Apprentissage : « La réforme des NPEC mérite d’être éclaircie » (Bruno Coquet, OFCE)

News Tank RH - Paris - Actualité n°404687 - Publié le
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« La réforme des NPEC mérite d’être éclaircie. On ne peut pas vouloir reprendre la maîtrise financière du système, annoncer le faire via des enveloppes budgétaires fermées, puis dire ensuite qu’elles seront en fait ouvertes », déclare Bruno Coquet Conseil/expert (économie, emploi, protection sociale, politiques publiques) @ UNO Etudes & Conseil
, économiste à l’OFCE • L’Observatoire français des conjonctures économiques est un organisme indépendant de prévisions, de recherche et d’évaluation des politiques publiques hébergé par la Fondation nationale des… , le 24/06/2025.

Il s’exprime lors d’un débat organisé par Centre Inffo • Association loi 1901• Création : 1976• Missions : - Contribuer au développement de la formation sur l’ensemble du territoire national,- Accompagner la dématérialisation du secteur de la… dans le cadre de la Grande journée de l’apprentissage, sur la réforme de détermination des NPEC pour la rentrée 2026. Celle-ci prévoit un NPEC pivot fixé pour chaque certification menant au même métier, que les branches professionnelles pourront ensuite faire varier dans une fourchette de plus ou moins 20 %.

Stéphane Lardy Directeur général @ France compétences
, directeur général de France compétences • Établissement public administratif créé par la loi du 05/09/2018, placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle. Mise en route le 01/01/2019 • Gouvernance quadripartite… , déclare en effet qu’il s’agit d’un « cadre de référence, non d’une enveloppe fermée ». Si les effectifs d’apprentis par certification en 2024 servent à la détermination du NPEC de référence, rien n’interdit une augmentation du nombre d’apprentis pris en charge en 2026.

Selon Stéphane Lardy, la réforme poursuit néanmoins un « objectif de soutenabilité budgétaire renforcée, une convergence par l’objet des groupes de certification, une simplification, avec moins d’itérations entre CPNE, Opco et France compétences, et de visibilité, avec le NPEC unique ».

Cela passe par un travail de regroupement des certifications pour fixer une valeur de référence pour chacune d’entres elles : « Il faut trouver la bonne nomenclature, parce qu’on a 3 500 certifications éligibles à l’apprentissage. C’est un travail en cours », indique Stéphane Lardy.


Le processus pour déterminer le NPEC de référence

« Comme l’a évoqué la ministre du Travail, une procédure de révision générale des NPEC devrait se déclencher au mois de décembre. Deux choses seront construites en amont et transmises aux CPNE : une valeur de référence et un cadre de soutenabilité budgétaire », déclare Stéphane Lardy.

Ensuite, pour fixer cette valeur de référence du NPEC, France compétences va « prendre l’observation des coûts qui remontent de 2024 ».

Un exemple pour comprendre

Stéphane Lardy prend l’exemple d’une CPNE ayant cinq certifications sur lesquelles il y a des apprentis.

« Nous allons créer cette valeur de référence. On va leur dire : pour vos cinq certifications, la valeur de référence est 100. On prend la valeur de référence, on regarde en 2024 combien vous avez eu d’apprentis sur chacune des cinq certifications, on somme les montants, et cela vous donne un cadre de soutenabilité budgétaire. »

« Pour ces cinq certifications, vous aviez en tout deux apprentis par certification, valeur 100, donc 200. Votre cadre, c’est 200. Et dans ces 200, vous devez moduler vos valeurs de prise en charge, dans une fourchette de +20 % à -20 %, tout en respectant les 200. »

« Si la CPNE propose une modulation qui dépasse ce cadre — par exemple, elle arrive à 110 alors que le plafond est à 100 — ses valeurs seront considérées comme non conformes par France compétences, qui moyennise les valeurs reçues par certification. Si j’ai une certification avec 10 CPNE positionnées, je prends la moyenne pondérée par les effectifs, et c’est ce qui donne le NPEC unique. Les branches ont une valeur de référence, un cadre budgétaire, elles modulent à plus ou moins 20 %, renvoient à France compétences, qui fait une moyenne, et cela donne un décret. »

« Le dispositif tel qu’il est aujourd’hui n’est pas soutenable » (Bruno Coquet)

« Le dispositif tel qu’il est aujourd’hui n’est pas soutenable, à environ 25 Md€ par an, c’est-à-dire environ 25 000 euros par apprenti et par an. Un étudiant du supérieur coûte environ 11 000 euros en moyenne. Pour que ce système soit pérennisé, il faut en reprendre le contrôle. Sinon, il va s’écrouler à un moment donné. Ou alors, il y aura des régulations budgétaires extrêmement dures », indique Bruno Coquet.

Le processus de France compétences, « pas une reprise de contrôle » selon Bruno Coquet

« L’annonce faite par le ministère, c’est qu’on reprend le contrôle via des enveloppes budgétaires fermées. Ensuite, France compétences décline un processus, dans lequel à une certaine étape il y a une enveloppe fermée et des valeurs de référence. Puis à l’étape suivante, c’est modifié, on ne peut donc pas dire qu’il y avait une enveloppe fermée à l’étape précédente. Pour moi, ce n’est pas une reprise de contrôle », selon Bruno Coquet

« Le ministère est dans une situation de terreur, parce qu’il y a une dérive budgétaire importante, et il essaie de reprendre le contrôle par des moyens anciens. Ces moyens anciens, c’est : je fixe des règles partout. »

La nécessité d’une « direction de politique publique »

Il dit que la politique de l’apprentissage « manque de direction de politique publique » et qu’il faut « cibler, dire qu’on vise tel public, sur tel niveau, sur telle fonction ».

Selon lui, la stratégie actuelle se résume à « plus, c’est mieux. On ne sait pas ce que font ces gens dans leur vie après, mais fondamentalement, il n’y a pas de stratégie d’enseignement supérieur. Et cela se décline dans l’apprentissage ».

Il ajoute le problème de l’absence d’un « marché, en raison de l’absence de prix. On crée une aide à l’embauche qui couvre à peu près le coût salarial de 75 % des apprentis dans le profil au moment où elle est créée. En bref, on a un salarié gratuit ».

« Les gens vont voir dans le rayon, ils se rendent compte que c’est gratuit. Il y a un NPEC, pour l’employeur, c’est gratuit. Pour l’apprenti, c’est gratuit aussi. Pourquoi se priver ? Quand c’est gratuit, les gens ne régulent pas leur usage. Or, pour l’enseignement supérieur, et pour l’apprentissage, on a le devoir de réguler l’usage. »

Vers un chèque apprentissage ?

Bruno Coquet évoque « une solution radicale : plutôt qu’aujourd’hui de financer avec des fonds publics, vous pouvez lever un chèque apprentissage, comme le font certains pays sur des populations réduites, à destination des apprentis, mais cela pourrait être à l’entreprise aussi ».

« Si vous prenez les 15 Md€ de l’enseignement supérieur et que vous les donnez en bourse ou en chèques apprentissage, vous avez le même volume de financement, sauf que les gens vont devoir faire attention à la manière dont ils l’utilisent. Nous sommes dans un pays où tout le monde a le bac, tout le monde peut aller à l’université. On ne se régule pas dans l’usage qu’on fait de ce service public qu’est l’enseignement. Résultat : le coût dérive, la qualité baisse. Et pour l’apprentissage, il se passe exactement la même chose », déclare Bruno Coquet.

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