« Réinventer l’orientation : s’orienter comme on entreprend » (Jean-Luc Reinero, Fédération Cinov)

Changer de paradigme : entreprendre son orientation

Changer la donne implique un changement de paradigme. L’orientation ne devrait pas être un verdict, mais une dynamique. Elle pourrait devenir un processus actif, évolutif, proche d’une démarche entrepreneuriale : on explore, on teste, on se trompe, on ajuste.

S’orienter comme on entreprend, c’est concevoir chaque élève comme l’acteur de son propre parcours. Cela suppose de valoriser la prise d’initiative, l’autonomie, la capacité à se projeter - autant de compétences clés dans un monde du travail en constante mutation. L’orientation doit devenir un apprentissage en soi : apprendre à se connaître, à se situer, à faire des choix, à rebondir.

Agir tôt, concrètement, collectivement

Pour cela, les formats doivent être repensés. Déployer une pédagogie de l’orientation par l’action et fondée sur une démarche entrepreneuriale : mini-challenges, hackathons scolaires, projets collectifs, immersions en entreprises. Cette démarche pourrait suivre quatre temps : benchmark de métiers, réflexion individuelle ou collective, accompagnement au projet, puis restitution collective. Un parcours pour tester, douter, s’adapter - comme dans tout projet entrepreneurial.

Et surtout, former les jeunes à une réalité trop peu abordée : l’incertitude. Dans un monde où les trajectoires ne sont plus linéaires, savoir s’adapter et changer de cap devient une compétence essentielle. Accepter les changements de cap sans les aborder comme des échecs, aussi.

Les stages : levier de transformation massive

Le levier le plus évident et le plus concret reste la généralisation des stages en entreprises avant 18 ans. Le stage d’observation en 3^e est une première immersion, mais encore trop inégalement valorisée. Le nouveau stage de 2^nde, prévu en fin d’année, constitue une avancée. Il doit s’inscrire dans une dynamique plus large et plus structurante.

Il ne s’agit pas de proposer des stages par défaut, mais de concevoir de véritables expériences immersives. Pourquoi ne pas confier aux élèves de petites missions concrètes, adaptées à leur niveau ? Par exemple, la résolution de mini « business cases », la participation à une action de communication, l’observation approfondie d’une activité pour en restituer le fonctionnement.

Petites entreprises et territoires, grands leviers pour l’orientation

Les TPE et PME jouent un rôle clé dans une orientation plus concrète et accessible. Elles offrent aux jeunes la possibilité de découvrir des métiers variés, de comprendre le fonctionnement global d’une structure et d’échanger directement avec des professionnels.

Pour généraliser ces expériences, un appui territorial est indispensable. Une plateforme nationale, déclinée localement, pourrait référencer les entreprises volontaires, faciliter l’accès aux stages et garantir une répartition équitable sur l’ensemble du territoire. Cela contribuerait également à corriger les inégalités d’accès : tous les élèves ne disposent pas des mêmes chances d’accéder à un stage utile et formateur à ce moment pourtant décisif de leur parcours.

Donner du sens, dès maintenant

Réformer l’orientation ne suppose pas forcément de créer de nouveaux dispositifs. Il s’agit surtout de donner du sens à ce qui existe, d’y injecter de la confiance, de la responsabilité et du concret. Redonner la main aux jeunes, les accompagner sans les enfermer, leur permettre de tâtonner sans être pénalisés. C’est une condition essentielle, non seulement pour leur épanouissement, mais aussi pour la pérennité des entreprises qu’ils rejoindront demain.

Et si on apprenait à s’orienter comme on apprend à entreprendre ? Ce serait, peut-être, le premier pas vers une école qui prépare vraiment au monde.

Jean-Luc Reinero, vice-président à l’Emploi et à la Formation de la Fédération Cinov