Apprentissage : « Cette réforme générera 450 M€ d’économie sur plus de 15 Md€ » (A. Panosyan-Bouvet)

News Tank RH - Paris - Interview n°397426 - Publié le
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« La réforme du financement des CFA vise à la fois à améliorer l’insertion dans l’emploi et à assurer la pérennité du soutien public à l’apprentissage. Il y a donc évidemment un aspect budgétaire dans la réforme. Mais ce n’est pas de l’économie pour l’économie. La politique publique d’aide à la formation et à l’embauche a été massive. Il s’agissait de faire “décoller” l’apprentissage, avec le franc succès que nous connaissons. » déclare Astrid Panosyan-Bouvet Ministre chargée du travail et de l’emploi @ Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
, ministre chargée du travail et de l’emploi, dans un entretien à News Tank le 07/05/2025. Elle s’exprime suite à l’annonce de la réforme du financement de l’apprentissage, présentée aux partenaires sociaux le 30/04/2025.

« Un bon dispositif n’est pas nécessairement celui qui ne tient que grâce aux aides publiques - j’ai même tendance à penser que c’est l’inverse en général. Il est donc tout sauf aberrant de se demander où le soutien peut être recalibré sans casser la machine et où il doit continuer pour être le plus efficace possible. »

« Cette réforme générera environ 450 M€ d’économie sur un budget public pour le financement de l’apprentissage de plus de 15 Md€, en comptant les primes et les exonérations. On parle de 3 %, pas de 50 % ! »

« Méthodologiquement, il est complexe d’intégrer un critère qualitatif dans le système de financement car certains CFA font des petites volumétries d’entrées non significatives statistiquement et qu’il faut aussi prendre en compte la nature des publics à l’entrée en formation, pour mesurer la qualité de l’accompagnement et de la formation d’un CFA. C’est pourquoi la réforme du financement des CFA va s’accompagner d’un plan qualité qui sera annoncé prochainement. J’ai pu échanger sur les principaux axes de celui-ci avec les partenaires sociaux, le 30 avril dernier. »

« Il y a un objectif clair que les entrées en apprentissage sur chaque formation se fassent en fonction des débouchés réels sur le marché du travail. Trop d’apprentis suivent certaines formations qui ne correspondent pas précisément aux besoins des entreprises et il faut corriger cela. »

« La modulation est à périmètre financier relativement “constant” pour chaque branche d’année en année. Dans la pratique, pour une branche donnée, une bonification de certains NPEC l’année N signifie une moindre prise en charge équivalente d’autres formations cette année-là. L’année suivante, si les volumes ont crû sur telle ou telle formation stratégique, il faudra alors réduire un peu le NPEC ou minorer plus fortement d’autres. »

« Tout ceci devrait donc d’équilibrer. Sans toucher au principe d’une enveloppe ouverte pour accueillir autant d’apprentis que de besoin, le coût individuel de la formation pour le denier public, tout en étant de plus en plus rentable parce qu’il mènera bien à l’emploi, ne devrait donc pas s’accroître. »


Astrid Panosyan-Bouvet répond aux questions de News Tank

Madame la Ministre, la réforme du financement de l’apprentissage que vous venez d’annoncer ne privilégie-t-elle pas une approche budgétaire au détriment de critères qualitatifs comme les taux d’insertion ou de réussite ?

La réforme du financement des CFA vise précisément, à la fois à améliorer l’insertion dans l’emploi, et à assurer la pérennité du soutien public à l’apprentissage.

Il y a donc évidemment un aspect budgétaire dans la réforme. Mais ce n’est pas de l’économie pour l’économie. La politique publique d’aide à la formation et à l’embauche a été massive. Il s’agissait de faire “décoller” l’apprentissage, avec le franc succès que nous connaissons. Il est maintenant entré complètement dans les mœurs des jeunes et de leurs familles comme des entreprises. Un bon dispositif n’est pas nécessairement celui qui ne tient que grâce aux aides publiques - j’ai même tendance à penser que c’est l’inverse, en général. Il est donc tout sauf aberrant de se demander où le soutien peut être recalibré sans casser la machine et où il doit continuer, pour être le plus efficace possible.

cette réforme génèrera environ 450 M€ d’économie (3 %) sur un budget public pour le financement de l’apprentissage de plus de 15 Md€ »

C’est une condition pour la pérennité de ce soutien. Il faut aussi remettre les chiffres en perspective : cette réforme générera environ 450 M€ d’économie sur un budget public pour le financement de l’apprentissage de plus de 15 Md€, en comptant les primes et les exonérations. On parle de 3 %, pas de 50 % !

Ensuite la réforme vise à améliorer l’insertion. Avec 67 % d’insertion dans l’emploi à 6 mois pour les niveaux 3 à 5 de qualification, nous en avons encore sous le pied. Il s’agit, pour les formations, d’être encore beaucoup plus en ligne avec les besoins de l’économie. Les branches professionnelles vont ainsi pouvoir moduler les financements en fonction de leurs besoins en compétences ; à ce titre elles pourront apprécier l’impact des certifications notamment au titre de la réussite du parcours de formation puis de l’insertion professionnelle.

Méthodologiquement, il est complexe d’intégrer un critère qualitatif dans le système de financement car certains CFA ont de petites volumétries d’entrées, non significatives statistiquement. Il faut aussi prendre en compte la nature des publics à l’entrée en formation, pour mesurer la qualité de l’accompagnement et de la formation d’un CFA. C’est pourquoi la réforme du financement des CFA va s’accompagner d’un plan qualité qui sera annoncé prochainement. J’ai pu échanger sur les principaux axes de celui-ci avec les partenaires sociaux, le 30 avril dernier.

En réduisant les coûts de prise en charge des formations distancielles, ne risquez-vous pas de dévaloriser ce mode d’apprentissage a priori, plutôt que sur des indicateurs objectifs comme les taux de réussite ou d’insertion ?

Je suis convaincu que les formations à distance contribuent pleinement à la politique d’apprentissage »

Je suis convaincue que les formations à distance contribuent pleinement à la politique d’apprentissage. Elles ne sont pas plus que d’autres concernées par des problématiques de qualité. La minoration du niveau de prise en charge pour ces formations en distanciel n’est pas justifiée par une appréciation négative de la qualité mais par un modèle et un niveau de coût différent. Ce qui justifie cette mesure est l’objectif de financer, par des fonds publics, les formations à leur juste coût.

La confusion vient du fait que dans le cadre du CPF, les formations à distance sont plus sujettes à des pratiques de fraude, ce qui est un sujet bien distinct. Il est important de ne pas faire d’amalgame.

Le reste à charge de 750 euros annoncé pour les formations en apprentissage à partir du niveau Licence s’ajoute à la baisse des aides à l’embauche, à la réduction des exonérations de charges pour les apprentis percevant plus de 50 % du Smic ? N’y a-t-il pas là un risque de frein majeur à l’embauche d’apprentis, en particulier pour les PME ?

Je ne pense pas et c’est précisément ce à quoi nous avons été attentifs. La participation obligatoire des employeurs voulue par les parlementaires concerne seulement les plus hauts niveaux de qualification - 6 et 7, c’est-à-dire bac + 3 et bac + 5. Nous parlons donc d’apprentis disposant de compétences acquises qui sont directement mobilisables pour les entreprises. Cela justifie que celles-ci puissent contribuer un peu plus au financement de leurs formations. Ensuite cette mesure permettra un rôle accru des entreprises dans le choix de la formation, puisqu’elles contribueront directement au financement de celles-ci. Enfin la réduction des exonérations de charges ne concerne pas les cotisations patronales, cela ne renchérit pas le coût du travail.

La CPME proposait une alternative : la restitution de ce reste à charge en cas d’embauche de l’apprenti à l’issue de sa formation. Qu’en pensez-vous ?

Souvent les entreprises embauchent les apprentis dans l’objectif de les recruter. Intégrer un mécanisme de restitution viserait donc à récompenser un comportement qui est naturel. En outre, je ne pense pas que cette restitution serait réellement incitative dans la démarche de conserver un apprenti au sein de l’entreprise.

Sur le plan opérationnel, ne risquons-nous pas de voir une distorsion de la relation entre les grandes entreprises, en mesure de négocier une non-facturation de ce reste à charge et les PME et TPE qui accueillent 1 ou 2 apprentis par an ?

Cette participation est légalement obligatoire. Elle n’est pas négociable par les entreprises et sa facturation n’est pas optionnelle pour les CFA.

La faculté laissée aux branches professionnelles d’ajuster les NPEC dans une marge de - 20 % à + 20 % ne pourrait-elle pas entraîner une dynamique inflationniste si les revalorisations se concentrent sur les formations jugées stratégiques ?"

Je pense que c’est une vision erronée de l’évolution que rencontrera l’apprentissage suite à cette réforme, qui est conçue pour éviter un effet inflationniste dans le temps.

Il y a un objectif clair que les entrées en apprentissage sur chaque formation se fassent en fonction des débouchés réels sur le marché du travail. Trop d’apprentis suivent certaines formations qui ne correspondent pas précisément aux besoins des entreprises et il faut corriger cela. Cela s’explique car les métiers concernés semblent faussement attractifs car certains CFA ne sont pas assez transparents sur les débouchés réels d’emploi.

Tout le but de cette nouvelle possibilité de modulation significative par les branches est donc en effet que les formations les moins stratégiques - qui seront donc les moins bien prises en charge - se réduisent et que les formations les plus stratégiques - mieux prises en charge - se développent.

Mais dans l’immédiat, comme dans le futur, la modulation est à périmètre financier relativement “constant” pour chaque branche d’année en année. Dans la pratique, pour une branche donnée, une bonification de certains NPEC l’année N signifie une moindre prise en charge équivalente d’autres formations cette année-là. L’année suivante, si les volumes ont crû sur telle ou telle formation stratégique, il faudra alors réduire un peu le NPEC ou minorer plus fortement d’autres.

Une bonification de NPEC peut booster une certification en particulier pendant quelques années avant d’être potentiellement réduit ensuite »

Ce qu’il faut garder en tête, c’est que le NPEC n’est pas la même chose qu’un coût de revient de formation. Une bonification de NPEC peut booster une certification en particulier, pendant quelques années, avant d’être potentiellement réduite ensuite. D’autant que sur le long terme, le coût individuel de revient de la formation qui se sera développé et aura attiré plus d’apprentis, va mathématiquement décroître.

Enfin, il existe actuellement des écarts importants de niveaux de prise en charge entre certifications, avec les 800 000 niveaux de prise en charge. Ces écarts sont justifiés uniquement par l’observation des coûts. La mise en place de bouquets de certifications, pour rapprocher les niveaux de prise en charge des certifications équivalentes et surtout, la mise en place d’un niveau de prise en charge unique par certification, contribueront à réduire les écarts. Nous devrions donc aboutir à une réduction de ces écarts.

Tout ceci devrait donc s’équilibrer. Sans toucher au principe d’une enveloppe ouverte, pour accueillir autant d’apprentis que de besoin, le coût individuel de la formation pour les finances publiques ne devrait pas s’accroître, tout en étant de plus en plus rentable parce qu’il mènera bien à l’emploi.

Envisagez-vous de réactiver la minoration des NPEC pour les CFA publics intégrés à un lycée, à une université…, déjà financés par ailleurs (via les dotations globales ou les financements des rectorats…) ? Le décret d’application de cette mesure prévue par la réforme de 2018 (article L. 6332-14 du Code du travail) n’a jamais été publié à ce jour.

Ce n’est pas envisagé à ce stade. Il ne vous aura pas échappé que les budgets des ministères qui financent ces centres de formation font l’objet, justement, d’une rationalisation rigoureuse cette année pour répondre aux enjeux de redressement des comptes publics. Donc les acteurs de la formation publique sont ainsi bien mis à contribution.

Astrid Panosyan-Bouvet

Parcours

Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Ministre chargée du travail et de l’emploi
Ministère du Travail et de l’Emploi
Ministre
Assemblée nationale
Députée, 4e circonscription de Paris, Commission des Affaires Sociales
Air France-KLM
Membre du Conseil de surveillance, membre du comité de développement durable et de conformité
Unibail Rodamco Westfield
Chief Resources Officer
Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique
Conseiller du Ministre en charge des affaires internationales, des investissements directs étrangers, de la santé et des biotechnologies et du secteur du luxe
Groupama
Secrétaire générale

Établissement & diplôme

Harvard University
Master’s Degree

Fiche n° 49417, créée le 16/06/2023 à 17:41 - MàJ le 05/06/2025 à 08:57

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