« Entreprise tech en croissance : vite un DRH ou gare à la dette RH » (S. Fraise, OpenClassrooms)

News Tank RH - Paris - Interview n°404942 - Publié le

« Nous avons repris les bases pour s’assurer que notre Core RH fonctionne correctement et rationalisé nos outils », déclare Stéphanie Fraise CHRO @ OpenClassrooms
, CHRO Chief Human Resources Officer d’OpenClassrooms • SAS, devenue société à mission en 2018• Création : 2013• Mission : société technologique qui exploite une plateforme de formation en ligne • Résultats financiers : CA de 27,4 M€ en 2020 (dernier… , à News Tank le 08/07/2025.

« L’une de nos plus grosses priorités RH concerne la formation des managers. Avec ce chantier entamé mi-2024, nous voulons définir le socle de compétences et le modèle de management avec les enjeux de culture, de valeur et de compétence. »

« Le déploiement de la RCC, initié en janvier, a été achevé début avril 2025. Il a concerné une soixantaine de collaborateurs. Nous avions enclenché ce plan car Il fallait adapter notre effectif en raison de la conjoncture. »

À propos de son parcours de DRH dans des sociétés technologiques en croissance (Dailymotion, BlaBlaCar…) :

« L’un de mes critères de choix pour rejoindre les entreprises en tant que DRH, c’est le degré de culture RH déjà établi sur la place des valeurs, l’expérience collaborateur, la performance, le développement des compétences, l’inclusion… »

« Je trouve que la fonction RH est en situation de crise. Je vois autour de moi beaucoup de DRH en situation de désarroi par rapport à leur rôle. »

« Avec l’IA Intelligence artificielle , nous gagnons un temps absolument incroyable dans les processus de recrutement et nous facilitons la vie des managers et des collaborateurs. »


Quelle est la priorité RH actuelle chez OpenClassrooms ?

L’une de nos plus grosses priorités concerne la formation des managers. Avec ce chantier entamé mi-2024, nous voulons définir le socle de compétences et le modèle de management avec les enjeux de culture, de valeur et de compétence. Ce programme, qui concerne 60 managers, vient de prendre fin.

L’enjeu est désormais de s’assurer que cette formation bascule de la théorie à la pratique de manière concrète, et se transforme en véritable outil opérationnel de management du quotidien pour le suivi régulier des collaborateurs : efficacité des entretiens individuels, bien-être, santé mentale, performance, développement… Il est nécessaire de définir un socle managérial cohérent, que l’on soit junior ou senior.

La définition de performance est importante : il faut définir les objectifs, les suivre dans le temps et développer un rituel comme la pyramide moyens/exigences. Cet outil permet de trouver un équilibre entre moyens mis à disposition et les objectifs à atteindre. Il contribue à favoriser la discussion avec les équipes et les collaborateurs pour trouver des solutions : revoir les délais, redéfinir les moyens, reprioriser…

Au cours de cette formation, nous n’avons pas eu de langue de bois ou de tabous. Nous avons abordé des sujets difficiles comme les problèmes de performance susceptibles de se transformer en burn-out ou de démission. Les managers ont parfois des conversations difficiles avec les collaborateurs. Ils doivent être capables de les affronter.

C’est vraiment la cheville ouvrière pour toutes les entreprises : garantir un environnement sécurisant de travail, donner un cadre et du sens à son équipe, et engager le collectif. Nous menons actuellement une enquête importante sur ce dernier sujet.

OpenClassrooms a plus de 15 ans. Il n’y avait pas de socle RH et de management auparavant ?

Ce n’est pas une question de structuration. En fait, nous avons repris les bases pour s’assurer que notre Core RH fonctionne correctement. Nous avons notamment rationalisé nos outils.

Nous sommes par exemple en train de rationaliser notre pratique RH en nous concentrant sur l’exploitation d’une plateforme unique : Lattice. Nous approfondissons son exploitation depuis 9 mois : la plateforme intègre désormais les entretiens individuels, la performance, les objectifs d’entreprise (via la méthodologie OKR Objectives Key Results (objectifs et résultats clés) ), les feedbacks et les leviers d’engagements.

OpenClassrooms a enclenché une RCC en janvier 2025. Où en est son déploiement ?

Le marché de l’éducation en ligne s’est beaucoup resserré.  »

Le déploiement de cette RCC a été achevé début avril 2025. Il a concerné une soixantaine de collaborateurs. Nous avions initié ce plan car Il fallait adapter notre effectif en raison de la conjoncture. Nous avions déjà eu un plan de départ portant sur un quart de notre effectif au printemps 2023.

Le marché de l’éducation en ligne s’est beaucoup resserré. La situation se complique aussi dans l’apprentissage au cœur de nos activités et nous voyons des vents contraires avec la réforme du financement de l’apprentissage par le gouvernement. Bien que nous soyons quelque peu épargnés par le décret d’application qui se montre plus subtile pour la configuration d’activités de formation en ligne d’OpenClassrooms.

Ce contexte difficile pourrait-il vous obliger à changer de modèle ?

Nous poursuivons à ce stade le modèle centré sur le développement de l’apprentissage et de la reconversion. La mission d’OpenClassrooms est de rendre la formation accessible. 50 % de nos apprenants sont des demandeurs d’emploi. 30 % engagés dans les parcours de reconversion sont des femmes. 10 % sont issus des quartiers prioritaires. Les parcours de formation sont gratuits pour les demandeurs d’emploi en contrepartie d’un financement par France Travail et pour les alternants en contrepartie d’un financement de l’entreprise de rattachement.

Dans votre parcours professionnel RH, vous avez travaillé dans plusieurs sociétés technologiques en croissance comme BlaBlaCar ou Dailymotion. Quels sont vos critères de choix pour vous impliquer ?

Je n’ai pas le profil de RH académique, je viens du business. »

J’ai peut-être un regard biaisé parce que l’un de mes critères de choix pour rejoindre les entreprises en tant que DRH, c’est justement le degré de culture RH déjà établi sur la place des valeurs, l’expérience collaborateur, la performance, le développement des compétences, l’inclusion… Je cherche un certain alignement sur tous ces sujets avec les fondateurs et/ou les dirigeants et à appréhender la place donnée aux RH et à ses équipes dédiées.

Je n’ai pas le profil de RH académique, je viens du business. Quand je rejoins une entreprise, j’ai besoin de comprendre le business et de m’y impliquer. Ma mission consiste aussi à apporter un éclairage RH pour aider les dirigeants dans leur prise de décision.

Les dirigeants s’engagent-il vraiment dans les process RH ou préfèrent-ils déléguer rapidement pour se concentrer sur le développement des produits et du business ?

C’est vrai qu’il existe des entreprises dans ce cas. J’ai refusé d’aller plus loin sur certaines propositions parce que je ne le sentais pas.

Le problème avec un CEO qui délègue entièrement la gestion RH, c’est le responsable RH se retrouve seul et isolé dans ses pratiques. Il risque de ne pas parvenir à fédérer un collectif. Cela ne permet pas de travailler efficacement.

Ma vision, c’est que les RH ne sont pas là pour répondre à une demande opérationnelle. Elles sont là pour amener de la valeur aux opérationnels. Dans un monde idéal, les RH devraient aussi anticiper les besoins des opérationnels.

Par expérience, existe-t-il un point d’étape dans le développement d’une entreprise en croissance où une équipe devient nécessaire pour le pilotage RH ?

Le plus tôt possible. C’est un sujet important pour accompagner la croissance. Le risque si l’on s’en néglige cette étape, c’est de créer une dette RH qui sera difficile à résorber : structuration des contrats, les titres et les fonctions dans les équipes, l’organisation du travail, la gestion de la paie, la grille de salaires… Avec le risque de déconstruire ce qui a été fait initialement pour repartir sur de bonnes bases en structurant l’approche RH.

Tout cela doit être pensé avant d’atteindre une taille critique en entreprise (100 personnes).

Pour réaliser cette mission, un DRH à temps partiel ou un DRH seniors en temps partagé peut suffire. Il en existe de plus en plus sur le marché.

De votre point de vue, le risque d’isolement de la fonction RH est-il important ?

La fonction RH est en situation de crise. Je vois autour de moi beaucoup de DRH en situation de désarroi par rapport à leur rôle. C’est souvent une fonction solitaire marquée par une forte pression et amenée à gérer des attentes parfois paradoxales entre les besoins de l’entreprise et les aspirations des collaborateurs.

La DRH doit se montrer présente dans l’entreprise en consacrant beaucoup de temps mais qui s’occupe d’elle ? Il faut s’assurer d’avoir une communauté pour se ressourcer, s’entraider et d’apporter des conseils. À cause de difficultés rencontrées, beaucoup de RRH et de DRH ne veulent plus travailler en entreprise. Ce n’est peut-être qu’une solution temporaire de repli. D’autres décident de poursuivre sous un statut d’indépendant pour prendre du recul vis-à-vis de la fonction qui n’a pas toujours la reconnaissance et les moyens nécessaires pour bien travailler.

La fonction RH est souvent perçue comme un centre de coût. C’est un peu la question de l’œuf et la poule : les RH sont-elles mal perçues car elles feraient mal le travail ou manqueraient-elles de reconnaissance de la part des dirigeants d’entreprise ? La réalité se trouve souvent entre ces 2 points de vue.

Dans tous les cas, le périmètre d’action des RH ne cesse de s’élargir avec une complexité grandissante : gestion des bureaux, santé et santé mentale, sécurité, core RH, plans de carrière, engagement, rétention… C’est infini en fait et les ressources mises à disposition ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux.

Dans quelle mesure le risque de burn-out dans la fonction RH est-il élevé ?

Beaucoup d’études montrent que les risques de burn-out sont importants pour la fonction RH. Dans l’écosystème tech, beaucoup de DRH ressentent une certaine fatigue. Maud Grenier, ex-DRH qui est devenu consultante, parle bien de ce phénomène sur son compte LinkedIn  à travers des études, des retours d’expérience et des publications sur l’épuisement professionnel des RH.

À propos de la guerre des talents dans le numérique, comment attirer les meilleurs éléments ?

Il faut les attirer, mais aussi les retenir ! Le travail sur la marque employeur est important en racontant des histoires authentiques et sincères. La meilleure solution est d’inciter les collaborateurs à s’exprimer eux-mêmes. Il faut également travailler sur les communautés d’alumni en capacité de recommander l’entreprise.

Nous ne sommes pas dans une optique de retenir à tout prix. Nous sommes plutôt dans une logique d’expérience apprenante et épanouissante pour les collaborateurs. Pour les profils les plus recherchés dans l’exploitation de la data par exemple, cela passe par le niveau de salaire (nous jouons la carte de la transparence totale des salaires et de la grille de compétences) mais aussi la richesse et la qualité des projets technologiques sur lesquels ils travaillent.

À mon avis, les challenges technologiques constituent le premier vecteur d’engagement et de rétention.

Un des sujets en 2025 est de généraliser cette transparence salariale à l’ensemble de l’entreprise pour être prêt lors de la transposition de la directive européenne prévue l’an prochain. Pour cela, nous utilisons la plateforme Figures pour le benchmark des salaires.

La principale raison de la démission d’un collaborateur, c’est la mésentente avec le manager N + 1. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?

Le manager N + 1 endosse souvent une responsabilité. Honnêtement, dans toutes les expériences que j’ai vécues, le premier vecteur de départ, c’est le manque de perspective et de développement.

Cela dépend des organisations. Notre problématique dans les entreprises avec une taille d’effectif comme la nôtre, c’est que le nombre de postes à pouvoir en haut de la pyramide se réduit. Les possibilités de promotion verticale ne sont pas infinies. Donc nous essayons surtout de travailler sur la qualité des projets, de prendre des fonctions transverses, de bouger à l’intérieur des équipes.

Comment appréhendez-vous l’IA dans la fonction RH ?

C’est hyper important. Nous avons commencé assez tôt au point d’en mettre partout dans tous nos process RH : admission et expérience des candidats et des étudiants.

  • Nous avons organisé un atelier avec l’IT pour identifier les points de l’expérience collaborateur les plus dégradés et les améliorer avec l’IA : recrutement, description des fiches de postes, établissement des corrigés, élaboration d’un prompt Méthode d’ingénierie visant à composer des requêtes de l’utilisateur pour dialoguer avec une IA générative pour relire les feedbacks, aide aux managers pour décrire les objectifs des équipes…
  • Nous utilisons là aussi les fonctionnalités IA intégrées dans Lattice mais aussi Gemini (assistant IA de Google) qui est intégré dans nos outils.
  • Avec l’IA, nous gagnons un temps absolument incroyable dans les processus de recrutement et nous facilitons la vie des managers et des collaborateurs. C’est notre responsabilité de faire de l’IA un outil au service de l’humain et non un outil qui va remplacer l’humain.
  • Notre responsabilité en tant que RH, c’est d’anticiper comment l’IA va changer les métiers et les compétences.

Stéphanie Fraise

Parcours

Masteos
Chief People Officer
BlaBlaCar
VP Global Talent Management
Dailymotion
Chief People Officer
Canal+
Directeur National des Ventes Réseau

Établissement & diplôme

Sciences Po Executive Education
Etudiante Executive MBA, HR
Université Paris 8 Université Paris 8
Etudiante Licence, Psychologie clinique

Fiche n° 54489, créée le 08/07/2025 à 17:40 - MàJ le 08/07/2025 à 17:51

OpenClassrooms

SAS, devenue société à mission en 2018
Création : 2013
Mission : société technologique qui exploite une plateforme de formation en ligne
• Résultats financiers : CA de 27,4 M€ en 2020 (dernier CA communiqué au 10/04/2025)
Effectif (juin 2025)  : 250 employés
• Cofondateurs : Pierre Dubuc (CEO), Mathieu Nebra (Education Evangelist)
• Directeur général délégué au développement : Guillaume Houzel
• DRH : Stéphanie Fraise
• Contact : Alison Hadjez, Head of Communications
• Tél. : 01 80 88 80 30


Catégorie : Enseignement Supérieur


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Fiche n° 6042, créée le 14/11/2017 à 17:28 - MàJ le 08/07/2025 à 17:40