Stratégies RH : « Les compétences ne peuvent plus être la variable d’ajustement » (Aurélie Feld, LHH)
« La compétence devient rare et elle ne peut plus être une variable d’ajustement, déclare Aurélie Feld
Country President, LHH France & Luxembourg @ LHH
, présidente de LHH
• Cabinet de conseil division de The Adecco Group (Lee Hecht Harrison)• Création : 1992• Mission : spécialisé dans le conseil et la stratégie RH, la transition de carrière et la mobilité, le…
France (Groupe Adecco) dans un entretien à News Tank, le 29/04/2022. Auparavant, nombre d’entreprises avaient pris l’habitude d’utiliser la variable de la masse salariale, à coups de restructurations pour s’adapter à la conjoncture, passant leur temps à recruter puis décruter. Il n’est plus question d’agir ainsi, alors que la marque employeur devient encore plus importante. »
Selon Aurélie Feld, les spécificités du marché français du conseil RH sont « très liées au cadre réglementaire qui impose un accompagnement renforcé des salariés, avec des obligations de moyens, voire de résultat ». Qu’il s’agisse de mobilités externes ou de mobilités internes, la « mise en dynamique des collaborateurs vers un nouveau projet professionnel est désormais la principale attente de nos clients ».
Six mois après l’acquisition de son concurrent BPI, Aurélie Feld détaille le processus d’intégration des équipes du groupe de conseil d’origine familiale, pour lequel LHH a choisi de suivre la recommandation que le groupe formule à ses clients en se faisant accompagner par un cabinet externe. « Le consultant externe regarde la situation avec davantage d’objectivité, de distance, pour analyser et proposer la meilleure stratégie. »
Aurélie Feld répond aux questions de News Tank
LHH étant un groupe international, quelle analyse faites-vous du marché du conseil RH français par rapport au reste du monde ?
La mise en dynamique des collaborateurs est désormais la principale attente de nos clients »Le marché mondial du conseil RH est assez homogène, à l’exception de la France et de certains pays d’Europe du Sud. Ces spécificités sont très liées au cadre réglementaire. En France, le cadre est très protecteur pour les salariés, mais aussi très complexe et certains le jugent même un peu sclérosant pour la fluidité du marché du travail. Là où la France impose un accompagnement renforcé des salariés, avec des obligations de moyens voire de résultat, dans la plupart des pays du monde, les obligations sont plus légères, avec un accompagnement plus court voire optionnel. Le plus souvent, l’objectif de ces accompagnements est de mettre en dynamique la personne sur le départ. C’est le fondement de notre métier. D’ailleurs en France, cette mise en dynamique des collaborateurs vers un nouveau projet professionnel est désormais la principale attente de nos clients, qu’il s’agisse de mobilités externes ou de mobilités internes à l’entreprise.
La transformation du Code du travail opérée notamment depuis les ordonnances Macron n’est-elle pas un facteur de normalisation du marché du travail français ?
Si c’est une tendance, elle est de très long terme car nous sommes encore très loin de la norme internationale et ce n’est peut-être pas non plus une mauvaise chose. La transformation du modèle économique et social voulue par les ordonnances amène à définir un nouvel équilibre et permet potentiellement plus de souplesse, ce qui pourrait nous rapprocher de la norme internationale. Elles donnent aux entreprises, un cadre adapté ainsi que des outils opérationnels, pour optimiser l’innovation sociale, avec l’opportunité de négocier tous les instruments utiles pour assurer des lendemains plus souples, dans un dialogue social permettant « l’économiquement possible et le socialement souhaitable ».
Que représente aujourd’hui LHH dans le monde et en France, sur ce marché ?
LHH est le leader mondial de ce marché avec plus de 4 000 collaborateurs. La France est le deuxième marché de LHH dans le monde en incluant les activités de sourcing et de recrutement de Spring et Badenoch and Clark, derrière les États-Unis. C’était déjà le cas avant l’acquisition de BPI par LHH France. LHH France comptait plus de 400 collaborateurs avant l’intégration de BPI et nous sommes désormais plus de 700 sur le marché Français, principalement sur notre métier historique de la transition de carrière, même si environ 30 % de notre activité environ est dédiée au développement des talents et au Conseil RH dans des contextes de transformation, dont une activité émergente de conseil en organisation. En termes d’activité BPI représente une progression de 50 % pour LHH en France
Nous appartenons à un groupe coté, aussi je ne peux pas donner de chiffre précis, mais LHH génère aujourd’hui, après l’intégration de BPI, significativement plus de 100M€ de CA.
Les tensions sur le marché du recrutement et les incertitudes sur la croissance économique ont-elles une incidence sur le marché du conseil RH ?
Être capable de déployer une stratégie RH globale est aujourd’hui un facteur encore plus important qu’auparavant. Les grands choix stratégiques sont percutés par de grands changements mondiaux de plus en plus rapides et donc les dirigeants sont appelés à repenser cette stratégie et à l’adapter en permanence dans sa mise en œuvre. Or, pour toutes les organisations dans tous les métiers, les équipes sont essentielles pour l’exécution de ces stratégies. Certes, pour une entreprise industrielle, la capacité d’adaptation à la conjoncture passe aussi par les machines et l’outil industriel, mais pour elles aussi, les équipes sont la clé de succès dans l’exécution des stratégies.
Sur un marché où les compétences deviennent rares, la marque employeur est un enjeu encore plus fort »Auparavant, nombre d’entreprises avaient pris l’habitude d’utiliser la variable de la masse salariale, à coups de restructurations pour s’adapter à la conjoncture, passant leur temps à recruter puis décruter. Il n’est plus question d’agir ainsi car la compétence devient rare et elle ne peut plus être une variable d’ajustement. C’est un changement de paradigme. De plus, la connaissance de l’entreprise, de ses valeurs, de son mode d’organisation et de sa culture devient aussi importante que les soft skills et que les compétences techniques. Et puis sur un marché où les compétences deviennent rares, la marque employeur est un enjeu encore plus important, vis-à-vis des clients mais vis-à-vis surtout des candidats. La quête de sens prend de plus en plus de place pour les candidats ce qui ne permet plus de ripoliner la stratégie affichée pour se positionner sur le marché du recrutement. Les candidats vont désormais plus loin, ils effectuent des recherches et attendent du concret et du tangible au-delà de l’affichage.
Les équipes RH des grands groupes ne disposent-elles pas en interne de ressources pour définir et décliner ces choix stratégiques ?
Les entreprises ont d’abord besoin d’un regard extérieur. Le consultant externe regarde la situation avec davantage d’objectivité, de distance et il dispose d’un regard transverse qui permet de benchmarker l’entreprise par rapport à son environnement concurrentiel. Quand vous êtes aux manettes au quotidien dans l’entreprise, vous êtes souvent passionné par votre métier et par l’organisation. Le panel des outils juridiques pour répondre aux crises ou aux enjeux du moment a également beaucoup évolué.
Même en situation difficile, il n’est plus question d’utiliser le PSE de manière quasi-automatique »Même en situation difficile, il n’est plus question d’utiliser le PSE de manière quasi-automatique. Il est possible d’y voir une complexité certes, mais entre les accords de performances de collective, la GEPP, les plans de départs volontaires, il est possible de trouver des équilibres plus conformes à l’intérêt de l’entreprise et des salariés.
Le volet dialogue social lors de la mise en œuvre de ces outils est particulièrement important en France et c’est là que l’expérience accumulée par les acteurs du conseil sécurise les DRH dans l’utilisation technique de ces outils et dans le recours aux bons outils dans la bonne situation.
Aujourd’hui on parle moins des accords de performance collective, comme si l’outil de gestion de crise qu’est l’Apld avait éclipsé ce type d’accord…
Pour aborder des sujets aussi sensibles que les équilibres entre les salaires, le temps de travail il faut une qualité de relations sociales »Par définition les accords APC ne sont pas des accords dont on parle beaucoup, en particulier lorsque leur négociation et leur exécution se passent bien. Mais ils n’ont pas disparu, même si les entreprises ont parfois du mal à s’approprier ce type de dispositif qui nécessite une certaine maturité du dialogue social. Pour aborder des sujets aussi sensibles que les équilibres entre les salaires, le temps de travail, notamment, il faut une qualité de relations sociales qui n’existe pas encore partout.
Si l’on n’en détourne pas l’objectif premier, les accords APC peuvent entre autres, initier une dynamique vertueuse en ouvrant des sujets autour de la transformation des métiers et ainsi amener chacune des parties à dépasser ses craintes, et mieux rentrer dans leur nouveau rôle. Et lorsque l’on parvient à se mettre d’accord, dans une entreprise, sur ce type de dispositif, ça contribue à aligner l’ensemble des parties autour d’objectifs communs : la pérennité de l’entreprise et l’équilibre dans la répartition de la richesse créée.
Qu’apporte l’intégration des équipes de BPI à celles de LHH dans ce contexte ?
Les aires de mobilité géographiques professionnelles des Français restent limitées »BPI avait fait le pari d’une implantation régionale renforcée en adressant largement le marché de proximité et notamment des acteurs des territoires et ETI. Dans la nouvelle organisation de LHH, nous avons largement capitalisé sur ce maillage en une dizaine d’implantations régionales pour répondre à l’enjeu majeur pour nos clients qui est d’avoir avec leur partenaire RH une relation de proximité et de trouver les bonnes compétences aux bons endroits, car le marché du travail est d’abord un marché de bassins d’emploi. Les aires de mobilité géographiques professionnelles des Français restent limitées et si l’on ne dispose pas des compétences recherchées sur un territoire, il faut les faire émerger sur place car il sera difficile d’aller la chercher dans une autre région.
D’ailleurs sur ce point, le développement du télétravail ouvre quelques perspectives, mais n’oublions pas que tous les postes ne sont pas télétravaillables. Et le télétravail ne permet pas de répondre à toutes les pénuries de compétences, en particulier pour les compétences techniques. De plus, la plupart des accords négociés sur le télétravail prévoient au moins deux à trois jours de travail en présentiel. Ça reste une contrainte forte pour des candidats venus d’une autre région, en particulier pour les candidates. Avec les équipes de BPI, nous avons remis à plat nos offres, nos équipes et nos méthodologies pour faire émerger une offre et une méthodologie commune.
Comment intégrez-vous, dans un groupe mondial, une entreprise comme BPI, longtemps entreprise familiale, qui a traversé des périodes difficiles sur le plan économique ?
Nous nous sommes fait accompagner nous aussi par un cabinet de conseil externe »Vivre soi-même, comme entreprise, une situation que vivent nos clients est toujours très riche. Pour réussir cette étape importante, nous nous sommes fait accompagner nous aussi par un cabinet de conseil externe pour avoir ce regard extérieur que nous recommandons à nos clients. Et puis comme dirigeants de LHH, nous nous sommes placés non pas en position d’acquéreur, mais en position d’entreprise qui se rapproche d’une autre entreprise, pour pouvoir discuter d’égal à égal de notre rapprochement. Plusieurs centaines de collaborateurs, de part et d’autre, ont travaillé sur l’élaboration du projet de rapprochement. Aujourd’hui nous sommes organisés en trois business units en France et deux des trois sont dirigées par d’anciens managers de BPI. La majorité des implantations régionales sont dirigées par des collaborateurs venus de BPI.
Après l’étape de surprise de l’annonce de leur rachat par LHH en août 2021, voire d’inquiétude sur leur avenir, avec les équipes de BPI nous sommes aujourd’hui dans une étape de convergence qui fait passer les équipes de BPI de la culture d’une belle PME française détenue par un fonds d’investissement, vers la culture d’un groupe mondial, à la culture corporate. Nous avons mis six mois pour arriver à une organisation unique pour permettre à chacun de se repositionner dans l’organisation. Le périmètre du groupe Adecco, auquel appartient LHH, représente plus de 40 000 collaborateurs dans le monde (depuis l’acquisition d’Akka Technologies), et ouvre de nouvelles perspectives de mobilité, de métiers et de localisation.
Aurélie Feld
Country President, LHH France & Luxembourg @ LHH
Parcours
Country President, LHH France & Luxembourg
Country President, LHH France
Présidente, LHH France
Directrice de projets
President & CEO
Présidente
Directrice déléguée, member of the executive Committee
Deputy managing director
Consultante
Associate
Associate
Établissement & diplôme
Business Administration and Management
LLM Law
DESS european business law
Fiche n° 40300, créée le 01/09/2020 à 14:13 - MàJ le 17/06/2024 à 15:02
LHH
• Cabinet de conseil division de The Adecco Group (Lee Hecht Harrison)
• Création : 1992
• Mission : spécialisé dans le conseil et la stratégie RH, la transition de carrière et la mobilité, le développement des talent et les solutions de recrutement
• Effectif : 8.000 consultants, dont 1 000 en France
• Chiffre d’affaires : 65,8 M€ (2023)
• Présidente Monde : Gaëlle de La Fosse
• Présidente France et Luxembourg : Aurélie Feld
• Contact : Céline Surget (agence Coriolink)
• Tél : 07 48 72 82 37
Catégorie : Etudes / Conseils
Maison mère : The Adecco Group
Entité(s) affiliée(s) :
LHH Recruitment Solutions
Adresse du siège
Cœur Défense Tour A110, Esplanade Charles de Gaulle
92931 Paris la defense Cedex France
Fiche n° 7092, créée le 16/05/2018 à 12:37 - MàJ le 04/09/2024 à 12:05