« L’apprentissage a une valeur ajoutée spécifique sur les niveaux 3 et 4 » (Philippe Perfetti, CMA France)

News Tank RH - Paris - Interview n°405766 - Publié le
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« Avant 2018, l’apprentissage, c’était à 65 % des formations de niveau 3 et 4. Aujourd’hui, c’est l’inverse : 65 % des contrats sont sur des niveaux 5 à 7. Cela reflète une libéralisation du marché, une forte progression du supérieur, notamment dans les grandes entreprises et les services, et une attention moindre aux métiers techniques de production, souvent exercés dans l’artisanat. La ministre du Travail l’a bien compris. Lors des dernières annonces, elle a affirmé sa volonté de rééquilibrer. C’est ce que le réseau des CMA • Établissement public national fédérateur des chambres de métiers et de l’artisanat• Création : 2019 sous le nom « CMA » (anciennement Assemblée des Présidents des Chambres de Métiers de France… attendait depuis deux ans », déclare Philippe Perfetti Conseiller technique emploi formation, chargé de mission auprès du directeur général @ CMA France (CMA)
, conseiller technique emploi formation, chargé de mission auprès du directeur général de CMA France • Établissement public national fédérateur des chambres de métiers et de l’artisanat• Création : 2019 sous le nom « CMA » (anciennement Assemblée des Présidents des Chambres de Métiers de France… , à News Tank le 17/07/2025.

« Nous sommes très favorables à un pilotage de l’apprentissage par la qualité. L’idée est de sortir d’une logique purement comptable, pour piloter en fonction de critères qualitatifs. Il y a des CFA qui font un travail remarquable — pas uniquement ceux des CMA, bien sûr — et d’autres qui ont profité d’effets d’aubaine, voire fraudé. Il faut valoriser les premiers et sanctionner les seconds. Cela suppose de mieux structurer les contrôles, mais aussi de récompenser la qualité. »

« L’apprentissage a doublé en quelques années, passant de 450 000 à un million d’apprentis. Ces jeunes n’ont pas été créés ex nihilo : ils viennent du lycée, de l’université, d’autres formations. Il faut donc se poser la question de la place de l’apprentissage dans le paysage global, et de sa complémentarité avec la voie scolaire et universitaire. Cela implique de réfléchir à la carte des formations au niveau territorial, et d’éviter les concurrences stériles. L’apprentissage a une valeur ajoutée spécifique, notamment sur les niveaux 3 et 4, qu’il faut préserver et soutenir. La réforme du financement est un levier. La qualité en est un autre. C’est là que se joue l’avenir. »


Comment percevez-vous la réforme du financement de l’apprentissage en vigueur depuis le 01/07/2025 ?

Le réseau des CMA forme actuellement 112 000 apprentis, dont 48 % sont mineurs et 90 % préparent des diplômes de niveau 3 et 4. Cela signifie que nous nous positionnons avant tout sur des formations initiales, avec un public jeune, souvent issu de troisième, pour qui l’apprentissage représente un cadre à la fois éducatif, professionnel et social.

Nos CFA sont donc très peu concernés par la mise en place d’une participation obligatoire forfaitaire de 750 € pour les employeurs embauchant un apprenti de niveau 6 ou 7.

Une forte progression du supérieur, notamment dans les grandes entreprises et les services »

Nous avons salué en revanche le signal envoyé par le Gouvernement à l’issue de la concertation : la volonté de rééquilibrer le financement de l’apprentissage en faveur des niveaux 3 et 4. C’est le point crucial pour le réseau des CMA, car les baisses successives des niveaux de prise en charge en 2022 et 2023 ont mis en danger notre modèle économique. Nous avions alerté dès 2022, expliquant que ces baisses, loin d’être de simples ajustements techniques, affectaient directement notre capacité à maintenir une offre de formation de qualité.

Avant 2018, l’apprentissage, c’était à 65 % des formations de niveau 3 et 4. Aujourd’hui, c’est l’inverse : 65 % des contrats sont sur des niveaux 5 à 7. Cela reflète une libéralisation du marché, une forte progression du supérieur, notamment dans les grandes entreprises et les services, et une attention moindre aux métiers techniques de production, souvent exercés dans l’artisanat. La ministre du Travail l’a bien compris. Lors des dernières annonces, elle a affirmé sa volonté de rééquilibrer. C’est ce que le réseau des CMA attendait depuis deux ans.

Vous évoquez les NPEC. Le nouveau mécanisme de détermination en cours d’élaboration vous semble-t-il répondre aux attentes ?

Les intentions sont positives. Le principe consiste à établir une « valeur de référence » qui servirait de base, avec la possibilité pour l’État de majorer certaines formations dites stratégiques, et pour les branches de moduler à la hausse ou à la baisse. Cela reste soumis à des arbitrages, notamment budgétaires. Attendons que ces arbitrages soient effectués, que les valeurs de référence soient publiées. Nous avons également alerté sur la nécessité d’une prise en compte des problématiques de vie chère dans les Outre-mer.

Les CFA de votre réseau doivent réaliser des investissements importants (équipements mécaniques, plateaux techniques). Le mode de calcul des NPEC tient-il compte de cette réalité ?

Le modèle économique initial de la réforme de 2018 prévoyait que les CFA pourraient générer des marges pour investir. Or, les investissements que les CFA du réseau des CMA doivent réaliser dans les plateaux techniques sont lourds et s’amortissent sur plus de cinq ans — ce qui les exclut du périmètre pris en compte pour calculer les niveaux de prise en charge. On parle ici d’équipements comme des ponts élévateurs pour la mécanique, des fours pour la boulangerie, ou des pianos pour les formations en cuisine. Cela suppose des montants importants, surtout pour des CFA multimétiers comme les nôtres. Et quand nos marges fondent, notre capacité à investir disparaît.

La qualité des formations passe aussi par ces équipements performants. Quelle est votre position sur le pilotage par la qualité ?

Nous y sommes très favorables. L’idée est de sortir d’une logique purement comptable, pour piloter en fonction de critères qualitatifs. Il y a des CFA qui font un travail remarquable — pas uniquement ceux des CMA, bien sûr — et d’autres qui ont profité d’effets d’aubaine, voire fraudé. Il faut valoriser les premiers et sanctionner les seconds. Cela suppose de mieux structurer les contrôles, mais aussi de récompenser la qualité.

Comment pourrait-on concrètement récompenser les CFA qui font bien leur travail ?

Il faut ouvrir la discussion. Est-ce que cela passe par une majoration des NPEC pour les CFA les plus performants ? Pourquoi pas. Aujourd’hui, la priorité semble aller à certaines formations stratégiques, au sens des compétences visées. Mais on peut aussi penser à des publics stratégiques : jeunes des quartiers prioritaires, apprentis en reconversion, personnes en situation de handicap. Le réseau des CMA accueille tout le monde, sans sélection à l’entrée. Cette mission sociale doit être reconnue et soutenue.

Cette reconnaissance passe-t-elle aussi par une révision du référentiel Qualiopi ?

Qualiopi est un outil utile, mais pas suffisant »

Qualiopi est un outil utile, mais pas suffisant. Dans le cas de l’apprentissage, un seul indicateur du référentiel, l’indicateur 13, traite de l’articulation entre l’entreprise et le centre de formation. Mais il reste très basique : il demande une simple coordination, alors que l’alternance repose sur une vraie pédagogie de la réflexivité. L’apprenti doit pouvoir transformer son expérience professionnelle en compétences, grâce à des espaces intermédiaires comme les plateaux techniques. Cela, Qualiopi ne le mesure pas.

Le ministère du Travail a lancé un groupe de travail sur la qualité auquel CMA France a participé. Ces travaux ont été interrompus pendant la concertation sur le financement, mais ils devraient reprendre. Nous espérons qu’ils permettront d’avancer sur la reconnaissance des missions des CFA, au-delà des seuls résultats aux examens. Car la valeur ajoutée, ce n’est pas seulement le taux de réussite, c’est aussi l’accompagnement social, l’inclusion, la prévention des ruptures.

Il faut repartir des 14 missions des CFA inscrites dans le Code du travail : accueil des jeunes en difficulté, prévention des ruptures, actions éducatives, inclusion… Qui les met véritablement en œuvre ? Qui va au-delà des obligations minimales ? Il faut construire un cadre de reconnaissance là-dessus. Ce peut être une labellisation renforcée, une bonification financière, ou un accès prioritaire à certains appels à projets. Ce chantier mérite d’être ouvert collectivement, avec l’État, les branches, les Opco. Il ne s’agit pas de créer une compétition artificielle, mais de garantir que les CFA qui s’investissent soient soutenus à la hauteur de leur engagement.

Comment voyez-vous l’avenir de l’apprentissage dans le système de formation ?

L’apprentissage a doublé en quelques années, passant de 450 000 à un million d’apprentis. Ces jeunes n’ont pas été créés ex nihilo : ils viennent du lycée, de l’université, d’autres formations. Il faut donc se poser la question de la place de l’apprentissage dans le paysage global, et de sa complémentarité avec la voie scolaire et universitaire. Cela implique de réfléchir à la carte des formations au niveau territorial, et d’éviter les concurrences stériles. L’apprentissage a une valeur ajoutée spécifique, notamment sur les niveaux 3 et 4, qu’il faut préserver et soutenir. La réforme du financement est un levier. La qualité en est un autre. C’est là que se joue l’avenir.

Philippe Perfetti

Parcours

CMA France (CMA)
Conseiller technique emploi formation, chargé de mission auprès du directeur général
CMA France (CMA)
Directeur de la formation
CFA du Havre
Directeur
Chambre des métiers et de l’artisanat de Seine Maritime (CMA 76)
Directeur de la formation
CMA France (CMA)
Directeur du Service d’appui aux actions du réseau
CMA France (CMA)
Directeur adjoint Emploi Formation

Fiche n° 34052, créée le 31/01/2019 à 17:23 - MàJ le 17/07/2025 à 14:05

CMA France (CMA)

• Établissement public national fédérateur des chambres de métiers et de l’artisanat
• Création : 2019 sous le nom « CMA » (anciennement Assemblée des Présidents des Chambres de Métiers de France, APCMF)
• Mission : agir pour que la place de l’artisanat soit reconnue à part entière dans l’économie, au niveau national et européen et que les intérêts des entreprises artisanales soient pris en compte dans les programmes de développement, les lois et réglementations et bénéficient d’évolutions favorables à leur développement
• Chiffres clés :
- 11 000 experts
- 2 500 élus
- 112 000 apprentis en formation
Président : Joël Fourny
• Contact : Marie Respingue, chargée de mission relations presse
Tél. : 07 45 08 48 53


Catégorie : CCI / Chambres de Métiers


Adresse du siège

12 Avenue Marceau
75008 Paris France


Fiche n° 6190, créée le 27/12/2017 à 14:07 - MàJ le 02/09/2025 à 16:25

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