributions des entreprises n’y suffisent pas. Les mesures d’économie, bien que nécessaires, ne suffiront pas non plus. Il faut aller chercher des ressources complémentaires.

Il s’agit principalement de l’État, à ce stade. La question n’est pas de savoir s’il doit intervenir, mais plutôt de déterminer les ambitions, les objectifs et les modalités d’action pour en déduire un montant. Il faudrait un effort assez global sur la jeunesse et dans l’éducation. Nous ne souhaitons pas entrer dans une logique qui opposerait les différentes voies de formation entre elles. Ce serait un choix d’autant plus fort que la trajectoire budgétaire va forcément se tendre.

L’intérêt conjoint du développement de l’apprentissage. »

Une clé d’entrée de l’État pourrait être de souligner l’intérêt conjoint que comporte le développement de l’apprentissage. Il y a des enjeux d’emploi, d’insertion et de cohésions sociales qui intéressent entreprises et pouvoirs publics. Nous pouvons imaginer que les entreprises puissent contribuer davantage mais autrement qu’en relevant le montant légal des contributions, au moins tant que le niveau de prélèvements obligatoires est aussi élevé.

Le Gouvernement a assumé financièrement la demande en apprentissage des entreprises via les primes et prises en charge de la quasi-totalité de la hausse des coûts des formations liée à l’augmentation du nombre d’apprentis. À ce stade, il souhaite continuer à soutenir la demande des entreprises en maintenant un niveau élevé de primes et demander un effort mesuré aux CFA.

Ce travail est mené en ce moment par France Compétences.  Une baisse des niveaux de prise en charge peut générer l’existence ou l’augmentation de « restes à charge » facturés aux entreprises. Il faut analyser s’ils sont justifiés et pertinents. Le risque est que les entreprises considèrent que ce reliquat est excessif et ne recourent plus à l’apprentissage. Il faut aussi réfléchir à des mécanismes qui atténuent ces effets.

De quelle façon pourrait-on lutter davantage contre les ruptures de contrat ?

Un travail sur la qualité du suivi du jeune. »

L’endiguement demande un travail sur la qualité du suivi du jeune et de ses difficultés. Cela passe par une meilleure formation des maîtres d’apprentissage, une sensibilisation des équipes en entreprise pour détecter les difficultés et un meilleur suivi du CFA.

Souvent, le jeune en difficulté ne le dira pas à la structure encadrante où il rencontre ces difficultés. Il faut donc que les deux soient plus formés et échangent régulièrement.

©  Atlas
Alain Druelles. - ©  Atlas